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2.2 Modélisation de la relation pluie-débit

2.2.1 Classification des modèles pluie-débit

2.2.3 Modèles distribués à base physique . . . 35 2.2.4 Modèles conceptuels à réservoirs . . . 36

2.1 Le bassin versant hydrogéologique en tant que système

2.1.1 Définition du bassin versant

Le bassin versant correspond à l’unité hydrologique au sein duquel les eaux convergent vers un point unique, appelé exutoire. La délimitation du bassin versant se base principalement sur la topographie : le ruissellement est généralement le principal vecteur de transport de l’eau vers l’exutoire. Une partie du ruissellement peut s’infiltrer et suivre un trajet souterrain jusqu’à l’exutoire. L’omission des écoulements souterrains peut conduire à de grandes erreurs dans la compréhension du fonctionnement d’un bassin versant. Cela est d’autant plus important dans l’étude des aquifères karstiques, pour lesquels l’infiltration est le processus prédominant, avec une certaine diversité des processus. Il peut en effet coexister des infiltrations rapides au travers des pertes ou des réseaux de fractures ouvertes ou des infiltration lentes au travers des microfis-sures et de la porosité matricielle des roches carbonatées [Mangin, 1975]. La structure interne particulière des aquifères karstiques en fait des objets d’étude complexes dans la mesure où la répartition spatiale des écoulements peut être fortement impactée par des structures résultant de divers processus mécaniques, physiques et/ou chimiques.

Il existe deux définitions principales pour la notion de bassin versant selon la nature des processus de transport des masses d’eau qui sont pris en compte :

— Lebassin versant topographiqueregroupe l’ensemble des surfaces qui peuvent contri-buer à l’écoulement d’un cours d’eau par ruissellement.

— Lebassin versant hydrogéologique regroupe l’ensemble des formations susceptibles de contribuer à l’écoulement d’un cours d’eau par infiltration puis drainage dans les formations géologiques perméables.

La structure des unités géologiques qui constituent le bassin versant hydrogéologique joue donc un rôle important. Elle conditionne la zone d’alimentation de l’exutoire ainsi que les moda-lités d’écoulements entre un point particulier du bassin versant et son exutoire. La diversité des modes de transport des masses d’eau dans les bassins versants karstiques a pour conséquence la non-linéarité de la relation pluie-débit à l’échelle du bassin versant.

2.1.2 Spécificités des bassins versants karstiques

Nous avons vu dans la partie I les caractéristiques morphologiques et structurales des aqui-fères karstiques. Celles-ci sont à l’origine d’un fonctionnement hydrodynamique complexe. En effet, les aquifères karstiques sont généralement caractérisés par la mise en place d’un réseau de conduits hiérarchisés (forte perméabilité) développé dans une matrice rocheuse fracturée (faible perméabilité) [Mangin, 1975; Bakalowicz, 1995]. Le contraste de perméabilité entre le réseau de conduits et la matrice est suffisamment élevé pour considérer l’aquifère comme un système à double porosité [Warren and Root, 1963; Robineau et al., 2018]. Les réseaux de conduits et les grandes failles assurent la fonction transmissive de l’aquifère, avec des vitesses d’écoule-ment allant de la dizaine au millier de mètres par heure [Ford and Williams, 2007; Worthington

and Soley, 2017]. La matrice rocheuse ainsi que la facturation dans la zone noyée assurent la fonction capacitive de l’aquifère, avec des vitesses de transfert plus lentes. Les contrastes de perméabilité élevés conduisent à une dualité d’infiltration qui peut être diffuse (à travers le sol et la matrice fissurée) ou concentrée (au niveau des pertes ou des gouffres) (Figure 2.1).

Figure 2.1 – Bloc diagramme d’un aquifère de karstique caractérisé par une dualité de recharge (allogénique/autogène), d’infiltration (ponctuelle/diffuse) et de porosité/écoulement (conduits par rapport à la matrice) d’après Goldscheider and Drew [2007].

La spécificité des aquifères karstiques rend quasiment impossible la définition d’un volume élémentaire représentatif (VER). Le VER correspond à la taille du domaine au-dessus de la-quelle les propriétés statistiques d’un milieu poreux peuvent être considérées comme constantes. Cette définition peut être étendue à tous types de domaines hydrologiques (domaines fissurés et domaines karstiques). Contrairement aux aquifères poreux ou fissurés, le VER d’un aqui-fère karstique comprend généralement l’ensemble de l’aquiaqui-fère. La description des processus de transfert de masse d’eau doit alors s’effectuer à l’échelle du bassin versant. Ainsi, la com-préhension du fonctionnement hydrodynamique d’un bassin versant hydrogéologique karstifié suppose une conceptualisation du fonctionnement global du système. Nous avons abordé pré-cédemment la structuration spatiale des aquifères karstiques, avec notamment la différenciation de plusieurs compartiments assurant chacun un rôle spécifique à la fois pour la dynamique des transferts de masse d’eau et pour la signature chimique de ces eaux. Le fonctionnement hydro-dynamique des aquifères karstiques a pu être décrit par différents modèles conceptuels [Plagnes, 1997; Fleury et al., 2007; Juki´c and Deni´c-Juki´c, 2009; Tritz et al., 2011; Mazzilli et al., 2017]. L’étude du fonctionnement hydrodynamique des systèmes karstiques à l’échelle du bassin versant nécessite l’utilisation de méthodes adaptées pour décrire le fonctionnement du bassin. A titre d’exemple, des opérations de traçages artificiels peuvent être réalisées pour déterminer les limites du bassin versant hydrogéologique. Toutefois, les limites du bassin peuvent, dans certains cas, dépendre des conditions hydrologiques [Dreiss, 1983; Hartmann et al., 2013a; Hosseini et al., 2017].

2.2 Modélisation de la relation pluie-débit

«Un système est n’importe quel structure, dispositif, schéma ou procédure, réel ou abstrait, qui met en relation, dans une base de temps donnée, une entrée, une cause, ou un stimuli de matière, d’énergie ou d’information et une sortie, un effet ou une réponse d’information, d’éner-gie ou de matière » [Dooge, 1973]. Un bassin versant peut donc être assimilé à un système : il met en relation un signal d’entrée (c.-à-d. la pluie efficace qui dépend principalement des précipitations et de l’évapotranspiration) avec une sortie (le débit à l’exutoire). La description systémique du bassin consiste alors à établir le lien qui existe entre la pluie efficace et le débit à l’exutoire (Figure 2.2). Un bassin versant est assimilé à un ensemble de caractéristiques qui lui sont propres : (1) la géométrie, (2) les fonction d’entrée et de sortie, (3) les conditions initiales et les conditions aux limites et (4) les états internes [Mathevet, 2005].

En théorie, l’étude systémique peut répondre à deux principaux objectifs :

— laprédiction: les sorties sont inconnues mais le système et les entrées sont connus. Les sorties sont prédites par convolution des données d’entrée avec la fonction de transfert du système.

— l’identification : le système est inconnu mais les entrées et les sorties sont connues. L’étude de la relation entrée-sortie permet d’identifier l’action du système étudié. L’application d’une approche systémique en hydrologie doit le plus souvent se confronter au problème d’identification du système. L’objectif est de caler un modèle capable de reproduire les débits mesurés à partir des variables d’entrée. La structure du modèle obtenu renseigne sur le fonctionnement du système étudié. L’étape d’identification du système nécessite d’avoir accès aux variables d’entrées (pluie efficace), aux variables de sorties (débit à l’exutoire) et dans certains cas aux variables d’état du système (cote piézométrique, état de saturation du sol et chimie des eaux). La performance du modèle est ensuite évaluée par comparaison entre les débits mesurés et les débits simulés (Figure 2.2)

2.2.1 Classification des modèles pluie-débit

Il est possible d’étudier et de modéliser un bassin versant selon deux principales approches [Ficchi, 2017; Mathevet, 2005] :

— uneapproche structuralistequi vise à étudier le bassin dans son ensemble, à partir de l’étude de ses fonctions d’entrée et de sortie.

— uneapproche réductionnistequi vise à décrire et étudier le bassin versant à partir des lois de la physique des écoulements.

Une approche réductionniste consiste à décrire, de la manière la plus exhaustive possible, la distribution des propriétés physiques puis appliquer les équations physiques permettant d’ex-pliquer le fonctionnement hydrologique du bassin. L’applicabilité d’une telle approche est donc fortement contrainte par le rapport entre le niveau d’hétérogénéité des propriétés physiques du bassin et la densité d’échantillonnage à disposition. Dans un contexte homogène, un nombre

res-Figure 2.2 – Représentation du fonctionnement d’un modèle hydrologique Mathevet [2005]

treint de points de mesure peut suffire à définir correctement les attributs physiques à l’échelle du bassin. Lorsque le système à modéliser est fortement hétérogène, il devient compliqué, voire impossible, de traduire correctement la structuration spatiale des propriétés physiques.

Une approche structuraliste commence par une représentation simplifiée du bassin en tant qu’unité de drainage puis tend à complexifier cette représentation afin d’expliquer au mieux son fonctionnement. Ce type d’approche est bien adaptée à l’étude de aquifères karstiques qui, de par leur forte hétérogénéité, nécessitent d’avoir recours à des outils permettant en même temps de simplifier la représentation d’un système et de le décrire dans sa complexité.

Ambroise [1999] propose une classification plus détaillée des modèles utilisés en hydrologie qui différencie les types de modèles suivants :

— déterministes ou stochastiques, suivant la nature des variables, des paramètres et/ou des relations entre eux,

— empiriques ou physiques, selon la nature des relations utilisées ; avec la classe intermé-diaires des modèles conceptuels, reposant sur une certaine conceptualisation du fonc-tionnement du système en conservant des relations empiriques pour le décrire,

— globaux, semi-distribués ou distribués, suivant que le bassin versant est considéré dans l’espace comme une entité homogène, qu’il est divisé en sous unités supposées homo-gènes ou qu’il est finement discrétisé en mailles,

— cinématiques (descriptifs) ou dynamiques (explicatifs), suivant que l’évolution tempo-relle du système est simplement décrite ou mise en relation avec les forces qui la gé-nèrent.

Le cadre général de la modélisation de la relation pluie-débit à l’échelle du bassin versant peut être résumé en cinq étapes principales [Blöschl and Sivapalan, 1995; Refsgaard and Hen-riksen, 2004] : (1) collecter et analyser les données, (2) développer un modèle conceptuel qui décrit les caractéristiques hydrologiques du bassin, (3) traduire le modèle conceptuel en modèles

mathématiques, (4) calibrer les modèles mathématiques sur une partie des données expérimen-tales et (5) valider le modèle sur une autre partie des données.