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Commentaire par Thomas – samedi 27 septembre

La conscience, ou lucidité, était d’ailleurs une caractéristique saillante de Bertrand Dans son billet du 11 décembre 2015, il a

2/  Commentaire par Thomas – samedi 27 septembre

Si je comprends bien, il s’agirait pour l’institution-bibliothèque de disséminer son  offre de services au sein d’autres institutions afin, non plus seulement de conqué- rir de nouveaux lecteurs et donc de nouveaux usagers mais plutôt de répondre directement à des besoins, bref, de rendre le lieu ou la « marque » bibliothèque comme superflue ? Se fondre dans la population et non se revendiquer comme  institution. Le fait est néanmoins que ce titre institutionnel lui confère également une légitimité qui est sûrement recherchée par une partie des usagers justement et que c’est probablement grâce à lui qu’elle peut prévaloir son assise sociale, non ? Je suppose alors que la réponse est double et que ce mode de dissémina- tion des services ne peut venir qu’en complément d’une offre plus traditionnelle  et reconnue.

Quant à la présence des bibliothèques sur des réseaux sociaux de type MySpace  ou Facebook je pense également qu’elle répond à une double nécessité : une pre- mière de dissémination justement de l’institution des bibliothèques dans les outils et les lieux largement fréquentés par les usagers, et là encore, l’identification de  la bibliothèque comme telle est importante pour qu’elle puisse être reconnue et identifiée (et d’autant plus outre-Atlantique où ces institutions ne fonctionnent  pas uniquement sur fonds publics) ; une seconde de réponse au besoin exprimé par ses usagers en termes de socialisation tant il est indéniable aujourd’hui que l’ordinateur joue un rôle de plus en plus marqué, voire majeur, en tant qu’outil de socialisation. Si en plus, l’institution peut en profiter pour enseigner ou du moins  donner des clefs pour gérer son identité numérique, ce serait merveilleux.

Réponse de Bertrand Calenge – samedi 27 septembre 2008

@ Thomas,

Ce n’est pas tout à fait ce que je voulais dire. Effectivement, le lieu bibliothèque est  important, et les services qu’il contient (j’insiste sur ce « contient », à l’intérieur

donc) sont indispensables ; certes, ce lieu doit aussi être capable de se présenter autrement que dans ses murs, donc comme un lieu sur Internet.

Mais ce sur quoi j’insistais, c’est sur le fait que la bibliothèque doit être capable de s’externaliser avec d’autres objectifs que de faire venir dans ses murs. Pour donner une comparaison – mauvaise –, l’assistante sociale représente toujours l’institution sociale lorsqu’elle est chez les familles, et elle essaye de les aider là  où ils sont. Un bibliothécaire, surtout à l’heure des flux, ne peut-il être l’institu- tion bibliothèque hors ses murs, pour le chercheur qui dispose de sa bibliothèque personnelle comme des abonnements électroniques de son université auxquels il a accès depuis chez lui, comme pour les personnes isolées ou exclues qui ont d’énormes besoins d’information immédiate ?

La bibliothèque est-elle tout entière contenue dans ses murs et sa façade, et ses  services et acteurs avec elle ?

Dimanche 11 janvier 2009 Hommage à l’usager inconnu

Pendant la semaine qui sépare Noël du Jour de l’an, la bibliothèque était bondée. Étonnant, non ? En fait, la fermeture hivernale de nombreuses biblio- thèques universitaires, à quelques semaines des partiels, expliquait en grande partie cette affluence. Une collègue m’a glissé : « Bon, ils ne s’intéressent pas du tout à nos collections, mais ça fait du monde, et puis ils sont calmes et dis- crets… ». Au mieux des améliorateurs de statistiques, mais pas des usagers ? Et si on revenait sur ces utilisateurs discrets et méconnus qui ne dérangent pas les étagères, ne font pas la queue au prêt, ne demandent ni photocopie ni prêt entre bibliothèques, ne griffonnent pas les documents voire ne les volent pas, bref ne se préoccupent que modérément ou pas du tout des collections ? Premier constat : ils sont nombreux, très nombreux, et ce nombre va crois- sant. On y trouve en vrac :

• déjà ces élèves ou étudiants qui viennent trouver siège, table, calme,

ambiance studieuse, pour réviser leurs fiches de cours, rédiger leurs travaux, seuls ou parfois en petits groupes ;

• les consulteurs d’Internet, surfeurs plus ou moins passagers, plus ou

moins discrets, qui parcourent les jeux, gloussent devant les pages people, font des recherches approfondies, consultent leur messagerie, osent un regard plus ou moins furtif sur une page porno… ;

• le badaud qui, entre deux courses, vient se réchauffer au café installé en rez-de-chaussée de la bibliothèque (j’y ai même rencontré deux collè- gues d’une autre ville, déjeunant là rapidement en attendant leur train) ;

• le passionné d’événements culturels ou le visiteur de passage qui, par

curiosité, flâne devant une exposition ou examine scrupuleusement chaque cartel l’un après l’autre ;

• les bandes d’amis, ou les amoureux, qui trouvent à la bibliothèque un

cadre agréable, discret et gratuit à leur rendez-vous ;

• le clochard qui a décidé de venir dormir en se réchauffant un peu ;

• ceux qui – un comble – ont amené leur propre livre pour venir le lire

tranquillement dans une chauffeuse.

Tous ceux-là coexistent avec les utilisateurs directs des collections (consul- teurs, emprunteurs) et les internautes qui ont pris rendez-vous à l’espace numérique pour un atelier ou une autoformation (lesquels ne négligent d’ail- leurs pas toutes les pratiques énumérées…).

Mais nous ne les connaissons pas ou peu, ils sont trop fugitifs… Une étude avait tenté de les cerner (« Les bibliothèques municipales et leurs publics : Pratiques ordinaires de la culture », BPI, 2001) : ces « UNIB » (Usagers non- inscrits des bibliothèques) étaient d’anciens inscrits, des visiteurs refusant

l’inscription, des passagers, parfois des fidèles… Claude Poissenot soulignait

que le nombre de leurs visites était moindre, en masse, que celle des inscrits, mais il relevait également que la durée de leur séjour était en moyenne plus

long. Toujours est-il qu’à l’échelle d’une population entière, une enquête de

la BM de Lyon montrait en 2003, puis en 2006, que le nombre de personnes

(15 ans et plus) entrées au cours des six derniers mois au moins une fois dans une bibliothèque de la ville sans y être inscrites, était deux fois supérieur au nombre des personnes décomptées comme inscrites…

Je ne veux pas ici me livrer à une bataille de chiffres, mais m’interroger sur le statut des visiteurs qui ne sont pas directement consommateurs des collec- tions. Quelle « légitimité » accorder à leur présence ?

• Les spectateurs (parfois acteurs) des animations ne sont pas ignorés :

on les compte, on sollicite leur opinion. D’aucuns (dont moi-même) pensent d’ailleurs que leur « consommation culturelle » est une forme d’appropriation des savoirs proposés par la bibliothèque…

• Les internautes sont eux aussi décomptés (sessions, réservations, etc.),

généraliste, est de plus en plus considérée comme une forme d’appro- priation de l’information ; et si cela se fait à la bibliothèque, tant mieux !

Les bibliothèques américaines s’enorgueillissent de voir des com-

munautés entières envahir leurs espaces pour y consulter Internet…

• Les espaces numériques sont de plus en plus construits comme des

lieux – et des services – où il est proposé une facilitation de la popu- lation à l’usage des outils numériques d’appropriation de l’information. Ce faisant, on évalue précisément leur usage, et l’activité qu’ils déve- loppent apparaît de plus en plus comme la version contemporaine de la « formation des usagers » maintenant essentiellement tournée vers la maîtrise de cet univers…

Tous ceux-là, on peut les compter ! De plus à chaque fois – évolution intéres- sante dans les pratiques de notre métier –, on ne se cantonne plus à l’usage des collections matérielles, mais on vérifie le rapport des usagers à l’infor- mation, au savoir.

Restent les autres : les occupants du lieu sans autre objectif que le lieu, son confort, la présence discrète ou non des autres, l’ombre des collections. Ne pas lire un titre des collections, ne pas avoir recours à un agent de la bi- bliothèque, ne pas admirer l’animation proposée…, bref ne vaquer qu’à ses propres affaires, solitaire ou avec d’autres, est-ce un dommage collatéral dans ce lieu public qu’est la bibliothèque ?

Ou bien n’est-ce pas la manifestation de la familiarité de cette dernière avec leurs points de repères rassurants ? La certitude du calme, de la place laissée à chacun, sans sollicitation importune, sans règle autre que celle de la tolérance et de l’absence de gêne réciproque (sans oublier l’ambiance studieuse laissant libre cours à ses propres travaux) ?

Bref, cette présence presque incongrue n’est-elle pas à bénir, comme signe de la réussite d’une institution à réaliser l’accomplissement – certes localisé et toujours fragile – du lien social, son objectif majeur ?

Qu’en pensez-vous ?

Commentaires au billet Hommage à l’usager inconnu