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Les coupes relevées par Frédéric Bazile lors de ses fouilles ont permis de préciser et surtout de dater la séquence wurmienne de la Salpêtrière. La séquence chrono-stratigraphique de la Salpêtrière est la plus complète pour le Paléolithique supérieur en Languedoc et vallée du Rhône. Les fouilles menées par Frédéric Bazile ont permis d'atteindre les niveaux salpêtriens anciens dans le secteur Porche-centre – niveau 6b et dans le secteur Porche-est – niveau d.

1/ - Le remplissage de la Salpêtrière

L’étude du remplissage de la Salpêtrière fut réalisée en collaboration avec Philippe Guillerault, au début des années 1980. L’étude s’intégrait dans une démarche largement pluridisciplinaire.

Les auteurs ont participé à l’intégralité des fouilles et l’étude repose sur un échantillonnage multiple au sein de la cavité, tenant compte des nombreuses variations latérales de faciès. Elle a également tenu compte du contexte local, de l’encaissant, de la géomorphologie locale et micro-régionale et enfin des conditions micro-climatiques.

La coupe stratigraphique la plus complète de la Salpêtrière a été obtenue dans la zone centrale, à l’aplomb du porche. L’étude des sédiments permet d’y définir douze ensembles

Chapitre II : Le Salpêtrien ancien - 1ère partie : La grotte de la Salpêtrière

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L’ensemble 1 à la base (C17), reposant sur l’Urgonien gélivé, correspond à un cailloutis

cryoclastique dont les éléments atteignent souvent 30 cm de longueur. Il est attribuable à une phase très froide et humide. Une corrosion chimique des éléments grossiers et un enrichissement en CaCO3 permettent d’envisager postérieurement à ce dépôt une pause dans la sédimentation détritique grossière.

L’ensemble 2 (C 16) s’individualise par la rareté des éléments grossiers et un enrichissement

en granules : les actions de gélivation sont faibles, on note au sommet une légère éolisation.

L’ensemble 3 (C 15 à 14a) montre une reprise du cryoclastisme avec une action éolienne

faible. Dans le détail, la couche 15, séparée de la couche 14 par un léger ravinement, présente des éléments grossiers de taille légèrement supérieure. La couche 14a est enrichie en galets fluviatiles consécutivement à une longue phase d’alluvionnement du Gardon. Elle a livré l’Aurignacien ancien daté de 28 180 ± 1 000 B.P. (LY 1804).

Les ensembles 4 (C13 c3 à C13 cl), 5 (C13 b3 à C13 b2), 6 (C13 bl) et 7 (C13a) sont tous

caractérisés par la présence de galets du Gardon (20 à 50 % ). Les ensembles 5 et 7 présentent un cryoclastisme net quoique moins marqué que celui de l’ensemble 3. Les ensembles 4 et 6 témoignent d’une baisse notable des actions du gel. Des apports d’argiles du karst pourraient indiquer un accroissement de l’humidité.

L’ensemble 8 (C12, 11 et 10b), correspondant également à des niveaux de crue du Gardon,

est difficile à interpréter en l’état des travaux, sans repère chronologique précis. Il s’agit d’un ensemble sablo-limoneux traduisant une diminution de la compétence de l’agent fluviatile, peut-être simplement liée à une fin de crue.

L’ensemble 9 (C10a à C8) se distingue par des actions éoliennes et un cryoclastisme

relativement faible, traduisant des conditions climatiques froides et sèches. Ces niveaux ont livré des industries du Solutréen inférieur et moyen.

L’ensemble 10 (C7 à 6a), séparé du précédent par un ravinement, montre une éolisation

moindre et des actions de gélivation un peu plus poussées. On peut y voir le résultat d’un climat froid et encore sec. Cet ensemble contient des industries du Salpêtrien ancien, datées dans la couche 6b, de 19 165 ± 200 B.P. (moyenne des dates MC 2083 / 2168).

L’ensemble 11 (C5 à C3) semble devoir être subdivisé en deux sous-ensembles, en raison

d’une lacune probable entre les niveaux 4 et 5. Cette lacune est suggérée par les données radio-chronologiques et par un net enrichissement en sédiment allochtone (galets et granules) déposé par le Gardon. Globalement, on remarque pour les deux sous-ensembles une diminution des actions éoliennes et un fort accroissement de la gélivation, caractéristiques de conditions climatiques froides et surtout humides. La couche 5 a fourni une série pauvre encore attribuée au Salpêtrien ancien (17 950 ± 600 B.P., MC 2167), tandis que les couches 4 et 3 ont livré du Salpêtrien "supérieur". La couche 3 est datée de 13 000 ± 100 B.P. (MC 919).

Figure 7 : Grotte de la Salpêtrière.

Coupe stratigraphique du secteur porche-centre (Bazile, 1980).

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L’ensemble 12 (C2a et C2b) marque le retour à des conditions nettement plus modérées.

L’action du gel est faible et l’éolisation peu marquée. Une forte migration des carbonates en 2b, principalement sous la forme de nodules gréseux, traduit ici une pause dans la sédimentation détritique grossière. Postérieurement, le retour à des conditions froides et humides serait attesté par des cailloutis cryoclastiques, ayant livré le Magdalénien supérieur à harpons, conservés à l’état de témoin concrétionné contre la paroi est.

Le Salpêtrien qui, pour sa phase ancienne du moins, peut être considéré comme un véritable Episolutréen, inaugure donc un nouveau stade froid et sec correspondant au début de l’ancien Würm IV.

Rien dans le sédiment, les faunes de gros mammifères ou de rongeurs, n’indique ici des conditions plus humides et/ou plus tempérées. Le chamois, seulement représenté au Salpêtrien ancien (couche 6b et niveau d), ajoute même une note plus froide. Le froid et la sécheresse sont encore plus accusés que précédemment, le cryoclastisme est limité et les actions éoliennes marquées.

La végétation garde son caractère microtherme héliophile avec néanmoins une diminution progressive des taxons à affinités continentales, tel le bouleau, durant le Salpêtrien ancien jusqu’environ 17 000 B.P. En parallèle, un accroissement régulier de l’humidité, sensible dans la reprise du cryoclastisme, amorce un basculement dans le régime du climat vers une tendance plus méditerranéenne (déplacement de la saison humide de l’été vers l’hiver). Ainsi se trouverait matérialisé en Languedoc le début du Tardiglaciaire.

2/ - Datation du Salpêtrien ancien

A la Salpêtrière, le Salpêtrien ancien qui coiffe la séquence solutréenne a fourni un ensemble de dates cohérentes :

- couche 6 du porche centre :

- LY 939 : 18 880 ± 300 B.P. (fouilles Escalon) - MC 2083 : 18 800 ± 300 B.P. (fouilles Bazile) - MC 2168 : 19 530 ± 270 B.P. (fouilles Bazile)

- (moyenne des dates MC 2083/MC 2168 : 19 165 ± 200 B.P.). - couche d du porche Est :

- MC 2084 : 18 500 ± 240 B.P. (fouilles Bazile) - MC 2186 : 19 440 ± 500 B.P. (fouilles Bazile)

- (moyenne des dates MC 2084/MC 2186: 18 970 ± 280 B.P.)

La couche 5 sus-jacente contenait également du Salpêtrien ancien. La datation a donné un résultat plus récent conformément à sa position stratigraphique :

- MC 2167 : 17960 ± 600 B.P. (fouilles Bazile) Les couches 4, 3 et 2 ont livré du Salpêtrien supérieur.

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