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Choix du modèle biologique

3) Problématique et objectif de la recherche 3.1 Problématique 3.1 Problématique

3.2 Choix du modèle biologique

Le cheval fait partie des espèces domestiques devant faire face à des conditions de vie indéniablement déterminées par les choix et actions des humains qui les entourent, impliquant des restrictions à plusieurs niveaux (e.g. alimentaires, spatiales, sociales), et bien souvent en inadéquation avec ses propres besoins. De nombreux travaux ont déjà démontré les conséquences potentiellement délétères de cette situation sur son état de bien-être (e.g. Lesimple et al., 2016b). Or une altération de l’état chronique est dommageable à différents

niveaux et peut conduire à une baisse de la fertilité (Benhajali et al., 2014), mais aussi des capacités cognitives (Hausberger et al., 2007; Parker et al., 2008), particulièrement attentionnelles (Rochais et al., 2016a, 2016b), et donc des performances. Par ailleurs, un état de mal-être augmente les risques d’accidents au travail (Fureix et al., 2010b; Lesimple et al., 2011; von Borstel et al., 2009). Il est donc temps d’optimiser l’utilisation du cheval en favorisant des situations perçues positivement par l’individu et qui permettront d’améliorer à la fois son état

chronique mais également les relations qu’il entretient avec l’homme.

A l’image de la littérature concernant les autres espèces, trop peu d’études ont tenté de mettre en évidence des indicateurs d’émotions positives chez le cheval et de même, parmi les

propositions déjà évoquées, beaucoup d’ambiguïtés existent.

-Indicateurs physiologiques

Une baisse du rythme cardiaque a par exemple été observée à la suite d’une imitation par l’homme de toilettage mutuel (i.e. grattage au niveau du garrot) (Normando et al., 2003; Stewart et al., 2011) ou en phase postprandiale (Ninomiya et al., 2007), interprétée alors par les auteurs comme un état de relaxation. Cependant, à l’inverse une augmentation du rythme cardiaque a été relevée dans une situation d’anticipation alimentaire, situation pourtant présentée par les

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26 auteurs comme source d’émotions positives (Peters et al., 2012). Par ailleurs, l’utilisation de la thermographie à infrarouge a conduit à des résultats contradictoires concernant l’activation du

système nerveux autonome : une augmentation de la température de l’œil a été notée après une

imitation de toilettage mutuelle (Stewart et al., 2011) mais également à la suite d’un

entrainement stressant (Hall et al., 2011). Une étude a par ailleurs récemment montré qu’un

taux anormalement bas de cortisol était un signe de mal-être (Pawluski et al., 2017). Enfin une

diminution du taux d’ocytocine a été observé chez des individus à la suite de plusieurs sessions

de grattages qualifié de « doux » en comparaison à un groupe de chevaux recevant des grattages plus sévères (Lansade et al., 2018).

-Indicateurs comportementaux et posturaux

La caractérisation des expressions faciales est un sujet de recherche en vogue également chez le cheval (e.g. Wathan et al. 2015). Cependant à l’heure actuelle, uniquement des traits

exprimant des émotions négatives telle que la douleur ont été mis en avant (Dalla Costa et al., 2014; Gleerup et Lindegaard, 2016; Mullard et al., 2017; van Loon et Van Dierendonck, 2015). Cependant une étude très récente a caractérisé les expressions faciales de chevaux lors de grattages visiblement appréciés. Les auteurs ont alors relevé une élévation modérée de

l’encolure, des yeux mi-clos, un allongement de la lèvre supérieure et des oreilles pointées en arrière presque en ligne avec le nez (Lansade et al., 2018). Cependant ces expressions n’ont été mesurées que lors d’une seule session et mériteraient d’être répétées afin de pouvoir tirer de

réelles conclusions.

La position des oreilles constitue un élément indispensable de la communication visuelle chez le cheval (Waring, 2003; Weeks, 1996), reflétant par conséquent l’état affectif de l’animal. Si

les oreilles pointées vers l’avant peuvent être observées lorsqu’un cheval est attentif à une

stimulation distante (Rochais et al., 2017a), voire en état d’alerte (Waring, 2003), elles sont

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en alimentation (Waring, 2003), en observation calme de l’environnement (Rochais et al., 2016a) ou en interactions positives avec des congénères (McDonnell et Poulin, 2002; Waring, 2003). Par ailleurs, de nombreuses études ont révélé qu’une position avant des oreilles était particulièrement associée à une perception positive de l’homme, caractérisée par des comportements d’approche et d’investigation, suite à l’utilisation de renforcements positifs par exemple (e.g. Hausberger et al. 2008; Sankey et al. 2010c; Ali et al. 2016).

De nombreuses croyances sont véhiculées à la fois dans le milieu équin mais aussi dans la

presse concernant les caractéristiques comportementales d’un cheval « joyeux ». La présence de jeu fait partie de ces idées auxquelles les utilisateurs s’attachent à associer à un état

émotionnel positif. Cependant cette hypothèse est contestée par certains auteurs. En effet, des études ont révélé que les chevaux adultes qui jouaient souffraient de stress chronique et exprimaient des comportements stéréotypiques (Blois-Heulin et al., 2015; Hausberger et al., 2012).

En ce qui concerne les comportements affiliatifs tels que le toilettage mutuel, il semblerait

qu’il augmente au sein d’un groupe en cas d’instabilité sociale (Sigurjonsdottir et al., in prep).

Par ailleurs, il est intéressant de noter qu’il ne représente que 5% du budget temps du cheval en

conditions naturelles (Boyd et al., 1988; Waring, 2003). Christensen et al. (2002) ont en effet constaté une augmentation de ces comportements mais aussi du jeu chez des étalons, précédemment privés de contacts sociaux, au moment de la remise en contact avec des congénères. Selon les auteurs, ces observations inhabituelles seraient attribuables à un « effet rebond » des suites des privations sociales.

Peu d’évidences de latéralité comportementale en réponse à des émotions positives ont été

démontrées chez le cheval, si ce n’est que Basile et al (2009) ont observé une prévalence de

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Chez le cheval, des différences spectrales ont été par exemple constatées dans certaines

vocalisations dans des contextes considérés comme positifs (i.e. anticipation de nourriture) ou négatifs (i.e. séparation entre une jument et son poulain) (Pond et al., 2010). Inversement, la production vocale pourrait induire un certain apaisement : la production d’hennissement chez des étalons a été corrélée à une diminution du rythme cardiaque, permettant alors aux individus

de retrouver l’homéostasie (Lemasson et al., 2015). Certains paramètres acoustiques pourraient

aussi être associés à un état émotionnel positif, tels qu’une diminution de la durée ou encore de la fréquence fondamentale moyenne des hennissements (Briefer et al., 2015a). Dans une étude détaillée des vocalisations des ongulés, Kiley (1972) a proposé un gradient acoustique, incluant à la fois des signaux vocaux et non-vocaux, selon l’intensité de l’état interne des individus. Ce

gradient allait des soupirs aux longs hennissements en passant par les nickers, associés à des situations positives.

Aujourd’hui une seule étude a tenté de caractériser les comportements d’anticipation chez le cheval. Dans cette étude, les chevaux semblaient montrer une augmentation globale de

l’agitation (i.e. nombre important de transitions comportementales) et également des comportements stéréotypiques pour certains individus (Peters et al., 2012). En effet, la phase de nourrissage des chevaux en écurie est le meilleur moment pour observer des comportements stéréotypiques (Fureix et al., 2011a; McGreevy et al., 1995, Mills 2005). Par ailleurs une étude

a montré dans cette même situation l’expression conjointe de bâillements et comportements

stéréotypiques (Fureix et al., 2011a), le bâillement étant un signal ambigu pouvant exprimer de la frustration (Tinbergen, 1952). Davantage d’études à ce sujet sont donc nécessaires pour

clarifier la valence de cette situation.

-Indicateurs cognitifs

Löckener et al (2016) ont démontré que des juments au préalable isolées en box individuels, présentaient un biais de jugement optimiste une fois mises au pré en groupe avec des

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congénères. Henry et al (2017) ont par ailleurs mis en évidence que des chevaux en état de bien-être étaient plus optimistes que des individus en mal-bien-être. Cependant, il semblerait que

l’interprétation de biais de jugement ne soit pas toujours si simple et que la motivation envers une récompense joue un rôle important lors du test. En effet, Briefer-Freymond et al (2014) ont

mis en évidence un biais de jugement « optimiste » chez des juments entrainées à l’aide de

renforcement négatif (i.e. arrêt d’une pression sur le flanc à l’aide d’un stick). Parmi les

différentes hypothèses pouvant expliquer ce résultat inattendu, les auteurs ont proposé que ces juments montraient probablement une plus grande motivation à obtenir de la nourriture comparée aux juments ayant été récompensées par de la nourriture tout au long de leur traitement (i.e. renforcement positif). Une augmentation de l’attention a été par ailleurs observée avec l’utilisation de renforcement alimentaire lors d’un entraînement et globalement, l’engagement attentionnel (observation calme de l’environnement) est plus important chez des

chevaux en bon état sanitaire (Rochais et al., 2014). Un état attentionnel calme (aussi associé à des oreilles plus en avant) pourrait donc en tant que tel constituer un indicateur potentiel

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3.3 Objectifs de l’étude

Cette étude, tournée autour d’un seul et unique axe, s’est focalisée sur la validation et l’identification d’indicateurs d’émotions positives chez le cheval.

Considérant les différentes ambiguïtés évoquées autour des comportements d’anticipation, pourtant majoritairement utilisés dans la littérature comme situations d’expression d’émotions positives, nous avons tout d’abord décidé d’analyser cette situation en détails afin d’en clarifier

sa valence.

(i) Une première étude a ainsi été réalisée en centre équestre. Des observations de la situation

d’anticipation alimentaire de routine ont été conduites. Après avoir défini les différents comportements exprimés au cours de cette période, nous avons étudié l’impact de différents

facteurs (e.g. présence de foin, rang de nourrissage, état de bien-être) pouvant moduler leur expression (article 1).

Le cheval constitue ainsi un très bon support pour tenter de surmonter les difficultés décrites précédemment concernant la mesure des émotions positives. Par ailleurs, des différences de bien-être ont déjà été établies entre des chevaux vivants dans des conditions plus ou moins favorables, associées à des comportements et postures caractéristiques (Henry et al., 2017). Ainsi l’étude de différents panels de populations permettra d’identifier clairement chez

cette espèce des individus plus ou moins enclin à ressentir des émotions positives.

Enfin, pouvoir identifier les états émotionnels des chevaux ainsi que les contextes qui les induisent pourrait être un moyen de mieux informer les propriétaires quant aux restrictions environnementales et interactions homme-animal négatives auxquelles ils exposent leurs chevaux par leur gestion quotidienne (Hötzel et al. 2018).

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(ii) Dans une seconde étude expérimentale, nous avons tenté de caractériser le déclenchement

de l’anticipation et de tester l’impact de l’imprédictibilité sur le comportement des chevaux

(article 2).

Dans un second volet, nous nous sommes particulièrement intéressés aux liens existants entre attention et émotion.

(i) Grâce à l’utilisation d’un casque EEG permettant de mesurer les ondes cérébrales des chevaux éveillés et en mouvement, nous avons tout d’abord tenté de caractériser des profils neurophysiologiques selon l’attention portée vers des stimuli de différentes valences (article 3).

(ii) Puis, considérant l’impact des facteurs intrinsèques sur les caractéristiques attentionnelles, nous avons tenté de caractériser les variations des paramètres attentionnels selon l’état de bien -être des individus (article 4).

Enfin dans une dernière partie nous nous sommes focalisés sur l’utilisation des signaux

acoustiques, et plus particulièrement les sons non-vocaux, comme indicateurs d’émotions

positives.

(i) Au cours de notre première étude, nous avons essayé de définir les contextes préférentiels de production des ébrouements. Puis nous avons analysé le lien potentiel entre production

d’ébrouements et état de bien-être (article 5).

(ii) Au cours d’une second étude, nous avons particulièrement étudié les liens entre contexte de production et variations des paramètres acoustiques des ébrouements (article 6).

(iii) Enfin, la production d’ébrouements a été analysée au cours de sessions d’équitation. L’accent a été mis particulièrement sur les positions des cavaliers et postures des chevaux

associées à la production d’ébrouements (article 7).

Chapitre 1 – Introduction / Chapter 1 - Introduction

Chapitre 2 – Méthodologie générale / Chapter 2 - Methodology

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Chapitre 2