• Aucun résultat trouvé

Chapitre II : L’instruction menée par les autorités

1. La collecte des informations

À l’OFPRA et à la CN A, les OP et les juges en c arge de l’instruction peuvent s’appuyer en interne sur des services destinés à collecter des informations sur les pays d’origine. Il s’agit respectivement de la ivision de l’information, de la documentation et des recherches (DIDR) et du Centre de recherche et de documentation (CEREDOC). Seul ce dernier a accepté de nous transmettre certains résultats de leurs travaux.

À l’OFPRA, les OP sont en c arge de l’instruction des demandes d’asile. ’un point de vue pratique, il faut souligner que l’OFPRA s’est engagé à atteindre certains objectifs de productivité clairement quantifiés. Les instructeurs français sont censés produire deux décisions par jour, une décision comprenant la réalisation d’un entretien avec le demandeur, l’instruction et la rédaction de la décision. Comme le souligne Jo anna Probst, en supposant une moyenne de vingt et un jours de travail mensuel, les instructeurs français doivent donc, pour « faire leur chiffre », produire quarante-deux décisions (entretien et instruction) par mois150. La responsable du groupe référant LG T de l’OFPRA considère que la situation a changé depuis, car l’OFPRA a une politique de recrutement assez généreuse. Néanmoins, dans un tel contexte, les OP s’appuient largement sur les travaux de la DIDR, en charge du recueil et du traitement de l’information sur les pays de provenance des demandeurs d’asile. Les chargés de recherche de la DIDR mettent à la disposition de leurs collègues des études documentaires afin de les aider dans la prise de décision. En ce sens, ils fournissent des « Notes d’appui à l’instruction », confidentielles. En outre, ces chargés de recherche peuvent également être saisis sur des questions précises par les OP qui ont parfois besoin de leur aide afin de vérifier la véracité des déclarations d’un demandeur d’asile. Pour cela, les c argés de rec erc e s’appuient sur leur propre expertise sur une zone géograp ique, sur un réseau de contacts étoffé (universitaires, journalistes, ONG locales ou internationales, réseaux d’experts européens) et sur leur accès à de nombreuses bases de données. La rédaction de leurs produits documentaires doit répondre aux critères déontologiques énoncés dans les lignes directrices communes de l’Union européenne.

150 Probst J., Instruire la demande d’asile : étude comparative du processus décisionnel au sein de

l’administration allemande et française, thèse de doctorat, Université de Strasbourg, 2012, p. 265, disponible

85

Il convient également de souligner que depuis 2013, l’OFPRA a mis en place cinq groupes t ématiques parmi lesquels un est consacré à l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Le groupé référent LG T a comme mission d’aider à l’instruction des dossiers afférents. Ce groupe élabore et met à la disposition des OP les Lignes directrices pour

l’instruction de la demande d’asile fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre,

document qui synthétise les outils d’appui élaborés sur cette thématique. Malheureusement, l’accès audit document nous a été interdit. En revanc e, nous avons pu nous entretenir longuement avec la responsable du groupe référent et sa directrice. Elle nous a expliqué que la vingtaine de personnes qui font partie du groupe référent LGBT ont été choisis par volontariat et selon leur expertise. Le groupe intervient à la demande des OP en donnant des avis consultatifs à l’instruction. Le groupe référent se charge de la formation continue des OP et de l’actualisation, avec le service de la documentation, des informations relatives aux pays d’origine souvent avec l’aide d’associations locales.

À la CN A, ce sont les juges qui dirigent l’instruction des dossiers, mais elle est concrètement réalisée par les rapporteurs à l’instruction. Les rapporteurs sont chacun affectés dans l’une des treize c ambres qui composent les quatre sections de la Cour. Ils sont c argés de l’instruction des affaires inscrites au rôle d’une audience et, comme pour les OP, les rapporteurs sont également soumis à des objectifs mensuels. L’instruction du rapporteur, en amont de l’audience, amène un travail d’examen approfondi. En effet, l’étude des dossiers implique de qualifier juridiquement les faits, mais aussi de mener des recherches d’information géopolitique. Le rapport d’instruction, envoyé aux juges et lu en audience, constitue une base indispensable dans la construction de l’intime conviction du juge de l’asile. Anicet Le Pors relève ainsi que :

« Le travail du rapporteur de la juridiction est essentiel puisque c’est lui qui connaît le mieux le dossier pour l’instruire à la fois au regard de la jurisprudence pertinente et de la situation des pays d’origine. C’est lui aussi qui se prononcera publiquement sur la cohérence du récit, l’authenticité des documents fournis – alors qu’il n’en a pas véritablement les moyens – l’identification des questions de fait et de droit que pose l’affaire »151.

Les rapporteurs de la CN A peuvent, eux, s’appuyer sur les travaux du CEREDOC. Ce dernier est composé de quinze agents et est organisé en deux pôles : les agents chargés des questions géopolitiques et les agents chargés des questions juridiques. Ceux du pôle géopolitique sont responsables de la rédaction de fiches d’informations sur les pays d’origine.

151 Le Porc A., « La formation de l’intime conviction du juge de l’asile », blog personnel, 9 mars 2012, disponible sur : https://anicetlepors.blog/2012/03/09/lintime-conviction-du-juge-de-lasile/

86

Ils gèrent des cartables électroniques. Il s’agit d’une bibliot èque de liens organisée par pays et pointant vers des sites web accessibles au public et des documents électroniques émanant tant d’organisations internationales, gouvernementales, non gouvernementales ou locales que de centres de rec erc es et de sites d’actualité. Les agents du CERE OC sont également susceptibles de répondre à des questions plus précises des rapporteurs sur des affaires données, lorsque la complexité du dossier le justifie. Il n’existe toutefois pas de groupe ou service dédié spécifiquement aux questions relatives à l’orientation ou à l’identité sexuelle.

Documents relatifs