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Commentaire sur la qualité de l’interface

Avant de clore ce chapitre, il est judicieux de faire un retour sur les différents résultats obtenus qui sont pertinents pour la caractérisation de la qualité de l’interface. Nous avons d’abord démontré qu’il est possible de fabriquer une interface directe selon l’axe c entre les composés La2−xSrxCuO4

et Pr2−xCexCuO4. En particulier, nous avons été en mesure d’éliminer la phase parasite qui tend à

s’insérer à cette interface.

Ensuite, les mesures d’épaisseur, basées sur les transformées de Fourier des spectres θ2θ, nous montrent que les deux couches ont des épaisseurs extrêmement uniformes, et ce, sur toute la superficie de l’échantillon. Nous avons effectivement mesuré que la rugosité est au plus de 5 nm par rapport à des épaisseurs de 66 et 117 nm. Cela correspond grossièrement à 3 cellules unités ou 6 plans CuO2. Le même genre de traitement, appliqué aux mesures en balancement, nous indique

que les cristallites qui forment la couche mince conservent des structures cohérentes dans le plan sur des distances dépassant le µm. Cela permet de conclure que, malgré le désaccord de maille important entre les deux structures, la croissance de ces couches est rigoureusement épitaxiale.

Des dislocations d’interface, clairement visibles sur les images TEM, permettent d’accommoder ce désaccord de maille et de relâcher rapidement les contraintes élastiques qui en résultent. Le fait que l’on puisse également observer leur disposition périodique témoigne de la netteté de cette interface. Il s’agit, à notre avis, d’une démonstration exemplaire et idéale de ce type d’interface.

C’est cette qualité qui nous permet de discerner et de caractériser les déformations structurelles. En effet, les contributions du champ de déformation sont très subtiles et requièrent des mesures fiables sur plusieurs ordres de diffraction. Cela n’est possible que si la structure est extrêmement cohérente et propre. C’est cela qui nous a poussé à exploiter notre méthode d’analyse des défor- mations afin de démontrer son grand potentiel. Nous espérons que celle-ci constituera un outil très utile pour la caractérisation future de nouvelles hétérostructures.

Ayant confirmé que nous disposons d’une interface directe et de qualité entre La1.85Sr0.15CuO4

Méthode expérimentale de la mesure de

la résistance

Dans la première partie de cette thèse, nous avons décrit les aspects structuraux de l’interface entre des couches minces de LSCO et de PCCO. Nous nous intéressons maintenant aux proprié- tés électroniques de celle-ci. À priori, plusieurs scénarios sont envisageables. L’interface pourrait simplement mettre en contact deux supraconducteurs et être supraconductrice elle aussi. Les deux composés ayant des dopages opposés, on pourrait également s’attendre à un transfert de charge entre ceux-ci de manière analogue à ce que l’on retrouve dans les jonctions p-n entre des semi- conducteurs. Ce phénomène a déjà été observé pour le cuprate La2−xSrxCuO4entre des couches

sous-dopées et sur-dopées [3,61]. Des travaux théoriques ont également déjà exploré cette ques- tion et prévoient une zone d’appauvrissement en porteurs de charge proche de l’interface [20]. La nature et les propriétés de la zone de déplétion sont néanmoins difficiles à anticiper, car elles dé- pendent de nombreux facteurs tels que les potentiels chimiques relatifs entre chacun des matériaux et leurs constantes diélectriques.

Nous aborderons cette question sous un angle expérimental en mesurant les propriétés de transport électrique de la bicouche de LSCO et de PCCO et, en particulier, de son interface. Nous décrirons d’abord la mesure de résistance en général et les mesures dites longitudinales et d’inter- face en particulier.

Afin de réaliser des mesures précises des propriétés de transport, nous devrons préparer nos échantillons à l’aide d’une série d’étapes de microfabrication. Ces modifications faites aux échan- tillons permettront principalement d’imposer le chemin emprunté par le courant électrique et d’isoler certaines propriétés électriques. De plus, elles définiront les dimensions des canaux de conduction ce qui nous permettra d’effectuer une analyse quantitative de la résistivité.

La mesure de la résistance, comme toutes les expériences de transport, nécessite l’application de contacts sur l’échantillon. De bons contacts permettent d’effectuer des mesures précises sans altérer les propriétés des matériaux sondés. Cet aspect s’est révélé être un réel défi. Nous décrirons les trois types de contacts que nous avons utilisés et testés dans le cadre de ce projet.

Nous terminerons ce chapitre en présentant les montages expérimentaux utilisés pour les me- 122

sures de résistance. Comme ceux-ci sont relativement standards, ces descriptions seront très brèves.

6.1

Mesure de la résistance

La mesure de résistance consiste à faire circuler un courant électrique dans un échantillon et à mesurer la chute de potentiel engendrée par la résistance électrique de celui-ci.

Dans le cadre de ce projet, nous avons principalement effectué deux types de mesure de résisti- vité. Le premier type, la mesure longitudinale, consiste à faire circuler un courant électrique dans une direction parallèle au plan de la couche mince, et à mesurer la différence de potentiel entre deux points situés à la surface de celle-ci. Nous verrons au chapitre8, que les résultats de ce genre de mesure sont largement influencés par les conductivités de chacune des couches ainsi que celle de l’interface.

Le second type de mesure vise à isoler les caractéristiques de cette interface en faisant circuler le courant à travers celle-ci. La différence de potentiel est alors mesurée entre des points situés de part et d’autre de l’interface.

Ces deux types de mesures pourront être effectués alors qu’un paramètre physique est modifié. Par exemple, en mesurant la résistance d’un échantillon tout en variant sa température permet de discerner les éventuelles transitions de phase ainsi que l’état électronique de l’échantillon : métal, isolant ou supraconducteur. On pourra également appliquer un champ magnétique et étudier la résistance en fonction de la grandeur de celui-ci.

Normalement, la tension électrique mesurée croît avec le courant électrique appliqué. La re- lation entre ces deux quantités est appelée courbe IV. La mesure de cette courbe caractéristique permet de mettre en évidence des comportements non linéaires qui nous informeront sur la na- ture des matériaux qui composent nos bicouches.

6.1.1 Mesure longitudinale

Dans la mesure longitudinale (figure6.1a), les 4 contacts sont placés à la surface de l’échan- tillon. Un courant est injecté dans l’échantillon par une source de courant I via les contacts les plus éloignés. Un voltmètre, connecté aux deux contacts du centre, mesure la chute de potentiel entre ceux-ci. Comme aucun courant ne circule entre l’échantillon et les contacts de tension, la chute de potentiel mesurée est égale à celle présente dans l’échantillon.

Pour une mesure sur un échantillon homogène, le rapport de la tension électrique mesurée sur le courant permet de calculer la résistance de l’échantillon. La connaissance de la distance entre les contacts de tension (ℓ) et la section transverse de l’échantillon (S) permet également de calculer la résistivité (ρ) ou la conductivité (σ) du matériau :

ρ=σ−1= S ℓR= S ℓ V I .

Dans le cas d’une structure inhomogène comme celle de nos bicouches, la chute de potentiel mesurée est influencée par les conductivités de chacune des couches, de l’interface ainsi que par la

I V

(a) Mesure longitudinale à 4 contacts

I V (b) Mesure d’interface I V1 V2 V3 V4

(c) Mesure longitudinale à N=6 contacts

I V

Tranchée

(d) Mesure de tranchée

Figure 6.1 – Schémas des différents types de mesures de résistance. Les couches de LSCO et PCCO sont représentées par les zone de couleurs et respectivement. Les points représentent les contacts. position des contacts de tension et de courant. En effet, le courant injecté aux contacts de courants va se diviser entre les deux couches et provoquer des profils de tension et de courant dans chacune des couches et à travers l’interface qui sont généralement non triviaux. Les développements au chapitre8permettront de détailler cela. Pour l’instant, contentons-nous d’indiquer que la tension électrique mesurée est égale à la chute de potentiel entre les deux points à la surface de l’échantillon. 6.1.2 Mesure longitudinale à contacts multiples

On peut tenter de caractériser le profil du potentiel électrique à la surface de l’échantillon en mesurant une série de différences de potentiel entre les deux contacts d’injection de courant. La configuration illustrée à la figure 6.1c permet de mesurer 4 tensions électriques différentes par rapport à un contact central. Pour un échantillon homogène et linéaire, la tension devrait changer linéairement avec la position.

6.1.3 Mesure d’interface

Afin d’isoler la résistance de l’interface, il est nécessaire d’appliquer des contacts de chaque côté de celle-ci. Établir des contacts sur la couche inférieure apparait comme un défi.

Une première approche (non illustrée) consiste à retirer localement la couche du haut afin d’ex- poser la couche du dessous et ainsi permettre d’y apposer directement des contacts. La méthode

privilégiée pour ce type d’opération est la gravure par faisceau d’ions (section6.2.3). Malheureu- sement, cette technique abime la surface gravée ce qui complique l’application de bons contacts électriques sur celle-ci.

L’approche que nous avons choisi d’utiliser consiste plutôt à effectuer une gravure de la pre- mière couche de manière à former au moins 3 ilots comme à la figure6.1b. Le premier ilot défi- nit la section de l’interface que l’on caractérisera et on y appose deux contacts. Les deux autres ilots servent alors eux-mêmes de contacts effectifs sur la couche du dessous. On applique donc un contact sur chacun de ces ilots. Un premier ilot servira à l’injection du courant électrique et le second pourra servir de contact de mesure de tension. Ces contacts effectifs agiront comme de simples contacts pourvu que la résistance totale entre la couche du dessous et les contacts appli- qués sur le dessus de l’échantillon ne soit pas trop grande.

En pratique, les échantillons seront préparés de manière à former plusieurs ilots de tailles va- riées qui comporteront chacun deux contacts. De cette manière, on pourra caractériser l’interface de chacun de ceux-ci en se servant de deux ilots voisins pour établir les contacts avec la couche inférieure.

Afin que la caractérisation du transport à travers l’interface soit précise, il est nécessaire que la densité de courant qui la traverse soit uniforme. Étant donnée la nature anisotrope des couches minces, cela est uniquement le cas si la résistance de l’interface est beaucoup plus grande que celles des couches. Sous ces conditions, les deux couches agissent comme des équipotentielles de part et d’autre de l’interface. Cette condition est vérifiée si les deux couches possèdent des conductivités parfaites : si elles sont supraconductrices.

Finalement, dans cette configuration, la résistance mesurée est la somme de celle de l’interface et celle de la tranchée entre les deux contacts de tension. On pourra isoler la résistance de l’interface s’il n’y a pas de chute de potentiel à travers la tranchée, c’est-à-dire si elle est supraconductrice. 6.1.4 Mesure de la tranchée

Pour s’assurer que la tranchée est belle et bien supraconductrice, et ce, même après les étapes de microfabrication, on la mesurera directement à l’aide du schéma de la figure6.1d. Dans cette configuration, le courant est forcé de circuler dans la couche du bas. Aucun courant ne devrait circuler à travers les interfaces des ilots sous les contacts de tension. La chute de tension électrique mesurée est donc celle à travers la tranchée ce qui nous permettra d’isoler le comportement de la couche du bas.