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VULNÉRABILITÉ AUX CRISES DE CHANGE PAR CONTAGION

SECTION 1 : DÉFINITION DES VARIABLES ET SOURCES DE DONNÉES

1.2. CLASSIFICATION DES RÉGIMES DE CHANGE

La typologie des régimes de change donnée par le continuum de flexibilité de Frankel [1999] (abordée au Chapitre 1 - Section 2) illustre les caractéristiques de neuf configurations de régimes regroupées en trois groupes (fixes, intermédiaires et flottants). Cette typologie a été introduite au début de ce travail pour sa simplicité d’ordre pédagogique. Par ailleurs, tant sur le plan officiel qu’effectif, les classifications des régimes de change diffèrent selon la perception de ceux qui les établissent (académiciens, autorités nationales ou administrateurs des institutions financières internationales). Cette différence s’explique par la divergence des approches et des méthodes utilisées pour la classification des régimes.

Dans ce qui suit, on examine tout d’abord les approches de classification des régimes de change. En suite, on passe à la présentation de la classification retenue dans notre étude empirique.

1.2.1. Approches de classification

A- Approche "de jure"

Avant 1999, le FMI se basait pour la classification des régimes de change suivis par ses pays membres sur l’annonce officielle faite par les autorités monétaires de chaque pays. Cette approche est dite "de jure" ou "officielle" et ne prend pas en compte le comportement effectif des cours sur les marchés des changes. Les déclarations officielles d’un régime traduisent les intentions annoncées officiellement par les autorités monétaires

196 d’un pays à l’égard de sa politique de change. D’autre part, cette approche a aussi l’avantage de la disponibilité des données, grâce à une large base de données élaborée par les services du FMI pour la plupart des pays membres, et sur une longue période.

Parallèlement, l’approche "de jure" adoptée par le FMI avant 1999 comporte aussi des insuffisances, dont la plus importante est liée au décalage entre les "dires" et les "faits". Autrement dit, les autorités monétaires affichent souvent des intentions quant à leur politique de change qui ne correspondent pas exactement à la conduite effective constatée en la matière. Par exemple, en régime de change fixe "officiel", des changements fréquents de parité transforment la fixité "de jure" en une flexibilité effective. À l’inverse, une flexibilité annoncée peut cacher dans les faits une politique de rattachement à une monnaie ou à un panier (secret), ou une politique de flexibilité dirigée selon une trajectoire prédéterminée.

B- Approche "de facto"

Depuis 1999, le FMI adopte une approche "de facto" de classification. Cette approche est traduite par une constatation du comportement effectif de la politique de change de chaque pays membre, sans se baser uniquement sur les déclarations officielles. Ainsi, l’approche "de facto" permet de détecter la conduite réelle du taux de change et des mouvements sur le marché des changes.

Ceci dit, cette approche possède aussi des insuffisances. Premièrement, une confusion peut être faite entre stabilité du taux de change grâce à un régime d’ancrage nominal ou une politique d’intervention active, d’une part, et stabilité résultant d’une absence de chocs extérieurs (monétaires, financiers ou réels), d’autre part. De plus, la taille et la structure du commerce extérieur diffèrent d’un pays à un autre, faisant qu’ils ne soient pas affectés de la même manière par les chocs extérieurs. Un petit pays ouvert avec une structure étroite d’exportation (nombre réduit de produits exportés) et adoptant un régime de flottement, assumerait d’importants effets en cas de chocs traduits par une grande volatilité de son taux de change. Cependant, un grand pays ouvert avec une structure commerciale diversifiée, et opérant sous un régime flottant, ne serait pas affecté grandement par des chocs extérieurs, et donc ne serait pas confronté à une volatilité importante de son taux de change. Dans cet exemple, selon l’approche "de facto" le petit

197 pays est classé (correctement) comme ayant un régime flottant, et le grand pays est classé (incorrectement) comme ayant un régime plus fixe (ou moins flexible).

D’autre part, la démarche "de facto" est rétrospective. Elle prend en compte le comportement effectif du taux de change dans une perspective historique. Ceci ne permet pas, par conséquent, de considérer les intentions des autorités monétaires pouvant affecter le comportement du taux de change lui-même.

1.2.2. Classification de "Bubula et Otker-Robe" (BOR) 1

A- La nouvelle classification du FMI comme référence

En réalité, la classification "de facto" proposée par Bubula et Otker-Robe [2002] représente un enrichissement de la nouvelle classification du FMI adoptée à partir de 1999. Dans cette dernière, le FMI distingue entre huit types de régimes de change en se référant à la variété des degrés d’autonomie de la politique monétaire et d’engagement à suivre une trajectoire prédéterminée. Les définitions données ici sont sommaires (la plupart des régimes étant déjà examinés au Chapitre 1- Section 2).

• Régimes des pays n’ayant pas de monnaie officielle distincte : Une autre devise devient la seule monnaie ayant cours légal dans le pays (dollarisation officielle lato sensu), ou le pays devient membre d’une union monétaire ou d’un mécanisme de coopération monétaire ayant adopté une monnaie commune qui a cours légal dans chacun des pays membres.

• Caisse d’émission : Régime monétaire pour lequel le pays s’engage (implicitement ou explicitement) en vertu de la loi à échanger à un taux fixe sa monnaie contre une devise spécifique. Cet engagement impose des restrictions aux autorités monétaires pour garantir le respect des obligations imposées par la loi.

• Autre régime conventionnel de parité fixe : Le pays rattache (officiellement ou "de facto") sa monnaie à taux fixe, à une "grande" monnaie ou à un panier. Le taux

1 D’autres auteurs proposent différentes classifications "de facto", notamment Ghosh et alii [1997], Calvo et Reinhart [2002], Bailliu et alii [2003], Ghosh et alii [2003], Reinhart et Rogoff [2004], Levy Yeyati et Sturzenegger [2005], entre autres. Au cours de nombreux développements théoriques dans ce travail, on a fait référence à plusieurs de ces classifications.

198 fluctue à l’intérieur d’une bande étroite de (+ ou – 1%) au maximum autour d’un taux central.

• Rattachement à l’intérieur d’une bande de fluctuation horizontale : La valeur de change de la monnaie est maintenue à l’intérieur d’une bande de fluctuation supérieure à (1 %) de part et d’autre du taux central (officiel ou "de facto").

• Système de parités mobiles : La valeur de change de la monnaie est ajustée périodiquement dans de faibles proportions, à un taux fixe annoncé au préalable ou en réponse aux variations de certains indicateurs quantitatifs (différentiel d’inflation constatée ou cible d’inflation vis-à-vis des principaux partenaires commerciaux, différentiel entre taux officiel et parallèle de change, etc.). Ce système correspond au régime de parités glissantes.

• Système de bande de fluctuation mobile : La valeur de change de la monnaie est maintenue à l’intérieur de certaines marges de fluctuation de part et d’autre autour d’un taux central qui est ajusté périodiquement à un taux annoncé au préalable ou en réponse à des indicateurs quantitatifs. Ce système correspond à un régime de bandes glissantes et constitue, en quelque sorte, une combinaison des deux systèmes précédents.

• Flottement dirigé sans annonce préalable de la trajectoire du taux de change : Les autorités monétaires influencent les mouvements du taux de change par des interventions directes ou indirectes sur les marchés, sans pour autant spécifier, ni s’engager à annoncer au préalable, quelle sera la trajectoire du taux de change.

• Flottement indépendant : La valeur de change est déterminée par le marché. Toute intervention est plutôt destinée à modérer la volatilité des cours qu’à les situer à un niveau particulier.

B- L’approche de classification (BOR)

Bubula et Otker-Robe [2002] adoptent la nouvelle approche "de facto" du FMI et essayent de l’enrichir à travers deux volets. En premier lieu, ils procèdent à une extension de la classification du FMI sur une période précédant l’année d’entrée en vigueur

199 de celle-ci (1999). En fait, la classification (BOR) couvre la période allant de 1990 jusqu’à 2001 pour tous les pays membres du FMI. À ce titre, la classification (BOR) semble être adaptée au champ spatio-temporel de notre étude du fait qu’elle couvre l’ensemble des pays émergents retenus et les épisodes de crises de change contagieuses étudiés et constatés entre 1995 et 1999.

En second lieu, cette classification apporte un raffinement supplémentaire à celle du FMI, puisqu’elle distingue entre treize configurations de régimes, issues des huit systèmes examinés plus haut. L’ensemble des treize régimes est réparti sur les trois grands groupes, à savoir : régimes fixes (ancrages rigides ou "hard pegs"), régimes intermédiaires (ancrages souples ou "soft pegs" en plus des flottements fortement dirigés ou "tightly managed floats") et régimes de flottement.

C- Configurations de régimes de change selon la classification (BOR)

C.1- Régimes de fixité (3)

Le régime de pays n’ayant pas de monnaie officielle distincte est sub-divisé en deux types : dollarisation officielle et union monétaire. À côté de ces deux configurations, le système de caisse d’émission rentre aussi dans le cadre des régimes de fixité rigide.

C.2- Régimes intermédiaires (8)

C.2.1- Régimes d’ancrage souple (7)

Dans cette catégorie, les régimes fixes conventionnels se séparent en ancrage vis-à-vis d’une monnaie et ancrage vis-à-vis d’un panier de monnaies. Le système de bandes horizontales est inclus tel qu’il figure dans la nouvelle classification du FMI. Le système des parités mobiles et le système de bandes de fluctuation mobiles sont sub-divisés en une configuration "à démarche rétrospective" (ou "backward looking") et une autre "à démarche prospective" (ou "forward looking")1.

1 Une parité glissante est dite "à démarche rétrospective" lorsque le "glissement" est mis en place pour instaurer un ajustement de l’inflation de façon à ce que le différentiel d’inflation constatée soit régulé sous contrainte de TCR. La parité glissante est dite "à démarche prospective" lorsqu’elle est ajustée selon un taux pré-annoncé et / ou sur la base du différentiel d’inflation anticipée (dans le cas où le taux de change joue un rôle d’ancrage nominal). La même conception est utilisée dans le système de bandes de fluctuation ( .. / .. )