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1. Généralités et revue bibliographique

1.3. Le pyrobitume: définition géochimique

1.3.2. Classification génétique

Curiale (1986) a adopté une approche différente lorsque il a abordé le problème de la classification des bitumes en mettant l’accent sur leurs origines plutôt que sur leurs caractéristiques physiques, optiques et géochimiques. Bien que ces paramètres satisfassent les critères nécessaires pour la reconnaissance des bitumes lors de l’évaluation d’un gisement, Curiale suggéra qu'une approche plus pragmatique était nécessaire afin de pouvoir utiliser les

bitumes solides, par exemple, pour la corrélation entre l’huile et la roche mère ou bien encore pour estimer la maturité thermique. L'utilisation des biomarqueurs qui permet de relier des bitumes de la même origine met en cause l’application du système de classification conventionnel basé sur des paramètres physiques (solubilité, réflectance, etc.) pour les études de géochimie pétrolière. Curiale précise que dans sa série de bitumes qu'il a rassemblée,

l’analyse des biomarqueurs de la partie extractible de gilsonite et de grahamite provenant des régions différentes indique que ces deux bitumes semblent avoir une même origine du point de vue de leurs précurseurs. Ils se distinguent par une

maturité thermique différente plutôt que par des

précurseurs différents, comme le suggère le classement générique d'Abraham. La même chose est vraie pour le sous-

classement des pyrobitumes. Selon Abraham, la famille des pyrobitumes est composée de plusieurs gisements de bitumes solides bien reconnus (par exemple d'albertite, de wurtzilite, d'impsonite) tous insolubles dans CS2. Il n’y pas d’information concernant le mode de

formation malgré le préfixe «pyro» suggérant une dégradation thermique. Le nouveau système proposé par Curiale (1986) est illustré dans la figure 8. Klubov (1993) a également préconisé le besoin d’une évaluation du système de classification des bitumes solides dérivés du pétrole. Il a proposé un schéma, semblable à celui de Curiale, dont les paramètres sont la thermicité à laquelle le pétrole d’origine à été soumis et le degré de «pyrodestructive bitumenogenesis» (genèse thermique du bitume).

L'utilisation des biomarqueurs est répandue en géochimie organique. Pourtant, la grande majorité de biomarqueurs utilisés sont sensibles aux maturités thermiques basses à modérées (<~1,0%Ro). Les stéranes et des triterpanes sont des indicateurs classiques de maturité

thermique grâce aux changements qu'ils subissent en fonction de la maturité thermique. Ces paramètres sont utiles dans les huiles et les kérogènes jusqu'à des températures correspondant au milieu de la fenêtre à huile (Peters & Fowler, 2002). La caractérisation des bitumes solides par Curiale (Curiale et al. 1983; Curiale, 1986, 1988) est effectuée d’après les résultats

Figure 8. Classement génétique de bitumes solides d’après Curiale (1986).

d’analyse des biomarqueurs. Bharati (1997) a fait remarquer, qu’heureusement, la majorité des bitumes solides qu'il avait étudiés étaient, au moins partiellement, solubles dans le dichlorométhane. Les pyrobitumes étudiés ont fourni des quantités suffisantes de pyrolysat soluble pour l’analyse des biomarqueurs par chromatographie en phase gazeuse-spectrométrie de masse (CG-SM). Dahl et al. (1999) ont récemment proposé l’utilisation des diamondoïdes en tant que biomarqueurs dans les condensats et les huiles à maturité élevée. Ces composants originaux et omniprésents dans les gisements chauds et profonds ont une résistance thermique exceptionnelle (>150°C).

La mise à jour des méthodes de classification des bitumes est permanente. Cette thèse n’a pas pour objectif d'en proposer un nouveau schéma. La caractérisation des bitumes par de nombreux paramètres géochimiques et pétrographiques permet plutôt de relier les familles de bitumes aux différents systèmes de classements précédents. Cette approche s'est révélée puissante pour Jacob (1989) qui a complété les travaux originaux d'Abraham (1945, 1960) et de Hunt (1978) en utilisant les propriétés optiques, à savoir fluorescence, réflectance des hydrocarbures solides, et micro-solubilité, pour corréler et distinguer différents bitumes. On peut examiner la façon dont ces différentes familles de bitumes sont liées.

Selon la première classification des bitumes par Abraham (1945, 1960), les pyrobitumes sont des hydrocarbures solides et insolubles dans les solvants organiques courants. Cette définition était conçue pour l'étude des bitumes dans le cadre de l’industrie des matériaux. Cependant, d’un point de vue de la géochimie organique, ce système générique souffre d'un manque de clarté concernant les mécanismes de structuration et de formation de ces substances bitumineuses (Khavarasi-Khorasani & Michelsen, 1993). Curiale (1986) a défini deux familles globales de bitumes solides: celles engendrées avant la fenêtre à l’huile et celles engendrées après la fenêtre-à-huile (respectivement "pre-oil" et "post-oil"). Les exemples des cas naturels de la première famille sont la wurtzilite et l’albertite. Toutes les deux montrent une solubilité négligeable dans le CS2. Toutefois ces bitumes «précédant l'huile» ne semblent pas être les produits directs du craquage thermique et ne devraient donc pas être considérés comme des «pyro»bitumes. Le précurseur et le mécanisme de formation de la wurtzilite ne sont pas bien connus mais Hunt (1978) a souligné que les bitumes du type wurtzilite se sont formés dans la proximité immédiate d’une roche mère très riche en matière organique. Le précurseur est un liquide visqueux, riche en NSO et composants lourdes, expulsé avant que la roche source ait atteint la fenêtre-à-huile. La formation de wurtzilite se déroule par un mécanisme de polymérisation probablement initié par la formation des radicaux libres de soufres par la rupture des liens C-S dans le précurseur selon Ruble & Philp (1995). Il n'est pas

certain que les roches mères démontrent ce comportement d'expulsion d'une manière générale. La wurtzilite elle-même est le bitume provenant du schiste de Green River de bassin d'Uinta, une roche mère lacustre du type I, dont la matière organique riche en soufre a été déposée dans des conditions fortement réductrices. L'albertite est le nom donné aux bitumes «précédant l'huile» issus de la roche mère lacustre (Type I) du bassin d'Alberta du Canada occidental. Ces deux bitumes « pré-oil » sont différents notamment par leur teneur en soufre. La wurtzilite est riche en soufre (4,6% de poids) tandis que l’albertite contient peu de soufre (0,7% en poids) (Khorasani & Michelsen, 1993). C'est la raison donnée par ces auteurs pour expliquer la réponse thermique différente de ces deux bitumes immatures. Lorsqu'elle est soumise à une hausse de température, l’albertite est assez stable et reste insoluble, tandis que la wurtzilite se décompose en une huile liquide sous l'effet de la rupture des liens C-S. Il est possible qu’un l’échauffement au cours du temps géologique ne provoque pas la décomposition entière de la wurtzilite, mais plutôt l’expulsion de certaines fractions, notamment des composants riches en soufre, ayant pour résultat la formation de l’albertite comme produit résiduel. Cette hypothèse évoque un processus de formation de bitume thermiquement métastable à partir d’un précurseur riche en soufre, susceptible d'une évolution thermique ultérieure. Selon l’histoire thermique du sédiment hôte, ce processus pourrait se produire de façon cyclique ou continue.

L’autre famille de bitumes selon les figure 3figure 6 est celle des bitumes asphaltiques (asphalte, gilsonite, glance pitch (le brai), grahamite). Ces bitumes, d'abord solubles, ont été formés à partir d’un précurseur riche en asphaltènes. Ils ne deviennent insolubles qu'au dessus d'une maturité d’environ 1%Ro lorsque leurs propriétés se rapprochent de celles de

l’impsonite de bas rang (épi-impsonite). La fraction asphaltène a, en général, une teneur assez élevée en composants NSO et un poids moléculaire suffisamment élevé. Elle est cependant soluble dans la phase liquide du pétrole grâce seulement à l’effet peptisant des résines et des aromatiques lourds qui ont un rôle en tant de surfactants. Il est peu clair pourquoi les bitumes « pre-oil » deviennent rapidement insolubles, tandis que les bitumes asphaltiques « post-oil » restent solubles dans des solvants organiques.

Les deux évolutions différentes indiquées sur les figure 3figure 6 sont contraintes par les caractéristiques des dépôts de bitumes connus alors que, théoriquement, les bitumes pourraient évoluer, d'une manière générale, entre les deux chemins tracés dans les figure 3figure 4figure 5, selon leur réflectance, solubilité ou rapport H/C respectivement.