• Aucun résultat trouvé

Commentaire par Véronique – lundi 6 octobre

La conscience, ou lucidité, était d’ailleurs une caractéristique saillante de Bertrand Dans son billet du 11 décembre 2015, il a

4/  Commentaire par Véronique – lundi 6 octobre

L’évaluation d’un service comme celui des bibliothèques et particulièrement les médiathèques municipales me semble aussi essentielle. Il y a l’évaluation quantita- tive « du dedans » (incontournable tout le monde en convient) et l’évaluation quali- tative « du dehors » (le cœur des gens) : y a-t-il corrélation entre les 2 ? Quels outils  de base pour mesurer la qualité ? Cette perspective a bien dû être déjà abordée. Pourquoi ne pas l’appliquer (ou tenter de l’adapter) en bibliothèque ? Pour mesurer l’impact : ce qui devrait se faire après avoir mesuré la qualité du service, il me semble (?) ne faudrait-il pas aussi lancer des campagnes de « pub » et ensuite en mesurer le dit « impact »… Car les sociétés commerciales se soucient de leur part de marché et de leur impact… mais elles font des campagnes publicitaires pour cela…

Sinon pour la qualité et/ou l’impact : enquêtes de satisfaction… cahier des sug- gestions des lecteurs… variété et nombre de questions demandant « une plus- value documentaire » etc.

Il  y  a  bien  longtemps  j’avais  eu  une  formation  au  marketing  des  bibliothèques  par Réjean Savard, et j’avais retenu 2 choses : l’importance du « bouche-à-oreille »  comme vecteur de communication pour les produits culturels (le système de la  « recommandation » du Web 2.0 en quelque sorte pour le « réel ») et donc la qua- lité de la relation établie entre l’institution (et son représentant, donc le biblio- thécaire) et les publics (qui conditionne donc le futur « bouche-à-oreille ») et par voie de conséquence l’importance d’une bonne dynamique d’équipe pour que les  agents face au public soient dans de bonnes dispositions pour « bien » communi- quer… donc l’évaluation de la « qualité » va bien au-delà du simple comptage… On y avait parlé de « marketing des services culturels » et il me semble que cette voie  serait à explorer davantage… (je livre cette approche qui me semble intéressante)

http://www.lesechos.fr/formations/marketing/articles/article_10_10. htm.

À l’heure du Web 2.0, pour un meilleur impact, ne faudrait-il pas ajouter la visibi- lité de la bibliothèque sur le Web ? Et sur le Web 2.0 ??

Réponse de Bertrand Calenge – lundi 6 octobre 2008

@ Véronique

Loin de moi l’idée de nier les approches dont vous parlez, et je connais bien les approches marketing que Réjean Savard a contribué à faire connaître en France.  Je  pense  qu’effectivement  la  batterie  d’outils  et  indicateurs  que  vous  évoquez  peuvent parfaitement aider à positionner l’institution et ses services vis-à-vis d’une population : être reconnu, « sur terre et sur le Web », de façon positive est  effectivement essentiel et je m’en voudrais de le négliger (comme je le dis, c’est  indispensable pour l’institution)

Mais…

L’objet de mon billet ne visait pas à déplorer l’absence de tels outils (même s’ils sont encore trop peu utilisés), mais s’interrogeait sur l’objectif ultime de la biblio- thèque : du savoir approprié par une population donnée (de la connaissance), ou un impact institutionnel ? Même si les deux peuvent paraître liés d’un point de vue bibliothécaire, ils ne peuvent être confondus. Or si nous nous préoccupons beau- coup – à juste titre – de la qualité et de l’impact de l’institution, nous sommes dépourvus quant à l’évaluation de « l’accroissement de connaissance » dans les populations servies – au moins pour les bibliothèques publiques –.

Ma réflexion est peut-être oiseuse, mais je pense que le travail des bibliothèques  est de plus en plus imbriqué dans un tissu mouvant d’actions diverses de média- tion, de production et transmission de savoirs qui les dépassent largement… et que nombre des évaluations conduites servent essentiellement à expliquer (voire justifier) l’action de l’institution, plus qu’à vérifier les « progrès de connaissance »  dans la population par toutes voies, y compris celles qui ne sont pas du fait de la  bibliothèque elle-même. Le débat que je citais sur l’enquête du CREDOC en est un exemple flagrant : la fréquentation est-elle un objectif en soi, et pourquoi ? En d’autres termes, quel est l’objectif global, l’horizon de référence à partir duquel nous pourrions construire notre benchmarking ?

Jeudi 25 septembre 2008

Lagardère et la bibliothèque

Tiens, parlons d’une banalité tant ressassée : la bibliothèque publique doit servir tout le monde, et prêter la plus grande attention à celles et ceux qui sont en situation d’exclusion.

On connaît le discours : il faut sortir de la bibliothèque pour « faire venir les gens à la bibliothèque ». Sans qu’ils aient nécessairement une réelle connivence

avec ces concitoyens (ils lisent peu, ont des préoccupations matérielles ma- jeures qui les mobilisent, sans parler de situations familiales difficiles à vivre au quotidien – monoparentalité, temps partiel subi, etc.), on décide qu’ils sont un public à servir / conquérir. Louable intention, écho généreux à l’ambition de Malraux : mettre la culture à portée de tous. On tisse des partenariats, on sort de la bibliothèque (eh oui ! nombre d’actions dites « hors les murs » se multi- plient, et c’est tant mieux !), et… on rame !

Sauf que…

Qu’est-ce qu’on veut vraiment ? Conquérir des inscrits – ou mieux des em- prunteurs ? Augmenter les visites ? Intégrer les populations concernées dans le si merveilleux univers de la bibliothèque comme site car le lieu et ses services seraient l’alpha et l’oméga de la communauté ? Certes, l’institution bibliothèque a besoin de données statistiques (donc quantitatives) simples et massives pour s’affirmer. Mais on parle de quoi ? De l’institution ou des publics concernés ?

On sait qu’il est des publics « absents » (au sens trop souvent de non-inscrits,

hélas !), des voisins presque, qu’il faut séduire pour le lieu et ses attraits, en particulier ceux qui conservent l’image de la bibliothèque livresque et studieuse sans avoir eu l’occasion d’essayer la nouvelle bibliothèque espace culturel, espace libre de rencontres, occasion d’ateliers pratiques, appareil de conseils, etc. (Encore faut-il avancer dans cette mutation). Et pour lesquels cette image traditionnelle ne répond pas à leurs besoins sans qu’ils aient imaginé ces nouvelles facettes…

On sait aussi qu’il est nombre de personnes actives, étudiants ou adolescents, pour lesquels la consommation informative ou culturelle tend à devenir domi-

ciliaire (comme le signalait cette synthèse sur la culture adolescente), et de

nombreuses bibliothèques sont imaginatives pour proposer des services qui s’insèrent dans ce nouveau contexte, essentiellement tissé de relations électro- niques. D’ailleurs, l’immense majorité des biblioblogs se penche sur ce vecteur d’usages et de moyens. Pour ceux-ci le champ d’action est Internet, plus que le lieu bibliothèque.

Mais là encore de quels publics parle-t-on ? Comme je l’ai déjà souligné (ici),

une immense majorité des services en ligne se déploie à partir d’un site bibliothèque très identifié et global (un lieu en fait ?), même lorsqu’il se pré- sente ambitieusement comme un « portail », sans autre présence active dans l’univers protéiforme d’Internet. Y compris les présences incompréhensibles

– pour moi – de certaines sur des espaces sociaux de type Myspace, qui à

ma connaissance conservent cette identité « bibliothèque institution » (avec des astuces marketing de présentation) : ce n’est en fait qu’un déplacement du lieu, ou plutôt des services d’un lieu parfaitement connoté, au moins en France.

Alors on s’échine à repérer les visiteurs, les sessions, et ou les pages vues sur ces services, substitut certes utile de nos compteurs d’entrées et don- nées d’inscription ou de prêt des lieux physiques. Mais bon, on parle en fin de compte toujours d’un usage statistique d’un lieu : réel pour les bâtiments, élec- troniques et parfois disséminé pour les – souvent LE – site(s) web et les ser- vices qu’il propose. Bref, on cherche toujours à « faire venir à la bibliothèque ». Ce n’est pas un objectif de service aberrant, bien au contraire ! Mais… Venons-en à notre première question : comment faire avec ceux qui, « cloi- sonnés » socialement, pressurés par leurs contraintes économiques et/ou familiales, inexperts dans le maniement des informations tant dans les lieux que sur le net (cette fameuse litteracy), représentent une part importante de la population… que nous avons à desservir ?

Faire venir à la bibliothèque, dans le lieu même ou via Internet, est-ce toujours le bon service ? La bibliothèque comme institution agissante ne peut-elle ima- giner des programmes d’action qui travaillent directement sur la population – quelle qu’elle soit d’ailleurs – sans passer par le lieu ? L’objectif des par- tenariats multiples et bienvenus se mesure-t-il à l’attraction du lieu ? Notre

cœur d’action n’est-il pas là immergé, même s’il faut bien sûr quantifier les

investissements, justifier les actions, actionner plusieurs cordes à la fois, etc. ? Plus je m’occupe d’évaluation, plus je me méfie des statistiques. Je ne sais pas me- surer réellement cette forme de service réellement bibliothécaire (et d’ailleurs en recherche d’appellation officielle) qu’est-ce qu’une collègue avait joliment appelé le « service Lagardère » : si tu ne viens pas à la bibliothèque, la bibliothèque viendra à toi.

Et tant pis (!!!!!!!!!) si tu ne viens pas à la bibliothèque ?

Trouver les moyens de défendre cette position n’est pas évident (les ser- vices sociaux le savent, dès qu’ils vont au-delà des impératifs réglementaires), mais la bibliothèque bénéficie d’une forte assise sociale, son lieu, ses services comptabilisables, ses résultats quantifiables. Elle peut faire le pari de consa- crer légitimement une part de son activité en direction d’une action sociale et culturelle maigrement quantifiable (et en tout cas pas vis-à-vis du lieu ou des espaces web), levier d’une intégration culturelle collective… bénéfique à tous. Et même une part qui doit aujourd’hui déborder la portion congrue du « supplément d’âme » !!

À condition pour ces acteurs de ne pas mesurer leur action à l’aune des entrées, des inscriptions ou des prêts !!!

À condition de se penser dans une population, une communauté, et non nécessairement dans une institution stable et pérenne…

Commentaires au billet Lagardère et la bibliothèque