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3. L’annotation élaborante

3.2. Communication Médiatisée par Ordinateur

La Communication Médiatisée par Ordinateur (CMO ou CMC - Computer Mediated Communication - en anglais) est une sous-partie de la communication qui a pour étude la communication à travers l’outil informatique. La CMO, par son objet d’étude même, entre naturellement dans les thématiques du Web Social (WSo). (Herring, 2000) la définit comme l’interaction entre deux personnes ou plus, grâce à la transmission de messages entre ordinateurs branchés en réseau. En effet, la communication médiatisée diffère de la communication en face à face puisque entre autres, elle modifie l’homogénéité synchronique de la conversation. Les conversations asynchrones reviennent à un type de conversations persistantes comme présentées par (Erickson, 1999, p. 1). Elles ouvrent sur de nouvelles possibilités de gestion de la communication :

58 « Persistent conversations may be searched, browsed, replayed, annotated, visualized, restructured, and recontextualized, with what are likely to be profound impacts on personal, social, and institutional practices. 25»

La CMO est en plein essor depuis le début des années 90 et touche aussi bien à l’éducation, au commerce et aux média en général qu’à la coopération. Dans la mesure où l’une des questions qui se posent est : « comment les réseaux informatiques peuvent permettre à des humains de communiquer? », les technologies permettant une communication médiatisée recouvrent une partie des besoins du TCAO. Orientée vers l’analyse des technologies de la communication, la CMO s’appuie principalement sur les théories des Sciences Humaines et Sociales, comme l’analyse du discours par exemple. Internet est devenu pour la CMO un champ d’étude important avec l’apparition des logiciels sociaux, ces outils, le plus souvent en ligne, qui permettent de communiquer et de relier des communautés en ligne. Les outils permettant la communication médiatisée sont ceux qui permettent la communication à travers l'ordinateur (courrier, chat, ICQ, Web, etc.).

3.2.1. CMO et analyse du discours

Les approches linguistiques en CMO se cristallisent en 1995 avec l’expression de S. Herring « Computer-Mediated Discourse Analysis26 ». Il s’agit de l’analyse (qualitative ou quantitative) du contenu d’unités linguistiques médiatisées par ordinateur (des lettres, des mots, des phrases, des messages, des tours de parole, des narrations, des échanges, des fils de discussion, des archives). Ces données peuvent être produites dans des conditions naturelles ou expérimentales. L’étude des données porte alors généralement sur différents niveaux de la structuration du message, et selon (Herring, 2000), principalement sur :

• la structure linguistique : la typographie, le choix d’un mot, l’organisation du message, par exemple ;

• le sens : des symboles, de l’échange, par exemple ;

• la cohérence interne : prise de tours de parole, réparations, décomposition thématique, par exemple ;

• la fonction sociale : l’identité, l’appartenance au groupe, la gestion de la face, le conflit et la négociation, par exemple.

25 Les conversations persistantes peuvent être fouillées, visitées, rejouées, annotées, visualisées, restructurées et recontextualisées, ce qui peut avoir un impact important sur les pratiques personnelles, sociales et institutionnelles. (Traduction personnelle) 26 Analyse de discours médiatisé

59 D’une façon plus fine, (Torres, 2001) définit l’ADMO (Analyse du Discours Médiatisé par Ordinateur) comme l’étude des manifestations pragmatico-linguistiques propres à la communication médiatisée. L’ADMO contribue à l'amélioration de la communication médiatisée par des apports divers. On peut noter l’analyse des identités qui se déploient sur Internet ou encore de la dynamique des groupes qui constituent les communautés virtuelles par exemple. Dans le domaine de l'ingénierie linguistique, l'ADMO permet d'expliciter les modalités selon lesquelles des personnes interagissent avec d'autres personnes et avec des ordinateurs. Elle participe alors au perfectionnement d’outils de reconnaissance vocale, ou de systèmes de chats (Lewkowicz et Marcoccia, 2004).

Dans le cadre de notre recherche, les productions liées à un outil d’annotation sont de l’ordre de discours médiatisés par ordinateur. Même si nous n’allons pas jusqu’à l’analyse de corpus de discours médiatisés par ordinateur, il est nécessaire de structurer la description du corpus selon les niveaux ci-dessus afin de prévoir une réutilisation possible des données. Nous présenterons donc nos données sous cette forme (chapitre VI).

3.2.2. CMO et Textualité

La CMO traite des genres de conversations de divers types et de tout thème ; du chat au storytelling en passant par le discours politique. Ces genres ont au moins un point commun : Les discours médiatisés ont un style nouveau. E. Guimier de Neef les nomme les NFCE ou Nouvelles Formes de Communication Écrite (Véronis et Guimier de Neef, 2006). Ce terme englobe les différentes formes d’écrit issues des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) dans lesquelles on relève souvent l’usage d'un langage simplifié. Cependant (Torres, 2001, section 4.5) note qu’il ne s'agit nullement d'une « transgression de la norme par méconnaissance », mais plutôt de l'usage d'un code simplifié (avec abréviations, liaisons, absence d'accents, etc.) qui permet « d'accroître la vitesse de production du message ». (Leroux, 1999) confirme cette oralité de la communication écrite spontanée. Les locuteurs des forums se parlent par écrit comme s’ils dialoguaient. Les frontières entre l’oral et l’écrit souvent reconnues comme floues, deviennent ici problématiques. Le texte écrit n’obéit alors plus aux règles classiques de clôture textuelle.

Ainsi, les bornes formelles d’un texte deviennent floues et la clôture du texte est discutable. Le médium numérique ne répond plus aux dichotomies classiques oral/écrit, clôture initale/finale. Il peut être intéressant alors d’observer les concepts développés en praxématique. La praxématique préfère utiliser le terme de mise en clôture désignant « l’ensemble des

60 opérations mises en oeuvre par les sujets communicants pour structurer l'énoncé comme espace de production de sens » (Détrie et al., 2001). Alors que la pragmatique se focalise sur l’actualisation en discours, c'est à dire l'opération concrète qu'effectue le sujet en acte de parole, la praxématique se concentre sur les processus par lesquels l'actualisation discursive d'un terme sélectionne une acception particulière parmi toutes les potentialités signifiantes capitalisées en langue (Lafont, 1989). S'intéressant aussi bien à l'oral qu'à l'écrit, la praxématique s'est attachée à saisir l'énoncé non pas comme un produit mais comme un processus dynamique qui correspond bien aux problématiques ambivalentes du discours médiatisé et offre un fondement théorique intéressant pour cette discipline.

La médiatisation de la communication comme du texte remet en cause les frontières du discours. L’annotation, toujours en marge du texte mais irrémédiablement lié à celui-ci, devient représentative des activités documentaires médiatisées par son statut même d’artefact de négociation de frontières. Elle est du texte, lié à du texte qui selon le choix de lecture est ou n’est pas constitutif du texte lu. L’annotation et le texte n’ont plus de frontière en CMO, tout message est intrinsèquement lié et n’a plus d’autonomie. Si le fil de discussion d’un forum disparaît, le message n’a plus de sens. Le message est lui aussi secondaire. De ce flou de la frontière du texte naissent aussi les problématiques modernes de visualisation des forums et de la cohérence thématique d’une conversation persistante. (Erickson, 1999) salue ainsi l’abandon dans les problématiques de visualisation de la conversation des représentations fondées sur la dichotomie contenu/structure au profit d’une représentation de la conversation comme un phénomène social.

3.2.3. Des annotations en CMO ?

Un fragment textuel est étudié en CMO par (Labbe et Marcoccia, 2005), le billet. Dans cet article, (Labbe et Marcoccia, 2005) présentent une genèse du mél issue du billet. Le billet appartient au genre épistolaire bref (Haroche-Bouzinac, 2000) dont la forme relève du dialogue écrit. Caractérisé principalement par sa brièveté, le billet est un écrit informel, informationnel, séquentiel et relationnel. C’est un document court mettant assez familièrement quelqu’un au courant d’un fait, ou faisant suite à une information reçue précédemment. Il peut aussi avoir une fonction strictement phatique. Le billet, comme le mél, met en relation différents actants de la communication : l’auteur du message, son/ses récepteur(s), et parfois un objet lié au message, par le biais du corps du message. Cette relation peut être implicite, portée par le sens du corps du message ; ou plus formelle, par l’ancrage physique, réel d’un message collé sur un colis, ou

61 un message accompagnant une pièce jointe. Suivant ces caractéristiques génétiques du mél dans le billet, nous considérons que l’annotation, en tant que fragment de document qui met en relation des documents, est elle aussi un élément aux fortes caractéristiques relationnelles, proche du billet et de certains usages du mél. Elle permet non seulement de structurer un document, mais aussi d’organiser plusieurs documents. Le billet est aussi le terme utilisé sur certains blogs et forums francophones pour parler du message posté sur le site (en traduction à post).

De même, T. Erickson ou M. Marcoccia étudient les échanges de plusieurs locuteurs dans des espaces de discussion en ligne, les forums. Le forum est structuré autour d’un thème, le fil de la conversation, déposé par un des participants, et construit par l’ensemble des contributions des lecteurs du fil par le biais de posts. Un post est un message, en général court, déposé en ligne. Il est possible d’y répondre, ce qui crée une série de messages reliés entre eux et liés à un thème central. Le fil de discussion est le fil central (thème) et ses messages. Un post cite souvent un autre post pour contextualiser la réponse et renforcer les liens au fil de discussion. Le forum est un outil qui permet la communication et le TCAO comme le montrent les travaux de (Barcellini et al., 2005) sur les forums pour la conception d’outil Open-Source. Dans ces outils de CMO, les messages sont reliés à un fil comme une annotation est reliée à un document. (Marcoccia, 2001, p. 5) définit d’ailleurs le forum comme un « document dynamique produit collectivement et interactivement et dont la cohérence du contenu et de la forme est le résultat d’une gestion collective et coopérative ».

L’annotation élaborante est un discours ancré à un fragment (un document, une partie de document, un fil de discussion). Elle est à la frontière de celui-ci et le constitue sans être primordiale. En tant que discours secondaire, il est possible de comparer l’annotation traditionnelle au message électronique (mél ou post) accompagnant une pièce jointe, ou relié par une citation à un message précédent. L’annotation élaborante est rendue possible grâce aux outils de la CMO et il existe ainsi une herméneutique médiatisée par ces outils.