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VULNÉRABILITÉ AUX CRISES DE CHANGE PAR CONTAGION

SECTION 1 : EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE ET DÉTERMINANTS DU CHOIX DES RÉGIMES DE CHANGE

1.2. AUTRES AVANTAGES (ET INCONVÉNIENTS) DES RÉGIMES POLAIRES

1.2.1. Changes fixes

A- Ancrage nominal pour la politique monétaire

L’ancrage nominal désigne le fait d’utiliser le rattachement à une monnaie comme stabilisateur des prix internes à travers la stabilité du taux de change nominal. Cet argument en faveur des changes fixes repose sur l’idée que lorsque la politique monétaire est plus discrétionnaire (en changes flexibles), les tensions inflationnistes augmentent (Edwards et Savastano [1999]). Ainsi, une banque centrale qui veut combattre l’inflation procède à une fixation du taux de change. Le régime de change fixe (ou d’ancrage nominal) instaure une discipline monétaire, manquante en changes flexibles, puisque le pays ne peut émettre trop de monnaie sans risque de dépréciation (Aubin et Norel [2000]). De son côté, Frankel [2003] explique la relation "ancrage monétaire – faible inflation" par le fait qu’employés et employeurs anticipent la stabilité des prix dans un contexte de changes fixes et d’une politique monétaire non autonome en matière d’offre de monnaie. En conséquence, ils agissent par la détermination de salaires appropriés à ce contexte.

Cependant, la crédibilité acquise par la banque centrale dans ce cadre dépend de la monnaie d’ancrage. Le rattachement à une "grande" monnaie donne plus d’efficacité en termes de crédibilité et de discipline monétaires. De ce fait, les changes fixes (ou régimes d’ancrage ferme) apparaissent comme instruments avec objectif implicite de "ciblage d’inflation" (ou "inflation targeting"), indiquent Calvo et Reinhart [1999].

147 B- Stimulation du commerce extérieur et de l’investissement

L’un des plus anciens arguments contre la flexibilité des changes réside dans le fait qu’une grande volatilité des taux de change crée de l’incertitude en matière de prévisions, et influence négativement le commerce international et l’investissement direct étranger (Barmoullé et Augey [1998]). Les taux fixés par rapport aux monnaies des principaux partenaires éliminent le risque de change, d’autant plus que la fixité influence les coûts de transactions réels et monétaires à la baisse. Ainsi, un régime de change fixe se présente comme étant favorable à la croissance économique (Frankel [2003]).

C- Exclusion des possibilités de dépréciations compétitives

Dans un environnement de dépréciations / dévaluations compétitives, chaque pays essaye de gagner à travers un commerce plus avantageux qu’à ces partenaires (effet sur les prix à l’exportation). Ainsi, des taux de change fixes appariassent comme solution coopérative issue d’actions concertées. Les dévaluations compétitives reposent sur des politiques d’appauvrissement du voisin (ou "beggar thy neighbor") (Frankel [2003]). L’aspect compétitif de ce genre de dépréciation est dû à la séquence de changement des rapports de change entre différents pays partenaires (ou concurrents), donnant naissance à de fréquentes modifications des avantages comparatifs en termes de prix. Ce phénomène succède généralement les épisodes de déclenchement de crises financières (Colletaz et alii [1999]). Des dévaluations compétitives ont été effectuées lors de la Grande dépression des années 1930, entre autres mesures non coopératives aggravent la crise. Dans les années 1990, le phénomène ressurgit lors des crises d’Asie et d’Amérique latine. À chaque fois qu’un pays dévalue, ses voisins se voient affectés par des pressions sur leurs balances des paiements (du Mexique à l’Argentine en 1995, de la Thaïlande au reste de l’Asie du sud-est en 1997, et du Brésil au rsud-este de l’Amérique du sud en 1999).

D- Coordination internationale entre autorités monétaires

Les décisions relatives aux parités et aux mesures de stabilisation sont effectuées d’une manière concertée dans un régime de change plus ou moins fixe. Tout ajustement de parité (s’il est permis) nécessite un accord des partenaires. Un régime flottant est caractérisé par un défaut de coordination entre autorités monétaires, puisque les taux de change sont déterminés sur le seul marché des changes. Historiquement, c’est cet

148 inconvénient lié à la flexibilité de change qui a poussé à la création de zones-cibles entre les trois "grandes" monnaies (dollar, yen et mark) dans la seconde moitié des années 1980, impliquant des actions concertées entre les autorités monétaires des trois pays. La mi-stabilité des changes à travers les zones-cibles va dans le sens de réalisation d’objectifs consensuels entre les pays partenaires (Plihon [2001]).

1.2.2. Changes flexibles

A- Indépendance de la politique monétaire

L’absence de discipline monétaire en régime flexible découle de l’absence de la contrainte externe pour la politique monétaire (Aubin et Norel [2000], Frankel [2003]). La politique monétaire devient indépendante en matière de contrôle de la masse monétaire, et par conséquent des taux d’intérêt, à l’inverse des régimes fixes tels que la caisse d’émission ou la dollarisation totale. Une augmentation de l’offre de monnaie par exemple, influence les taux d‘intérêt domestiques dans le sens de la baisse, et permet par conséquent une relance de l’investissement. En parallèle, la monnaie locale se déprécie par suite à la sortie des capitaux due à la baisse des taux d’intérêt, ce qui renforce la compétitivité-prix des exportations et influe sur le revenu positivement (Aubin et Norel [2000]). Le modèle "Mundell-Fleming" illustre l’efficacité de la politique monétaire dans un régime de change flexible (à l’inverse de la politique budgétaire). En l’absence (théorique) de la contrainte d’équilibre externe, le seul objectif en termes d’équilibres devient interne1.

Une autre œuvre de Mundell inspirée de la même logique, fait montrer l’inadaptation des changes fixes à une politique monétaire indépendante dans un contexte de liberté des mouvements de capitaux. Dans son "triangle d’incompatibilité", Mundell exclut la possibilité de concilier trois objectifs en même temps. En fait, choisir l’autonomie de monétaire et la liberté des capitaux nécessite le sacrifice de l’objectif de changes fixes.

D’un point de vue opposé, Miles [1978] remet en cause l’association entre flexibilité des changes et indépendance de la politique monétaire. Selon lui, l’autonomie monétaire sous régimes de flexibilité se base sur l’hypothèse implicite de non substituabilité des monnaies nationales – hypothèse avancée par la théorie monétariste et les premiers modèles de choix de portefeuille pour la détermination des taux de change.

149 Pour Miles [1978], les monétaristes soutiennent l’argument d’indépendance de la politique monétaire sous flexibilité des changes parce qu’ils soutiennent l’hypothèse qu’un tel régime rend l’offre de monnaie indépendante du fait qu’il permet l’absorption des chocs extérieurs. Les autorités monétaires se libèrent donc de la charge d’intervention sur les marchés des changes (et s’occupent seulement de la stabilité interne des prix). L’indépendance de la politique monétaire vis-à-vis de la contrainte externe signifie, par conséquent, une non substituabilité des monnaies, mais seulement du côté de l’offre, note Miles [1978]. Il ajoute que, toutefois, l’évolution de la finance internationale a fait que la demande de monnaies sur les marchés internationaux de capitaux soit parfaitement substituable. Ainsi, les autorités monétaires adoptant des changes flexibles ne sont pas totalement indépendantes, puisque l’offre de monnaie devient contrainte par une demande de monnaies substituables, en plus de l’objectif (monétariste) de stabilité des prix.

B- Seigneuriage et rôle de prêteur en dernier ressort

Le seigneuriage est le droit détenu par l’autorité monétaire d’émettre de la monnaie ayant cours légal. Pour la banque centrale – "seigneur ayant droit" de battre de la monnaie – le seigneuriage permet de s’endenter (à travers l’émission monétaire) sans assumer de coûts financiers. Le seul coût restant est relatif aux frais d’impression de billets, frappe de pièces et fonctionnant de la banque centrale. Cette conception est celle d’un seigneuriage lato sensu. La forme large du concept dépend de la base monétaire qui correspond non seulement aux billets et pièces, mais aussi aux réserves des banques commerciales déposées à la banque centrale (Bourguinat et Dohni [2000]).

Ceci dit, le seigneuriage correspond au caractère discrétionnaire de la politique monétaire qui n’est assurée, pratiquement, que par des changes flexibles. Certaines formes de changes fixes, notamment la caisse d’émission et la dollarisation, font disparaître toute faculté de seigneuriage puisque le pouvoir de création monétaire devient subordonné aux entrées de devises. D’autre part, dans un régime flexible, la banque centrale acquiert un rôle de prêteur en dernier ressort (PDR) pour le système bancaire local. Ceci dépend du degré de capacité de l’institut monétaire à fournir de la liquidité aux banques en difficultés, notamment en cas de déclenchement de crises (Calvo et Mishkin [2003]). Cette capacité plus ou moins importante peut jouer un rôle important pour arrêter la propagation des troubles à l’ensemble du système bancaire et financier. Dans un régime fixe, les autorités monétaires locales se voient démunies de ce rôle (Bourguinat et Dohni [2000]).

150 C- Disparition du besoin de détention des réserves pour défendre la parité officielle

On a constaté plus haut que dans un régime de change fixe, la banque centrale est obligée de détenir des réserves de change pour les utiliser comme moyen d’intervention sur le marché des changes pour défendre la parité officielle en cas de dépréciation du cours commercial (cours du marché). Ainsi, un régime de change flexible fait (théoriquement) disparaître les coûts liés à la détention des réserves (Plihon [2001]).