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La LEtr institue un système relativement complexe d’attribution des tâches exécutives.

Le Secrétariat d’Etat aux migrations dispose d’une compétence résiduelle, et les cantons ne sont ainsi compétents pour l’exécution d’une tâche que lorsque la loi ou ses ordonnances d’application la leur confient expressément15.

10 MACHERET, pp. 88 ss.

11 RHINOW, p. 66.

12 NGUYEN (2003), p. 104.

13 Notamment la LIEtr/GE, la LIEPR/VD et la Integrationgesetz/BL.

14 Directives LEtr, ch. 1.2.1.

15 Art. 98 al. 1 LEtr et 89 al. 2 OASA.

1) Le préavis cantonal

En matière d’octroi d’autorisations de séjour, les cantons sont compétents en vertu de l’art. 40 al. 1 LEtr. Ils sont chargés d’instruire les demandes et d’établir les faits, puis de se déterminer quant à la suite qu’ils entendent donner à la requête.

Un refus d’autorisation prononcé par un canton est définitif et l’autorité fédérale ne dispose pas de moyen d’intervenir 16.

En revanche, une décision positive de l’autorité cantonale ne constitue qu’un simple préavis, dont la portée est limitée par le pouvoir d’approbation que se réserve la Confédération17, notamment dans le cadre de dérogations aux conditions d’admission pour cas individuel d’une extrême gravité18. Pour ces catégories d’autorisations, le titre de séjour ne peut donc être établi que lorsque le SEM a donné son approbation19.

2) L’approbation fédérale

L’attribution formelle de la compétence d’approbation au SEM a fait l’objet d’un examen jurisprudentiel et d’un remaniement en 2015. Dans son ancienne teneur, l’art. 85 OASA prévoyait la compétence du SEM pour approuver l’octroi et le renouvellement des autorisations de séjour, lorsqu’il estimait qu’une procédure d’approbation était nécessaire pour certaines catégories de personnes afin d’assurer une pratique uniforme de la loi, ou lorsqu’il exigeait que l’approbation lui soit soumise dans un cas d’espèce20. Or le Tribunal fédéral a jugé dans un arrêt publié de 2015 que l’octroi de la compétence d’approbation par le biais de cette disposition était contraire à la délégation législative de l’art. 99 LEtr, et ne permettait pas au SEM de déterminer lui-même, par le biais de ses Directives, les cas qui devaient lui être soumis pour approbation21.

Suite à cet arrêt, la version modifiée de l’art. 85 OASA est entrée en vigueur le 1er septembre 2015 : elle contient désormais une clause de délégation plus précise, et charge le département fédéral de justice et police de déterminer, par voie d’ordonnance, « les cas dans lesquels les autorisations de courte durée, de séjour ou d'établissement ainsi que les décisions préalables des autorités du marché du travail doivent être soumises à la procédure d'approbation »22. L’ordonnance du DFJP relative aux autorisations soumises à la procédure

16 NGUYEN,p. 308.

17 Art. 99 LEtr.

18 Art. 85 OASA et 5 let. d ODFJP.

19 Art. 86 al. 5 OASA.

20 Ancien art. 85 let. a et b OASA (RO 2007 0993).

21 ATF 141 II 169, consid. 4.4.

22 Art. 85 al. 2 OASA.

d’approbation et aux décisions préalables dans le domaine du droit des étrangers, entrée en vigueur à la même date, contient la liste des cas soumis à l’approbation du SEM.

L’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité requiert une telle approbation fédérale23. Ainsi, en cas de préavis cantonal positif, trois possibilités s’offrent au SEM, qui pourra approuver le préavis cantonal, refuser de l’approuver, ou en restreindre la portée en l’assortissant de conditions ou en proposant une admission provisoire24.

Le TAF insiste sur le caractère recommandationnel du préavis cantonal positif, en relevant dans chacune de ses décisions qu’ « [e]n vertu de la réglementation au sujet de la répartition des compétences en matière de droit des étrangers entre la Confédération et les cantons, si ces derniers ont certes la faculté de se déterminer à titre préalable au sujet de la délivrance, du renouvellement ou de la prolongation d’autorisations de séjour fondées sur l’art. 30 al. 1 let. b LEtr, la compétence décisionnelle en la matière (sous forme d’approbation) appartient toutefois à la Confédération, plus particulièrement au SEM […].

Il s’ensuit que l’autorité intimée et, a fortiori, le Tribunal ne sont pas liés par la décision de l’autorité cantonale de délivrer à X. une autorisation de séjour fondée sur l’art. 30 a. 1 let. b LEtr et peuvent donc parfaitement s’écarter de l’appréciation de cette dernière autorité »25.

La doctrine se montre critique face à ce système d’approbation fédérale, considérant qu’il transfère en réalité les compétences exécutives des cantons à la Confédération, dans une vision très centraliste de l’Etat, visant « l’uniformisation sur le plan fédéral de l’application du droit »26. LAMBERCY affirme même que la procédure d’approbation place les cantons sous une véritable tutelle fédérale27.

Deux remarques sont toutefois nécessaires à ce stade de l’analyse, et permettent de relativiser le poids à donner à ce qui apparaît à premier abord comme une lourde ingérence fédérale dans le pouvoir décisionnel des cantons.

Tout d’abord, comme indiqué ci-dessus, le SEM ne peut se prononcer qu’en cas de préavis cantonal favorable. Les préavis cantonaux défavorables échappent ainsi totalement à l’examen fédéral.

23 Art. 5 let. d ODFJP.

24 Art. 83 al. 1 LEtr et 86 al. 1 OASA.

25 TAF C-6768/2013, consid. 3.

26 NGUYEN, p. 105 et 113.

27 LAMBERCY, p. 121.

Deuxièmement, le taux de refus d’approbation par le SEM suite à un préavis cantonal favorable varie entre 15 et 3 % selon les années entre 2010 et 201428. Cet élément est extrêmement intéressant, puisqu’il permet d’observer que la Confédération suit dans une large mesure l’avis des cantons concernés, et n’impose ainsi que rarement des restrictions lorsque ces derniers sont disposés à délivrer l’autorisation requise.

Ainsi, l’objectif d’uniformisation de l’application de la LEtr n’est atteint que lorsque le SEM en vient à se prononcer à la suite d’un préavis cantonal positif, empêchant les cantons d’adopter une attitude trop permissive en matière d’autorisations de séjour. Il serait par conséquent plus judicieux de parler d’uniformisation négative. C’est alors uniquement dans ce cas de figure que le « droit de véto » du SEM – tel que mentionné dans le chapitre des Directives consacré aux relations entre les autorités cantonales compétentes et le SEM – semble trouver application29.

A l’inverse, la Confédération ne dispose pas d’outils lui permettant d’imposer aux cantons plus restrictifs d’assouplir leurs exigences.

La seule exception en la matière réside dans le fait que l’approbation fédérale reste valable en cas de changement de canton30 : dans cette hypothèse, le nouveau canton de résidence ne dispose alors pas de la possibilité de se prononcer sur l’octroi du titre de séjour. Le processus d’octroi d’autorisation de séjour, qui, selon le système examiné plus haut, peut être défini de

« bottom up », est ici inversé (« top down »), puisque le SEM peut, dans cette configuration, imposer l’octroi d’un titre de séjour à un canton.

III. LE CAS INDIVIDUEL DUNE EXTREME GRAVITE : UNE NOTION JURIDIQUE INDETERMINEE

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