• Aucun résultat trouvé

Compétence, cristallisation et altération

Nous souhaitons, dans ce chapitre, revenir sur la contradiction sociale pointée par Naville (1956) entre la fluidité des qualifications requises par l’économie et la cristallisation des qualifications acquises par les individus. Comment se manifestent, non seulement sur le plan de l’emploi et des désajustements quantitatifs qui en résultent, mais également sur celui du travail, les phénomènes de cristallisation associés à l’âge ? Loin de correspondre à ce qui a été présenté dans la littérature managériale comme l’irruption d’un incontournable « seuil d’incompétence183 », la cristallisation renvoie chez Naville à l’attachement progressif des salariés à un métier, à une activité et à un revenu qu’ils ne sauraient abandonner184. Les travaux de l’école de Chicago apportent des éléments permettant de comprendre l’analyse de Naville. De fait, l’acquisition d’expérience avec le temps conduit à la maîtrise d’activités qu’il peut devenir difficile de déléguer. Pour Hughes (1996), la difficulté des professionnels à passer la main aux jeunes générations est un effet de l’activité elle-même : la monopoliser est le meilleur moyen de prévenir les erreurs. La pratique acquise à la suite d’un long processus d’apprentissage donne accès à des positions et à des dispositions qui ne se lâchent pas aisément, des conchyliculteurs aux chirurgiens en passant par les universitaires. On sait, de plus, que toute activité génère son propre « sale boulot » délégué aux fractions les plus vulnérables des collectifs de travail. La division morale du travail conduit les salariés à se séparer des activités les moins valorisantes, dans le cadre de parcours qu’ils espèrent irréversibles.

Or ces processus de cristallisation sont d’autant plus développés que les organisations présentent une division du travail relativement stabilisée, de sorte que la succession entre les postes et les générations génère des monopoles difficiles à contester. Mais lorsque les organisations connaissent des restructurations récurrentes, les possibilités d’appropriation durable de tâches sont mises à mal. Le travail demande des engagements renouvelés dans l’activité et ceci, « tout au long de la vie », au risque de malmener les privilèges associés à l’âge. Les postures d’enquête, d’exploration que les salariés sont amenés à déployer conduisent ainsi

183 Selon le « principe de Peter », les salariés sont censés atteindre leur « seuil d’incompétence » à partir d’un certain niveau hiérarchique dans le cadre de carrières promotionnelles au sein des entreprises.

184 Citons Naville (1956 : 147-148) : « Nous avons vu que nombre d’ingénieurs et de simples observateurs estiment qu’il n’existe pas quelque chose de défini, une capacité déterminée, que l’on puisse appeler « la qualification », mais tout simplement des adaptations réussies à une hiérarchie de tâches, en commençant par les plus simples. (...) Toute adaptation convenable à une tâche précise, même celle d’un manœuvre, serait ainsi qualifiée à sa mesure. (…) Dans ces conditions, les besoins qualitatifs de main d’œuvre dépendent avant tout des possibilités de formation rapide et variant sans cesse d’éléments adaptés à toute nouvelle forme de travail imposée par le développement technique et les structures nouvelles de l’entreprise. La formation, l’éducation, l’expérience ne sont plus seulement la substance d’une qualification acquise déterminée, ils sont la politique même de la qualité de la main-d’œuvre. Le degré de qualité d’une main-d’œuvre est tout simplement atteint lorsque les capacités éduquées de l’individu coïncident avec les d’une tâche à exécuter. (…) De ce point de vue, on voit se dessiner une opposition entre la fluidité des qualifications requises, typique de l’industrie moderne de production de masse, surtout en moyens de consommation, et la cristallisation des qualifications acquises. Cette opposition devient une contradiction sociale : l’ouvrier éduqué, qui a atteint un certain niveau commun de qualification, de pratique professionnelle et de salaire, considère sa qualité professionnelle comme une acquisition définitive liée à sa personne et à sa valeur, comme son métier par excellence ; d’où sa tendance croissante, l’âge venant, à refuser de changer d’emploi (…). Cette incompatibilité relative entre la qualification, comme propriété acquise, et l’adaptation hiérarchisée aux tâches, comme besoin requis, peut-elle être surmontée ? ».

124

d’autres travaux à mettre l’accent sur la grande plasticité de l’activité humaine. Dans ces conditions, les compétences sont le fruit « d’adaptations réussies » à des tâches au contenu changeant. Elles ne peuvent être considérées comme acquises une fois pour toutes mais dans le cadre de milieux de travail au sein desquels les salariés œuvrent à s’aménager des espaces de « vrai boulot » (Bidet, 2011). Dès lors, si l’activité humaine est plus plastique qu’il n’y paraît face à des organisations mouvantes, comment appréhender les formes de cristallisation susceptibles de se manifester ?

Sur la base d’une revue de la littérature et de nos propres travaux, nous nous demanderons ici dans quelle mesure la cristallisation prend la forme du retrait. Nous reviendrons dans un premier temps sur la flexibilité requise par les logiques de valorisation du capital qui bouleversent régulièrement l’ordre des tâches dans le cadre d’un appel aux compétences qui sollicite toujours plus l’activité – entendue comme « rapiècement » entre ce qui est disloqué185 dans l’espace et le temps du travail (Schwartz, 2007). Nous verrons dans un second temps que cet appel aux compétences conduit à mettre en cause les conventions d’usage et d’échange des salariés en cours de vie active. La normalisation du travail bouscule les normes de valorisation de l’expérience acquise qui sont à l’œuvre dans les pratiques de gestion de la main d’œuvre et génère des comportements de « retrait ». Si ces phénomènes de retrait ont bien identifiés dans la littérature sociologique, nous montrerons que le retrait qui surgit à l’heure de la compétence est très différent de celui pointé par les auteurs des années 70. Il se traduit par un refus de l’économisme qui caractérisait le retrait de la période fordiste et nous nous demanderons dans quelle mesure il comporte également une critique des normes de genre qui caractérisent l’engagement demandé au travail.

Compétences distribuées et individualisation

Dans des systèmes de travail où la production est « structurellement distribuée parmi une multitude d’acteurs, actants et dispositifs », la compétence relève d’« accomplissements pratiques » (Bidet, 2011) et passe par la recherche de « prises » sur le milieu. Elle repose donc sur des « engagements en personne » et des microdécisions face à la fragilité des organisations (Rot, 2002). Elle produit de l’expérience et de l’efficacité à partir d’une multitude d’interventions, qu’il s’agisse de transmettre des informations, d’opérer des contrôles sans lesquels des incidents se produiraient, de prévenir l’éclatement de conflits ou de dysfonctionnements, ceci par des opérations techniques, des réparations voire des interventions sur autrui, dans ou hors temps de travail. Ses manifestations la rendent indiscutable - contribuer à résoudre un problème bloquant tout une situation – ou au contraire invisible voire méconnaissable : tenir des délais, cadences ou échéances en dépit d’organisations sans cesse malmenées, savoir libérer un équipement à temps pour ne pas entraver le rythme des collègues

185 Yves Schwartz (2007) rappelle que le « faire industrieux » atteste d’un « pouvoir original » de réconciliation de la sensibilité et de l’entendement, d’unification de toutes les facultés, corps et esprit, que la philosophie n’a saisi qu’indirectement. L’activité provient de cette unité problématique de l’être humain, qui ne peut être, selon Canguilhem, ni standardisée, ni prédéterminée sous peine de devenir invivable. L’activité relève par conséquent de ce qui échappe, d’une tentative destinée à « assurer sa santé ». Elle constitue également un « moment de médiation » permettant de « créer de l’espace social, de l’espace industrieux pour ses propres normes de vie » (Schwartz, 2007 : 130).

125

durant le rush, transgresser des consignes de sécurité pour gagner du temps (Clot, 1995), parvenir à neutraliser des clients - ou des chefs – intraitables (Monchatre, 2011), décoder l’implicite d’une situation (de Terssac, 1992), savoir jouer un rôle qui n’est pas toujours le sien…. La liste des micro-prouesses quotidiennement réalisées dans le travail et qui font la compétence est non seulement interminable mais insaisissable.

La compétence est multiforme et imprévisible, invisible ou spectaculaire. Son paradoxe est d’être le fruit de « régulations autonomes » (Reynaud, 1988), de tout un « travail d’organisation » (Terssac, 1992) au cours duquel les salariés orientent leurs comportements les uns par rapport aux autres, s’absorbent, dirait Naville, dans un collectif souvent réduit et éclaté, afin de tenir une échéance, atteindre un objectif, réussir une prestation ou sauver une situation. Que pour ce faire, ils explorent ou fassent le guet (Bidet, 2011), leur compétence réside dans cette contribution à la bonne marche du service à rendre. La compétence, entendue comme « ce qui convient », n’a pas vocation à distinguer mais, au contraire, à se diluer dans un collectif pour faire fonctionner, loin des statuts et des grades, des « solidarités techniques186 » ou des « relations de voisinage » (Dodier, 1995). Elle est, à ce titre, le fruit de dépendances réciproques éprouvées dans la distance ou la proximité. Les conditions de réalisation de l’activité de travail à l’heure de la compétence sont donc très éloignées de l’image qui en est le plus souvent donnée. L’appel à la compétence ne signifie pas l’instauration d’une compétition parmi les salariés187

mais vise au contraire leur ancrage dans des situations de travail aux frontières toujours plus lâches. Il est explicitement requis dans les organisations « distribuées » au sein desquelles l’activité comporte une dimension toujours plus gestionnaire (Schwartz, 1990).

Les organisations de travail se situent en effet entre deux pôles qui sollicitent les savoir-faire de manière différente selon qu’elles sont plutôt planifiées ou plutôt distribuées (Dodier, 1995). Du côté des organisations planifiées, le fonctionnement des réseaux techniques sur lesquels s’appuie la production est censé résulter de l’application de scripts définis par des concepteurs. Il en résulte des dispositifs managériaux qui guident très fortement la conduite des opérateurs ou des employés, sous la forme d’instructions et de contrôles à la fois hiérarchiques ou provenant des « objets techniques » (instruments, logiciels ou procédures) qui accompagnent et structurent l’activité. Marquées par une séparation entre conception et exécution, les organisations planifiées ne se réduisent pas pour autant aux structures taylorisées : elles se retrouvent également dans des modes d’organisation en flux – comme la restauration rapide par exemple – et peuvent comporter des espaces de régulation au niveau des postes de travail à la

186 Dodier appelle « solidarité technique » cette « forme de lien entre les êtres créée par le fonctionnement des ensembles techniques ». Elle crée de « fortes dépendances réciproques entre des personnes en très grand nombre. Elle est hautement sélective. Elle possède sa propre définition de la proximité et de la distance, distincte de notre sens ordinaire de l’espace » (Dodier, 1995 : 14).

187 La confusion entre compétence et compétition est la fausse piste dans laquelle nous engage par exemple l’ami Roger Cornu (1998), lorsqu’il affirme que l’étymologie de compétence vient de compétition. Or, competentia désigne, comme nous l’avons vu précédemment, un « rapport exact », « ce qui convient ». Il est certes indéniable que ce terme possède la même racine que le verbe competere qui signifie, selon le Trésor de la langue française, « rechercher concurremment » - competitio ayant bien donné « compétition ». Mais cette assimilation de la compétence à la notion de compétition, très fréquente dans la littérature de « dénonciation » des méfaits de la compétence dans ses usages managériaux et éducatifs, conduit à occulter les dimensions habilitantes de ces pratiques.

126

suite de recompositions visant « l’enrichissement des tâches » ou une moindre décomposition de l’activité.

Reste que dans tous les cas, ces organisations sont « clivées » (Ibid : 112) : l’écart entre le prescrit et le réel est tel qu’il requiert des ajustements permanents et invisibles de la part des opérateurs. La perspective techniciste dans laquelle s’inscrivent ces organisations se fonde sur un déni structurel des compétences mobilisées en situation. La hiérarchie de proximité joue ici un rôle de compensation dans la mesure où elle doit à la fois contenir les initiatives et les encourager en fermant les yeux sur les écarts à la norme qui permettent de tenir les objectifs productifs. La gestion des compétences se limite ici le plus souvent à la reconnaissance des habiletés acquises au fil du temps par familiarité avec les scripts, les routines qu’ils entraînent et le type d’incidents auxquels ils demandent de faire face et l’ancienneté y joue un grand rôle. Les organisations distribuées, à l’inverse, rompent avec le principe de l’alignement sur les scripts188. Leur dynamique de fonctionnement s’inspirant de la théorie des systèmes et du « modèle japonais », elles reposent moins sur l’application de scripts venus d’en haut que sur des formes de coordination beaucoup plus horizontales. Relevant d’une économie de la variété plus que de la grande série, elles s’inscrivent moins dans des plans à long-terme qu’elles ne requièrent des ajustements à la demande et une plus grande flexibilité de fonctionnement. De plus, la présence de « marges croissantes d’indétermination du travail » fait qu’elles requièrent des « compétences » issues de la confrontation d’éléments exogènes de type « programmes formalisés » ou « procédures abstraites », et d’éléments « tenant à l’historique particulier de chaque configuration » (Schwartz Y., 1990 : 22). La part de gestion dans les activités de travail n’est pas nouvelle mais s’amplifie et, avec elle, l’« espace de micro-convocations » (Schwartz Y., 1990 : 23) dérangeantes ou imprévues, requérant souvent des savoirs hétérogènes. Dès lors, les modes d’intervention des opérateurs sur les ensembles techniques à l’échelle locale gagnent en visibilité et l’organisation a priori moins clivée (Dodier, 1995 : 124).

L’appel aux compétences peut ainsi être analysé comme un nouveau mode de prescription du travail. L’accroissement de la dimension gestionnaire de l’activité va, en effet, de pair avec « l’obscurcissement majeur de la notion de prescription du travail » (Schwartz, 2002). Celle-ci devient multiforme et provient de différentes sources parfois contradictoires, ce qui entraîne une perte de repères et demande des formes de coopération plus étendues avec des interlocuteurs changeants. L’appel aux compétences relève, par conséquent, d’une prescription des comportements plus que des tâches. Les salariés sont appelés à investir les dimensions connexes de leur emploi et à sortir de la gangue de leur poste de travail pour faire vivre une « solidarité technique ». L’enjeu est, à l’arrivée, de garantir la mise en place d’un « ordre social » (Rot, 2002) permettant de gérer les aléas et de contrôler les incertitudes de la

188 Yves Schwartz (1990 : 22) qualifie, pour sa part, de « Registre I » le « système préétabli et codifié des actes de travail » - ce qui correspond aux organisations planifiées de Nicolas Dodier - et de « Registre 2 » celui de « l’expérience, de l’histoire, des normes recréées et recentrées autour des acteurs » - organisations distribuées. Ce second registre requiert, selon lui, des « savoirs en attente de reconnaissance conceptuelle », « échappant à toute qualification définie par un niveau de formation et un diplôme ». Une telle qualification individuelle peut être définie comme une « capacité à mettre en dialectique continue Registre 1 et Registre 2 », sachant que « la diversité des formes, des contenus et des modalités de cette dialectique est extrêmement large ». C’est pourquoi, selon Yves Schwartz, « il y a de multiples manières d’être qualifié pour une même branche ou un même cas de figure » (Ibid).

127

coordination. De fait, dans les organisations distribuées, la productivité devient le résultat toujours incertain et aléatoire du fonctionnement organisationnel – et non son point de départ. Ainsi que le résume Sylvie Célérier (1997 : 159), le « développement de l’automation fait que l’on passe du calcul de la productivité à sa mesure, qui devient un processus social ». La mesure est donc appelée à se démultiplier mais également à se socialiser. Elle perd son caractère d’absolu, ce qui se donne à voir jusque dans l’évaluation des compétences. Le lien toujours plus ténu entre productivité individuelle et collective relève de mesures et d’appréciations dont la légitimité perd son caractère d’évidence.

Au moment où le travail prend une dimension ouvertement plus collective, la gestion des compétences se répand et contribue à l’individualisation de la gestion des salariés. Ce phénomène est observable tant au niveau des relations professionnelles que des pratiques managériales. De fait, bien que peu d’accords soient explicitement signés en son nom, l’accord ACAP 2000 n’ayant pas vraiment fait école189, la « logique compétence » se diffuse190 dans l’entreprise par le biais de la négociation collective (Tallard, 2001). Elle se traduit par l’élargissement du périmètre d’intervention des salariés dans l’emploi, une plus grande polyvalence demandée, mais également par la mise en place de procédures d’évaluation individualisée de l’activité ainsi que par le rôle accru accordé à la formation dans les déroulements de carrière – domaines sur lesquels, dans le système français de relations professionnelles, les syndicats n’interviennent pas191. La marge de manœuvre des employeurs s’en trouve renforcée, tant en matière de classification des emplois que de classement des salariés à l’intérieur de ces grilles192. L’individualisation de la mesure des contributions productives est appelée à se répercuter directement sur les salaires. Les négociations salariales tendent en effet à se dérouler toujours plus au niveau des entreprises193. Celles-ci sont alors tentées de faire de leur politique salariale un instrument de gestion des ressources humaines, afin de stimuler la productivité et l’engagement personnel de leurs salariés au service de la

189 L’accord ACAP 2000 a été signé en 1990, entre le Groupement des entreprises sidérurgiques et minières (GESIM) et les organisations syndicales de salariés, à l’exception de la CGT. Le champ d’application de l’accord concernait, en 1990, 72 entreprises, appartenant pour l’essentiel au groupe Usinor-Sacilor, soit plus de 60 000 salariés. L’accord s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre d’une nouvelle politique d’emploi au sein de la sidérurgie, mettant fin aux conventions générales de protection sociale (CGPS) autrement dit au système des préretraites. Cet accord a conduit à la mise en œuvre d’une logique compétence sur une base négociée, il a entraîné une refonte de la grille de classifications en termes de compétence et non plus de postes de travail et sa mise en œuvre a été conçue selon une logique paritaire, les syndicats siégeant dans des commissions de suivi au niveau de chaque site. Sur cet accord très étudié, voir Monchatre (2002, 2004).

190 Il est fréquent de considérer que la gestion des compétences relève davantage des discours que des pratiques. Or il convient, selon nous, de rompre avec cette vision d’une gestion des compétences uniquement aux mains des directions des ressources humaines. Les organisations sont soumises à des contraintes de qualité et de traçabilité qui s’accompagnent d’une codification accrue des relations de travail. La normalisation de l’activité qui en résulte tend à servir de support à une normalisation des compétences toujours plus intégrée aux procès de travail.

191 L’organisation du travail et la gestion des salariés à l’intérieur de ce cadre relèvent en France des prérogatives des employeurs.

192 Précisons que la régulation de branche n’a pas disparu mais elle s’est modifiée. Là où elle visait, traditionnellement, une harmonisation des salaires afin d’égaliser les conditions de la concurrence entre les entreprises, elle propose désormais un encadrement procédural de la négociation locale (Jobert, 2007). Autrement dit, elle fixe un cadre normatif à l’intérieur duquel la différenciation des politiques sociales des entreprises et l’individualisation de la gestion des salariés peuvent avoir lieu.

193 Les négociations salariales se déroulent traditionnellement au niveau de la branche mais, depuis les lois Auroux et la politique de désindexation des salaires sur les prix, elles peuvent se dérouler au niveau des entreprises.

128

performance collective (Baraldi, Durieux et Monchatre, 2002). L’individualisation qui en résulte se traduit par la montée en puissance des augmentations individuelles par rapport aux augmentations générales194 et la gestion des compétences en constitue un levier privilégié. Avec la gestion des compétences, les procédures d’évaluation individualisées se développent y compris auprès des emplois d’exécution195, dans le cadre d’un changement de nature des régulations qui président à la rétribution des contributions productives. L’échange salarial, qui