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CHAPITRE II : EVALUATION DES INSTRUMENTS DE MAITRISE DE L’ENERGIE : PRINCIPES ET RESULTATS

2.3 Combinaisons d’instruments

Le chapitre I a montré que la justification des combinaisons d’instruments nécessite un examen rigoureux des défaillances et obstacles en présence. En pratique, les combinaisons sont légion dans le domaine de l’environnement (Bennear et Stavins, 2007), et particulièrement dans le domaine de la maîtrise de l’énergie, où les raisons d’intervenir sont multiples. Les instruments se combinent soit par superposition, i.e. lorsqu’ils sont mis en présence simultanément sans coordination délibérée, soit par hybridation, i.e. lorsqu’un instrument partage les caractéristiques de plusieurs autres instruments.

2.3.1 Cas de superposition

Même en limitant l’analyse aux superpositions entre instruments qui visent en priorité la maîtrise de l’énergie – c’est-à-dire en excluant les interactions potentielles avec les autres politiques environnementales, comme les permis d’émission –, le nombre de cas à étudier s’élève rapidement. Pourtant, l’évaluation des superpositions reste très limitée.

Le résultat le plus fameux est l’efficacité accrue des prix de l’énergie pour l’induction du changement technique en présence de politiques d’information (Newell et al., 1999). Plus récemment, McGilligan et al. (2010) mettent en évidence au Royaume-Uni un effet analogue avec les subventions, dont le diagnostic de performance énergétique augmente l’efficacité ; toutefois, cet effet est valide pour certaines techniques d’isolation, mais pas toutes. Une interaction mutuellement bénéfique entre les instruments incitatifs et informatifs semble donc se dégager.

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2.3.2 Un cas d’hybridation: les obligations d’économies d’énergie

Les obligations d’économies d’énergie imposées aux opérateurs énergétiques, au sens large, sont le principal instrument « hybride » qui existe dans le domaine de la maîtrise de l’énergie. Il a d’abord été mis en œuvre aux Etats-Unis à partir des années 1980. Dans de nombreux Etats, une politique de Demand-side management (DSM) obligeait les monopoles électriques régulés à consacrer des ressources à la gestion de la pointe électrique et à encourager l’investissement des ménages dans l’efficacité énergétique25.

Le caractère hybride de l’instrument ainsi défini n’apparaît pas comme une évidence. Il s’est en fait révélé à la pratique, à mesure que les monopoles électriques diversifiaient leurs stratégies de réponse à l’obligation. Les politiques d’information ont été d’abord privilégiées ; elles ont ensuite été complétées par des subventions aux ménages pour l’achat et l’installation d’équipements efficaces ; des subventions ont enfin été distribuées plus en amont aux fabricants d’équipement pour stimuler la diffusion des technologies (Gillingham et al., 2006).

Les politiques de DSM sont, avec les standards, l’instrument qui a été le plus évalué aux Etats-Unis, et leur déploiement fut le moteur de la recherche académique sur les barrières à l’efficacité énergétique. Leurs performances en termes de coût-efficacité et d’efficience ont fait l’objet de nombreuses évaluations et contre-évaluations, depuis la « passe d’armes » entre Paul Joskow et Amory Lovins dans The Electricity Journal en 1994 (Joskow, 1994 ; Lovins, 1994) jusqu’aux débats récents sur la fiabilité des données de coûts et d’économies d’énergie rapportées par les monopoles électriques obligés (Laughran et Kulick, 2004 ; Horowitz, 2004 ; Auffhammer et al., 2008). Malgré l’hétérogénéité des programmes et des méthodes d’évaluation, les politiques de DSM semblent générer des bénéfices sociaux nets, selon un rapport coût-efficacité proche de celui des standards et inférieur au prix de l’énergie (Gillingham et al., 2006, p.183).

Avec la libéralisation progressive des marchés de l’énergie, l’instrument s’est transformé aux Etats -Unis en Energy Efficiency Resource Standard (EERS) et a été adapté en Europe sous la forme de « certificats blancs ». Mis en place en Grande-Bretagne en 2002, en Italie en 2005 et en France en 2006, cet instrument repose sur une obligation échangeable d’économies d’énergie imposée aux fournisseurs d’énergie. En contexte libéralisé, un niveau d’hybridation supplémentaire apparaît, puisque l’instrument partage partiellement les propriétés d’une taxe sur l’énergie. Cet effet est modélisé dans la partie suivante puis discuté au chapitre IV, qui porte sur l’évaluation empirique des expériences européennes de certificats blancs.

25Les programmes de DSM constituaient à l’époque le versant « demande » d’une politique plus générale de

gestion intégrée des resources (integrated resource planning), visant à optimiser les systèmes électriques à la

fois du côté de l’offre et de la demande. Pour davantage de détail sur les politiques américaines de DSM, voir le

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3 Performance coût-efficacité des principaux instruments en

statique comparative

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Après avoir détaillé les propriétés de chaque instrument, la présente partie vise à comparer leurs performances. Cette tâche suppose l’emploi d’un cadre d’analyse simple, qui permette à la fois de reproduire la variété des comportements des agents impliqués et de comparer des instruments aux modes d’action distincts. Le modèle employé ici tente de satisfaire ce double objectif en formalisant le cadre microéconomique d’équilibre statique esquissé au chapitre I (figures 2 et 3). Les trois agents qui animent le système technico-économique présenté en introduction (figure 1) – les ménages, les producteurs d’énergie et les producteurs de biens d’efficacité énergétique – sont décrits par des comportements standards, comme l’illustre la figure 6. L’arbitrage du ménage entre sobriété et efficacité introduit une des principaux obstacles aux économies d’énergie: l’effet rebond.

Figure 6: Ciblage du modèle 1 par rapport au système technico-économique du bâtiment résidentiel L’évaluation porte en priorité sur les instruments dont l’analyse standard est la plus répandue : taxe sur l’énergie, subvention et réglementation sur l’efficacité énergétique ; le modèle propose également une représentation des dispositifs innovants de certificats blancs. Les performances des instruments sont comparées pour un même objectif de réduction de la consommation d’énergie ; le leur classement en termes de coût-efficacité est donc le même qu’en termes d’efficience. La question de l’acceptabilité, au sens des effets distributifs entre les agents représentés dans le modèle, est également discutée.

26 Le modèle présenté ici, qui s’appuie sur un modèle plus simple conçu par Quirion (2004, 2006), a été

développé par nous-mêmes avec Philippe Quirion dans un article publié en anglais dans la Revue d’économie politique en décembre 2008. Il a été repris sous une forme synthétique dans un article publié en français avec Dominique Finon et Philippe Quirion dans un ouvrage collectif publié en janvier 2010 (Carassus et Duplessis,

eds). La présente section s’appuie sur la version synthétique et privilégie la représentation graphique. La

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