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Chapitre 5: Children vaccination coverage surveys: impact of multiple source of information and multiple

6.2 Cohérence avec les données disponibles dans la littérature et interprétation des résultats

L’impact des programmes de vaccination sur la vulnérabilité de la population et la réduction du fardeau de la maladie dépend de la proportion des enfants adéquatement vaccinés et de l’administration des vaccins dans les délais recommandés (1,2). La mesure de la couverture vaccinale complète pour l’âge (ex. à 24 mois) et l’évaluation des retards vaccinaux constituent des indicateurs importants pour l’évaluation des programmes de vaccination et reflètent l’acceptabilité de la population envers les vaccins (7–10). Cette acceptabilité est d’ailleurs un des critères du cadre d’analyse proposé pour l’évaluation de la mise en place des programmes de vaccination au Canada (140). Notre analyse des couvertures vaccinales à l’âge de 24 mois de 2006 à 2016 indique que les enfants québécois sont généralement bien vaccinés et que peu d’enfants n’avaient reçu aucun vaccin depuis la naissance (1 à 2 %). Cette bonne couverture vaccinale est obtenue malgré l’ajout de plusieurs vaccins dans le programme de vaccination au cours des dernières années et malgré le phénomène de l’hésitation à la vaccination. Les parents hésitants peuvent refuser tous les vaccins, refuser ou retarder certains vaccins ou accepter les vaccins mais demeurer avec des inquiétudes (46,141). Le maintien d’une couverture vaccinale élevée dans le temps pour les vaccins déjà présents au calendrier a été observé ailleurs de même que l’augmentation graduelle des couvertures vaccinales spécifiques à un vaccin rapidement après son introduction (23,37,61–63,65,120). L’introduction du vaccin contre le rotavirus en Australie a même été accompagnée d’une amélioration dans la vaccination des trois premières doses de DCaT et de Pneu-C dans les délais recommandés (37). Ce bénéfice est possiblement associé au fait que le vaccin contre le rotavirus est contre-indiqué après 25 semaines d’âge pour éviter les invaginations intestinales qui pourraient survenir après cet âge. La couverture vaccinale spécifique à ce vaccin demeurait toutefois inférieure à celle pour le vaccin DCaT ce que nous avons également observé dans notre étude.

Dans le cadre de ce projet, nous avons identifié les facteurs associés au statut vaccinal et aux retards vaccinaux. La plupart de ces facteurs ont déjà été identifiés dans d’autres études et ont permis de définir des populations

plus vulnérables pour lesquelles un suivi particulier de la vaccination devrait être fait (10,11,27,31,32,39,41,73,121,125,126,134). Il s’agit, entre autres, des mères avec un faible niveau de scolarité et des personnes vivant sans conjoint. Le lieu de vaccination avait également une influence sur le statut vaccinal de l’enfant et les retards vaccinaux.

Depuis 2006 au Québec, plusieurs interventions ont été mises en place dans les CSSS afin d’améliorer la vaccination dans les délais recommandés. Ces interventions telles que les rappels pour les vaccins prévus et les relances en cas de retard ont été implantées en priorité à la visite de 2 mois, mais étaient aussi prévues pour la visite de 12 mois (117,133,142). Des indicateurs de gestion pour la vaccination dans les délais recommandés sont en place depuis 2006. Le délai recommandé a d’abord été fixé à une semaine suivant l’âge prévu au calendrier, puis modifié à deux semaines en 2011 (143). Toutes ces interventions semblent avoir permis une réduction des retards vaccinaux à chacune des visites. Alors que seulement 17 % des enfants de deux ans avaient reçu tous leurs vaccins sans aucun retard en 2006, cette proportion a augmenté à 50 % en 2016. La proportion des enfants vaccinés exclusivement en CSSS est passée d’environ 54 % en 2006 à 75 % en 2016 (53,68). La proportion des retards vaccinaux a également diminué à chacune des visites de 2006 à 2016 (144). On a toutefois observé que la vaccination en CSSS (versus en cliniques médicales / centres hospitaliers) était un facteur de risque des nouveaux retards vaccinaux aux visites de 4 et 6 mois. Malgré une diminution des retards à chacune des visites, les CSSS semblent avoir priorisé leurs ressources pour les visites de 2 mois et 12 mois, entraînant une proportion plus élevée de retards aux visites de 4 mois et 6 mois comparativement aux enfants vaccinés en cliniques médicales / centres hospitaliers qui n’ont pas d’indicateurs de gestion. Compte tenu de la prévalence élevée des retards vaccinaux observée à ces visites après l’âge de 2 mois dans le cadre de notre analyse et de l’impact de ces retards sur le statut vaccinal à 24 mois, il serait important de considérer aussi ces visites dans la planification des ressources.

Rappelons que nos estimations pour la fraction des enfants avec un statut incomplet à 24 mois dans la population attribuable à un nouveau retard vaccinal étaient de 16,1 % à 2 mois, 10,6 % à 4 mois, 14,0 % à 6 mois et 31,8 % à 12 mois. La fraction attribuable dans la population dépend de la prévalence de l’exposition et de la force de l’association entre l’exposition et la maladie (110). La prévalence des nouveaux retards chez les enfants âgés de 2 ans était de 6 % à 2 mois, 8 % à 4 mois, 12 % à 6 mois et 22 % à 12 mois. Les risques relatifs ajustés pour l’effet d’un nouveau retard étaient de 3,6, 2,5, 2,3 et 2,9 pour les visites de 2, 4, 6 et 12 mois respectivement. Cet aspect constitue un résultat innovateur de notre analyse considérant qu’au Québec et ailleurs, l’accent est mis depuis longtemps sur les retards vaccinaux des premiers vaccins à 2 mois et sur l’impact de ces retards sur la poursuite de la vaccination (31,31,73–75). L’administration des premiers vaccins sans retard est toutefois primordiale afin de réduire la vulnérabilité des nourrissons aux maladies évitables par la

vaccination qui sont particulièrement à risque de complications en raison de leur jeune âge (145,146). De plus, à l’instar des données disponibles dans la littérature sur l’impact des retards aux premiers vaccins (2 mois) (11,31,35), nous avons observé que plus de 75 % des enfants avec un retard vaccinal à 2 mois avaient également un retard à d’autres visites et le tiers présentait un retard à chacune des visites prévues à 4, 6 et 12 mois.

Inspirées de la méthode proposée par Dillman, les enquêtes de couverture vaccinale réalisées au Québec depuis 2006 prévoient plusieurs contacts auprès des participants potentiels pour maximiser le taux de réponse et diminuer la possibilité d’un biais de sélection. Avec la diminution des taux de réponse au fil des ans, une relance a été ajoutée de même que des incitatifs financiers et ces ajouts semblent effectivement avoir eu un impact favorable sur les taux de réponse, bien qu’il soit modeste. En effet, le taux de réponse à la suite de l’envoi du questionnaire 3 en 2016 comprenant un second incitatif financier a augmenté de 3,9 % alors qu’il avait augmenté de 1,7 % en 2014. Messer & Dillman (2011) ont observé une augmentation de 9 % dans le taux de réponse d’un questionnaire postal avec l’ajout d’un second incitatif financier comparativement à l’absence d’incitatif financier. Pour cette étude, l’intervention a été attribuée de façon aléatoire ce qui n’est pas le cas dans notre étude et la comparaison des participants de l’enquête de 2016 à ceux de l’enquête de 2014 peut comporter certaines limites. Il était ainsi pertinent de s’interroger sur les bénéfices de réaliser plusieurs contacts puisqu’aucune évaluation n’avait été faite en lien avec l’issue d’intérêt, soit l’estimation de la couverture vaccinale. Un biais de sélection peut être présent si la probabilité de réponse au questionnaire est associée à l’issue d’intérêt et l’association entre le taux de réponse et le biais de sélection ne semble pas clairement démontrée dans la littérature (18,90). Un meilleur taux de réponse permet toutefois de réduire la proportion des non répondants et si ces derniers présentent des caractéristiques différentes des répondants en lien avec l’issue d’intérêt, un meilleur taux de réponse pourrait réduire la possibilité d’un biais de sélection. Aussi, un taux de réponse plus élevé peut permettre d’améliorer la précision des résultats (16,18). Selon notre analyse, la proportion d’enfants complètement vaccinés à 24 mois diminuait légèrement avec l’augmentation du nombre de contact et la diminution était plus marquée entre les répondants au contact 3 et ceux au contact 1, mais l’impact final sur la validité des résultats était limité. À notre connaissance, peu de données étaient disponibles dans le domaine de la vaccination à ce sujet et les résultats publiés par Luman & collaborateurs en 2008 ont porté principalement sur la comparaison des répondants initiaux avec tous les répondants. Ils ont ainsi observé peu de différences dans la couverture vaccinale entre les deux groupes.

Notre évaluation a permis d’augmenter les preuves disponibles quant à l’importance de la validation auprès d’autres sources de l’information vaccinale obtenue à l’aide du carnet de vaccination. Notre analyse a porté seulement sur la validation des enfants sans carnet, avec des doses manquantes ou non valides. D’autres

articles avaient également mis en évidence cet aspect et suggéraient une faible sensibilité du carnet de vaccination possiblement associée à une proportion élevée de faux négatifs (enfants complètement vaccinés considérés incomplètement vaccinés par le carnet de vaccination) (14,15). La qualité des données de couverture vaccinale dépend grandement de la capacité à retracer l’histoire vaccinale et l’utilisation de données incomplètes sous-estime la protection réelle de la population pour les maladies ciblées par la vaccination. Cette sous- estimation peut conduire à la mise en place d’interventions en santé publique non nécessaires et à une mauvaise utilisation des ressources. Puisque plusieurs études ont démontré une bonne valeur prédictive positive de l’information disponible au carnet de vaccination, soit une forte probabilité d’être complètement vacciné lorsque le carnet identifie l’enfant comme étant complètement vacciné, il est pertinent de restreindre la validation auprès des vaccinateurs seulement pour les enfants incomplètement vaccinés (14,15,80). Par exemple, dans le cadre de l’étude canadienne sur la couverture vaccinale des enfants de 2 ans, la validation est prévue pour tous les répondants mais n’est effectuée que pour 33 % d’entre eux en raison de l’absence de consentement écrit du parent ou d’une réponse du vaccinateur. Ainsi, malgré un taux de réponse similaire entre l’étude québécoise et celle réalisée au Canada, les résultats de l’enquête canadienne réalisée auprès des enfants du Québec en 2013 étaient différents de ceux obtenus dans l’enquête québécoise de 2014. Les couvertures vaccinales pour 4 doses du vaccin DCaT-Polio-Hib et 3 doses de PCV selon les estimés de l’enquête canadienne étaient de 11 % inférieures à celles estimées au Québec. Pour une dose de rougeole, la différence était de 6 % entre les deux enquêtes.

Considérant la bonne spécificité du carnet de vaccination observée dans la littérature et la prévalence élevée d’un statut vaccinal complet, une faible probabilité de faux positifs (i.e. la probabilité qu’un enfant incomplètement vacciné soit considéré complètement vacciné par le carnet de vaccination) est envisagée avec l’utilisation du carnet (14,15). En conclusion, on peut penser que l’information sur les doses inscrites dans le carnet de vaccination constitue une information fiable. Toutefois, lorsqu’une dose n’est pas inscrite, il est prudent de ne pas considérer d’emblée l’enfant comme incomplètement vacciné et d’avoir recours à d’autres sources de données pour confirmer le statut de l’enfant.

6.3 Principales limites des enquêtes de couverture vaccinale et de l’analyse