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VI. Le cil primaire

VI.3 Ciliogenèse

Le cil se retrouve dans les cellules quiescentes et en phase G1 du cycle cellulaire. Dans les cellules en division, le cil primaire se résorbe avant la phase S ou pendant la phase G2 du

Figure 24 : Synchronisation de l’assemblage du cil avec le cycle cellulaire. Les cellules en sorties de mitose

ne possèdent pas de cil. Au cours de la phase G0/G1 le centriole père se fixe à la membrane et forme un cil. Pendant la phase S, les centrioles père et fils se dupliquent. Avant la mitose, dans la plupart des cellules le cil est résorbé, ce qui permet à la paire de centriole de se détacher de la membrane et de se déplacer au niveau des pôles de la cellule afin de produire le fuseau mitotique. Le cil est de nouveau généré dans les deux cellules filss en GO/G1. Illustration d’après (Hiroaki Ishikawa et al., 2011).

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cycle cellulaire (Figure 24). Il semble y avoir des interférences entre la formation du cil et la division cellulaire, ainsi une mitose inadéquate peut entrainer une ciliogenèse anormale. Les lignées de cellules cancéreuses très prolifératives n’expriment pas de cils primaires en général, et les cellules qui ne peuvent pas former de cil subissent une division cellulaire inappropriée et une kystogenèse comme c’est le cas de nombreuses ciliopathies connues pour être la cause de kystes rénaux. L’identification d’une variété de voie de signalisation dans ce processus a permis de fournir certaines preuves sur les mécanismes moléculaires associant la ciliogenèse et le cycle cellulaire.

De nombreuses protéines reliées au cil ont été reconnues comme perturbateurs du cycle cellulaire, parmi lesquelles on trouve des médiateurs du désassemblage de l’axonème. La perte de la protéine centrosomale Nde1, qui interagit avec la sous-unité de la dynéine cytoplasmique LC8 engendre une augmentation de la taille du cil et retarde la ré-entrée dans le cycle cellulaire (Kim et al., 2011), alors que la phosphorylation de Tctex-1, une chaine légère de la dynéine cytoplasmique, induit une résorption du cil et favorise l’entrée en phase S du cycle (Li et al., 2011). En plus des sous-unités de dynéine, les kinases Aurora sont particulièrement importantes pour le désassemblage du cil. La perte de la protéine CALK homologue à Aurora prévient le désassemblage du cil chez Chlamydomonas (Pan et al., 2004) et son état de phosphorylation est aussi bien un marqueur de l’absence de cil que de sa taille (Luo et al., 2011; Pan et al., 2004). Aurora A qui est un homologue humain de CALK, a été décrit pour être à la fois nécessaire et suffisant pour le désassemblage du cil primaire dans les cellules hTERT-RPE1 et régule l’entrée en mitose via son rôle dans l’organisation du fuseau mitotique (Pugacheva et al., 2007). Il existe d’autres mécanismes régulant le désassemblage du cil chez Chlamydomonas, comme l’augmentation de l’ubiquitination de certaines protéines du cil incluant la tubuline, la sous- unité de la dynéine IC2, et différentes protéines de signalisation pendant la résorption (Huang et al., 2009). De la même manière, plusieurs protéines de l’axonème sont méthylées au cours du désassemblage du cil (Schneider et al., 2008).

Les kinases NRK ou NEK de la famille des NIMA (never in mitosis) comme Nek8 sont des protéines impliquées dans le contrôle du cycle cellulaire (O'Regan et al., 2007). Plusieurs NRK ont été décrites pour avoir à la fois un rôle dans la progression du cycle cellulaire, et dans la

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régulation du cil (Mahjoub et al., 2002; Parker et al., 2010; Parker and Quarmby, 2003). D’autres NRK/NEK comme Cnk2p favorisent la perte du cil et l’entrée en mitose (Bradley and Quarmby, 2005).

Certaines protéines précédemment identifiées comme des modulateurs du cycle cellulaire influencent la ciliogenèse. On retrouve parmi elles Cdc14b, un antagoniste de Cdk1 qui a un rôle important dans la ciliogenèse et la régulation de la taille du cil chez le poison zèbre (Clement et al., 2011).

La formation du cil primaire dépend de la libération du centriole père, après la cytokinèse, de son rôle de centrosome pendant la division cellulaire. L’ensemble des données récoltées sur les liens existant entre le cycle cellulaire et le cil semble montrer que la séquestration du corps basal par le cil inhibe la progression dans le cycle cellulaire. D’un autre côté, une progression abusive dans le cycle cellulaire peut empêcher la formation du cil en restreignant le corps basal à son rôle de centrosome au cours de la mitose. Cela explique que de nombreuses protéines impliquées dans la progression du cycle cellulaire soient également impliquées dans la ciliogenèse, comme c’est le cas des protéines de la famille NRK/NEK qui régulent ces processus en contrôlant le centrosome et la structure de cil.

Dans certaines cellules de mammifères, l’étape la plus précoce de la ciliogenèse est la fixation d’une vésicule ciliaire au centriole père dont la fixation est assurée par les appendices

Figure 25 : Biogenèse du cil primaire. Ce modèle est dérivé de celui de Sorokin. Il est à

noter ici que la double membrane enveloppe l’axonème avant qu’il atteigne la surface cellulaire. La membrane interne est la membrane ciliaire et la membrane externe va former la poche ciliaire une fois fusionnée à la membrane plasmique. Illustration d’après Rajat Rohatgi et al., 2010.

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distaux (Sorokin, 1962; Sorokin, 1968) (Figure 25). La façon dont cette vésicule acquiert ses spécificités reste à déterminer. On ne sait pas si le centrosome père sélectionne une vésicule qui a des propriétés ciliaires, ou bien s’il impose ces propriétés à une vésicule naïve. Dans certaines cellules, le corps basal lié à la vésicule ciliaire va migrer à la membrane plasmique des cellules. Cette étape dépend du cytosquelette d’actine et de certains composants associés à la zone de transition comme MKS1 et MKS3 (Dawe et al., 2007; Lemullois et al., 1988). La formation du cil se poursuit par une élongation intracytosolique de l’axonème provoquant l’invagination de la face inférieure de la vésicule ciliaire, dont la surface augmente au fur et à mesure à l’aide de vésicules ciliaire secondaire. Cet allongement se poursuit jusqu’à la fusion de la face supérieure avec la membrane plasmique pour créer la membrane ciliaire, et ainsi exposer le cil primaire au milieu extracellulaire. Cette étape n’est pas conservée dans d’autres types cellulaires comme dans les cellules multiciliées ou épithéliales, où l’interaction directe du corps basal avec la membrane plasmique précède l’élongation de l’axonème (Dawe et al., 2007). Dans les deux cas le cil acquiert une zone ayant les mêmes caractéristiques qu’une zone de transition le long de l’axonème en croissance et de la membrane ciliaire. Une fois la membrane ciliaire formée l’axonème subit une forte croissance produisant une importante extension de la membrane ciliaire dans le milieu extracellulaire. Ce modèle proposé par Sorokin en 1968 reste encore à confirmer, mais il reste largement accepté par la communauté scientifique et sert de base à de nombreux travaux (Sorokin, 1968).

La perte d’une protéine ou plus, associée à la zone de transition peut engendrer des problèmes de migration du centriole ou de fixation de la membrane dans les cellules de mammifères et chez le nématode C. elegans, ce qui tend à impliquer fortement les protéines de la zone de transition dans la ciliogenèse précoce (Williams et al., 2011). Différentes équipes ont pu montrer que ces protéines de la zone de transition forment un complexe supramoléculaire dont la nature et l’ultrastructure commencent à peine à être comprises en terme de génétique et de protéomique (Chih et al., 2012; Garcia-Gonzalo et al., 2011; Sang et al., 2011; Williams et al., 2011). Les preuves de l’implication de ce « super complexe » viennent d’observations montrant une perturbation importante des ponts Y après l’élimination de plusieurs paires de protéines de la zone de transition chez C. elegans ou de la protéine centrosomale CEP290 chez

67 Chlamydomonas (Huang et al., 2011; Sang et al., 2011; Williams et al., 2011). En plus de leur rôle

structurel potentiel, les protéines de la zone de transition peuvent interagir avec des protéines transmembranaires (Garcia-Gonzalo et al., 2011; Huang et al., 2009; Sang et al., 2011; Smith et al., 2006; Valente et al., 2010; Weatherbee et al., 2009; Williams et al., 2011), ce qui pourrait leur conférer des fonctions telles que des interactions avec la machinerie de transport vésiculaire, la fusion de la vésicule ciliaire avec la membrane plasmique et faciliter l’ancrage du corps basal à la membrane en sécurisant la connections des ponts Y à celle-ci.

Une fois la croissance du cil terminée, le cil reste une structure fortement dynamique. En effet, le sommet du cil est en permanente polymérisation et dépolymérisation. La taille du cil ne variant pas signifie que la balance entre la polymérisation et la dépolymérisation est à l’équilibre (Marshall and Rosenbaum, 2001). Le sommet du cil a donc un besoin important d’incorporation de nouvelles tubulines pour contre balancer la dépolymérisation (Song and Dentler, 2001). Les protofilaments composants chaque doublet de microtubules ont leur extrémité « plus » orientée vers le sommet du cil. Par conséquent la dépolymérisation des microtubules au sommet du cil ne semble pas être un processus spontané, mais être un processus actif dans lequel le moteur moléculaire Kinésine 13 semble être impliqué (Blaineau et al., 2007; Dawson et al., 2007; Piao et al., 2009).