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CODES DE CONSTRUCTION ET MESURES DE CONSTRUCTION PARASISMIQUE

CHAPITRE 4. LA VULNÉRABILITÉ: BÂTIMENTS

4.4 CODES DE CONSTRUCTION ET MESURES DE CONSTRUCTION PARASISMIQUE

but de s’assurer que les constructions ne subissent pas de dommages lors d’un tremblement de terre de faible intensité, qu’elles ne présentent que des dégâts légers à modérés lors d’une secousse modérée et qu’elles ne s’écroulent pas lors d’un séisme de grande intensité (Del Valle, 1995).

Ces codes sont modifiés au fur et mesure que les connaissances sur le comportement des bâtiments s’approfondissent.

Il existe un grand nombre de codes de construction dans le monde. La plupart d’entre eux sont développés dans les régions à fort risque sismique où ils sont appliqués de façon systématique et obligatoire. C’est le cas des États Unis, du Japon, du Mexique, de la Colombie ou du Venezuela.

En Suisse, l’élaboration et la révision des normes de construction relève de la responsabilité de la Société Suisse des Ingénieurs et des Architectes (SIA). Ces normes, élaborées par des experts, établissent les règles à observer lors des différentes phases de construction d’un bâtiment. Elles représentent les connaissances acquises dans le domaine de la construction et prescrivent les mesures à prendre pour garantir l’édification d’ouvrages sûrs et fonctionnels ; c’est à dire qu’ils soient capables de supporter des charges inhérentes à leur utilisation, ainsi que des forces extraordinaires qu’ils sont susceptibles de subir lors de leur vie utile. Ces ouvrages doivent aussi garantir un bon fonctionnement de leur structure et de leurs installations et équipements pour l’usage pour lequel ils ont été conçus.

Ces normes s’appliquent à tous les aspects liés à la construction : du matériau utilisé à la structure choisie en passant par les conditions d’occupation de la construction et des forces externes (vent, neige…) auxquels elle sera soumise durant sa vie.

Dans ces normes de construction, la SIA a aussi établi des prescriptions en matière parasismique. Celles-ci indiquent que la conception des ouvrages dépendra de leur localisation sur le territoire suisse, du type du sol sur lequel l’ouvrage sera bâti et du type d’ouvrage lui-même: combien de personnes vont occuper la construction en moyenne, quels sont les dangers potentiels, la potentialité d’atteinte de l’environnement en cas de défaillance, l’ampleur des dommages acceptables et l’importance de l’ouvrage dans l’organisation des mesures immédiates à prendre après un séisme. Ces paramètres sont pris en compte au moment du calcul des spectres de réponse et de dimensionnement, ce qui permet le calcul des forces latérales auxquelles la construction doit résister.

Les premières considérations parasismiques décrites dans les normes SIA apparaissent en 1970 ; elles spécifiaient une charge statique horizontale de remplacement

variant de 2 à 5 % du poids du bâtiment, ce qui augmentait l’exigence parasismique pour les constructions courantes ; une classification des ouvrages en deux groupes et deux valeurs de l’accélération du sol selon s’il agissait d’une zone à haut risque ou non (SIA, 1989) (Bachmann et al., 1989). En 1989 des prescriptions parasismiques sont introduites dans les normes de construction avec des cartes nationales d’aléas sismiques, des spectres de dimensionnement (basés sur un séisme ayant une période de retour de 475 ans), ainsi que des règles de conception, de dimensionnement et de construction déterminantes. Dans ces dispositions, trois zones de risque, trois classes d’ouvrages et cinq types de structures porteuses pour la reprise des forces horizontales étaient définis, ainsi que l’ « image des dommages acceptables». Celle-ci admet l’existence de dommages « admis » dans les structures lors d’un tremblement de terre : le principe de base accepté pour la création de la norme était que les dommages produits par un séisme ne devaient pas dépasser certaines limites normalisées (SIA, 1989).

Dans les normes SIA 261 actuellement en vigueur, la Suisse est divisée en quatre zones sismiques Z1, Z2, Z3a et Z3b. Une valeur de l’accélération horizontale de sol est attribuée à chaque zone (figure 11, chapitre 1)

Pour tenir compte de l’influence du sol de fondation, les normes proposent six classes de sol (A, B, C, D, E, F) qui vont de la roche dure à des dépôts de craie lacustre ou tourbe, en passant par des dépôts de sable et gravier préconsolidé ou normalement consolidé, et par des sols ayant une couche alluviale superficielle. Pour chaque classe de sol, une valeur de vitesse des ondes S, des périodes de vibration ou de spectres de réponse leur sont attribués. Ces paramètres permettent le calcul du spectre de réponse sismique pour lequel les forces latérales seront calculées (tableau 4, chapitre 2)

Le spectre de réponse sismique présenté dans les normes SIA 261 est aussi une fonction de la ductilité et du facteur d’importance de l’ouvrage projeté. La norme fait une classification des ouvrages en trois groupes (I, II, III) pour lesquels il y a un facteur de ductilité et un autre d’importance : les codes de construction demandent une résistance majeure pour les bâtiments qui concentrent une grande quantité de personnes ou de biens d’une valeur particulière, les immeubles ayant une fonction importante, qui risquent d’atteindre l’environnement en cas de défaillance ou les infrastructures ayant une fonction vitale.

Les prescriptions établissent aussi des mesures obligatoires ou recommandées selon le type d’ouvrage et la zone de séisme où la construction se trouve et proposent deux méthodes différentes pour les calculs des forces en fonction des caractéristiques de régularité de la structure et des périodes de vibration.

Les prescriptions prennent également en compte le calcul du déplacement relatif de l’édifice par rapport à la fondation, le largueur des joints situés entre les bâtiments ou entre les parties indépendantes des bâtiments (pour éviter des dommages dus aux collisions entre les immeubles) et, finalement, le calcul des forces pour la conception des éléments non porteurs.

En 2003, l’évolution des normes SIA aboutit à la création des Swisscodes où les dispositions parasismiques sont intégrées dans les différentes méthodes de construction (Bachmann, 2002). Les principes des Eurocodes (normes européennes pour les constructions) ont servi de base.

Malheureusement, nous l’avons mentionné, l’application des prescriptions parasismiques pour les constructions courantes n’est pas obligatoire dans la plupart des cantons suisses. Leur application dépend des maîtres d’ouvrage et/ou des propriétaires.

Cependant, il faut noter que sur la base d’une décision fédérale du 11 décembre 2000, toutes les nouvelles constructions appartenant à la Confédération sont soumises aux normes parasismiques sur la totalité de son territoire (Lateltin et al., 2004).

Outre les prescriptions parasismiques, il existe des principes de base pour rendre les bâtiments plus sûrs face à un séisme. A partir de l’observation des dommages subis lors de tremblements de terre, les ingénieurs et les scientifiques sont en mesure de déconseiller certains systèmes structuraux et favoriser certaines caractéristiques présentant une meilleure résistance aux sollicitations.

Nous pouvons ainsi mentionner les mesures à éviter (Bachmann, 2002) :

- les rez-de-chaussée ou les entresols flexibles où les colonnes qui supportent les étages supérieurs sont incapables de supporter les déplacements relatifs entre la basse des colonnes et les étages supérieurs - les contreventements dissymétriques qui déplaceraient le centre de rigidité

de la structure loin de son centre de masse. Cela provoquerait des forces de torsion indésirables

- les contreventements décalés d’un étage par rapport au suivant qui perturbent la transmission des efforts, réduisent la capacité portante et diminuent la ductilité

- les changements brusques de rigidité d’un étage à l’autre qui se traduiraient par des sollicitations supplémentaires à l’échelle locale

- des structures porteuses « mixtes » en béton armé et murs de maçonnerie, car la différence de rigidité entre les murs et les colonnes produit un comportement totalement défavorable

- les systèmes de cadres en béton armé avec des murs de remplissage en maçonnerie. Deux problèmes pourraient se présenter :

i) si les cadres en béton armé sont plus rigides que le mur en maçonnerie, celui-ci sera complètement détruit

ii) si les cadres sont moins rigides que le mur, celui-ci va endommager les colonnes et, par conséquent, entraîner la défaillance du cadre - des colonnes courtes ou l’effet de « colonnes courtes » : ce phénomène se

présente lors de la construction ultérieure à la conception des murs entre les colonnes, laissant des ouvertures pour le passage de la lumière dans la partie supérieure du mur. Ainsi, le mur « réduit » la longueur de la colonne et celle-ci devient plus rigide. Cette « nouvelle » rigidité non considérée pendant la conception de la colonne provoque une majeure concentration des sollicitations latérales sur celle-ci entraînant sa défaillance

Nous avons repéré certains de ces cas à Genève (figures 45 - 47), ils permettent d’illustrer les commentaires précédents sur des pratiques de construction inappropriées.

Parmi les mesures favorables, nous pouvons mentionner (Bachmann, 2002) :

- La séparation des bâtiments contigus par un espace minimal ou par des joints de manière à éviter le martèlement entre eux lors d’un séisme,

- le renforcement des murs en maçonnerie pour qu’ils résistent aux forces latérales,

- lier des éléments non-porteurs aux éléments structuraux afin d’éviter leur chute. Celle-ci pouvant provoquer des dommages importants,

- la conception de constructions en acier ductiles,

- la préférence aux configurations compactes en plan et, dans le cas de projets où la forme de la construction en plan est complexe, une conception par des sections rectangulaires attachées par des joints,

Figure 45a. Place de Cornavin Figure 45b. Boulevard Georges Favon

Figure 45a et b. Exemples de changement important des matériaux de construction d’un étage à l’autre

Figure 46a. Rue du 31 Décembre Figure 46b. Rue du 31 Décembre Figure 46a et b. Exemples d’entresols de bâtiments contigus de différentes hauteurs

Figure 47. Boulevard Georges Favon : exemple d’une séparation insuffisante entre bâtiments contigus

- des hauteurs d’étages semblables pour des bâtiments contigus afin d’éviter que les planchers d’un bâtiment frappent les murs du bâtiment voisin lors d’un séisme,

- Une conception soigneuse des contreventements métalliques : lors d’un mouvement cyclique leur rigidité se voit fortement diminuée, il faut réaliser des éléments de façon qu’ils présentent un comportement élastique,

- dans les structures à ossature, séparation des parois non-porteuses par des joints, ceci évite que les murs soient endommagés,

- lrrespect du projet structural et architectural et, en cas de modification, une révision, voire une restructuration

D’autres mesures non liées directement à la structure porteuse, mais qui augmentent la sécurité de la population seraient selon Bachmann (2002) :

- respecter l’usage pour lequel l’immeuble a été conçu,

- ancrer les éléments de façade et les éléments non-structuraux, ce qui éviterait leur chute,

- bien fixer les faux-plafonds et les luminaires,

- retenir par une fixation les équipements et les installations, - éviter les surcharges dans les étages supérieurs des immeubles.

En outre, il ne faut pas négliger deux problèmes qui pourraient avoir une incidence sur les dommages subis par les bâtiments :

Premièrement, l’interaction sol - structure : modification du mouvement du terrain à la base de la structure, provoquée par la présence de l’immeuble (Del Valle, 1995). Par ailleurs, le mouvement du bâtiment peut produire des ondes qui pourraient interférer avec les vibrations du sol en champ libre (Semblat et Dangla, 2005).

Deuxièmement, l’effet de résonance qui apparaît lorsque la période de vibration d’un immeuble est proche de la période de vibration du sol. Ce phénomène produit d’importants dommages dans les structures, voire leur écroulement total.

La liste des mesures à prendre, améliorant le comportement structural des immeubles lors d’un séisme n’est pas exhaustive. Nous avons voulu en mentionner certaines qui ne sont pas mentionnées explicitement dans les prescriptions parasismiques et qui pourraient influencer la vulnérabilité ou la résistance d’une construction.