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Chapitre I : Synthèse bibliographique et contexte de la thèse

4. Identification des matériaux de sous-couche

4.3. Choix des matériaux de sous-couche pour une utilisation à 1400°C

ne doit plus contenir de silicium libre. Un autre matériau pouvant être utilisé à 1400°C tout en étant compatible au CMC SiC/SiC et à la couche supérieure de l’EBC doit être identifié. Afin de l’identifier, il est nécessaire de comparer les propriétés des différentes familles de matériaux réfractaires (siliciures, carbures, borures, nitrures, oxydes) aux critères préalablement définis dans le cahier des charges.

4.3.1. Les siliciures

Les siliciures semblent être des candidats évidents de substitution au silicium. Les disiliciures en particulier ont des températures de fusion élevées (Tf > 1400°C) et sont stables chimiquement avec SiC. Selon la nature du métal (M), les disiliciures peuvent former soit de la silice seule soit un oxyde mixte SiO2-MxOy (mélange ou silicate). Ceci dépend de plusieurs facteurs tels que l’affinité du métal pour l’oxygène, la diffusivité du silicium dans le siliciure et de l’oxygène dans l’oxyde, mais aussi de la pression de vapeur de l’oxyde [Kurokawa et al., 2007]. TaSi2, NbSi2, TiSi2, ZrSi2 et HfSi2 forment un oxyde mixte MO (avec M = métal) et SiO2 selon la réaction :

𝑥 𝑀𝑆𝑖2(𝑠) + (2𝑥 +𝑦

2) 𝑂2(𝑔) = 𝑀𝑥𝑂𝑦(𝑠) + 2𝑥 𝑆𝑖𝑂2(𝑠) Équation I.14 Lorsque les oxydes formés possèdent des pressions de vapeur élevées (cas de MoO3 et WO3) l’évaporation de ces oxydes à haute température laisse en surface du disiliciure une couche d’oxyde uniquement constituée de silice. Certains disiliciures (comme CrSi2) forment des structures bicouches (silice/oxyde du métal) [Samsonov et al., 1974 ; Kurokawa et al., 2007]. Un siliciure formant un composé défini avec la silice devrait être préférentiellement choisi pour stabiliser la silice en la liant chimiquement à un autre oxyde. Les oxydes formant un composé défini avec la silice et ne possédant pas de transformation allotropique sont identifiés dans le Tableau I.9 : Al2O3, HfO2, Y2O3. Al2O3 est écarté puisqu’il n’existe pas de siliciure dans le diagramme de phase Si-Al. HfO2 et Y2O3 sont formés

HfO2 formant HfSiO4 selon l’Équation I.17 [Tsunoura et al., 2018]. L’Équation I.17 s’accompagnant d’une contraction volumique d’environ 20 %, une structure poreuse est formée. Un comblement de ces pores par écoulement visqueux de la silice et HfSiO4 est attendu. La cinétique d’oxydation est alors parabolique, contrôlée par la diffusion de l’oxygène à travers la couche d’oxyde. Elle est 102 à 104 fois supérieure à celle du Si. Les différences de CET entre la couche d’oxyde et le siliciure génèrent des contraintes thermiques importantes (3 GPa) provoquant la délamination de la couche d’oxyde voire une rupture des échantillons à 1200°C.

𝐻𝑓𝑆𝑖2(𝑠) + 𝑂2(𝑔) → 𝐻𝑓𝑂2(𝑠) + 2 𝑆𝑖(𝑠) Équation I.15

𝑆𝑖(𝑠) + 𝑂2(𝑔) → 𝑆𝑖𝑂2(𝑠) Équation I.16

𝐻𝑓𝑂2(𝑠) + 𝑆𝑖𝑂2(𝑔) → 𝐻𝑓𝑆𝑖𝑂4(𝑠) Équation I.17

Des tests d’oxydation sous air à 1000 et 1200°C des siliciures d’yttrium ont démontré la formation rapide d’une couche d’oxyde non protectrice Y2O3 et un rejet de Si libre (Équation I.18) [Golden et al., 2018]. Des phases oxydes minoritaires Y-Si-O, MSY, DSY et SiO2 sont également présentes à la surface et sous la surface des échantillons.

2 𝑌𝑆𝑖2(𝑠) +3

2𝑂2(𝑔) → 𝑌2𝑂3(𝑠) + 4 𝑆𝑖(𝑠) Équation I.18 Ces tests ont mis en évidence une faible résistance à l’oxydation des disiliciures d’yttrium due à la formation rapide d’une couche peu protectrice d’oxyde de terre rare Y2O3. Ce comportement est généralisable à l’ensemble des disiliciures de terre rare. Les oxydes RE2O3 ont des perméabilités à l’oxygène élevées (> SiO2) et leur formation est thermodynamiquement favorisée par rapport aux silicates de terre rare. La variation de volume liée à la formation de RE2O3 à partir de siliciures de terre rareest certes inférieure à celle liée à la formation de SiO2 à partir de Si (ΔV ≈ 47 % lors de la formation de Y2O3 à partir de YSi2 contre 114 % lors de la formation de SiO2 à partir de Si) mais la cinétique d’oxydation du disiliciure de terre rare est largement supérieure à celle du silicium. Les changements volumiques associés à la croissance rapide de RE2O3 génèrent des contraintes importantes au sein du système provoquant l’apparition de fissures dans la couche d’oxyde : l’oxyde formé n’est pas protecteur. Ces fissures constituent des chemins préférentiels d’accès des espèces oxydantes, accentuant l’oxydation. Tout comme pour HfSi2, certains échantillons éclatent totalement. Le silicium étant un produit d’oxydation, la température d’utilisation des disiliciures d’yttrium est limitée à la température de fusion du silicium. Dans ce scénario d’oxydation, les coefficients d’expansion thermique élevés des oxydes de terre rare (CET = 7 à 15 x 10-6 °C-1) pourraient être problématiques en cas d’introduction des siliciures de terre rare en tant que sous-couche d’un système EBC.

De façon générale, les disiliciures possèdent des CET élevés (> 8 x 10-6 °C-1), des cinétiques d’oxydation accélérées par rapport au Si et peuvent dans certains cas former des couches d’oxyde possédant des CET élevés. Ces matériaux ne seront donc pas retenus.

4.3.2. Les carbures

Contrairement aux disiliciures, la plupart des carbures ont des coefficients d’expansion thermique moyennement élevés (< 10 x 10-6 °C-1), voire faibles < 6 x 10-6 °C-1 pour certains (SiC, HfC et B4C) [Warlimont, 2005]. Toutefois, les carbures présentent de nombreuses contre-indications à une utilisation en tant que sous-couche. Les cinétiques d’oxydation de plusieurs carbures (HfC, ZrC, TiC, B4C …) sont linéaires à haute température sous air sec en raison de la fissuration et de la délamination de la couche d’oxyde. Les carbures peuvent en outre former à basse température des couches intermédiaires d’oxycarbures MCxOy pouvant créer des fissurations du fait des variations volumiques ou des différences importantes de CET. Les carbures génèrent enfin par oxydation un produit gazeux (CO et CO2) suivant les réactions :

M𝑥C 𝑧(s) + ( 𝑦 2+ z 2) O2(g) = M𝑥O𝑦(s) + 𝑧 𝐶𝑂(g) Équation I.19 M𝑥C 𝑧(s) + ( 𝑦 2+ z) O2(g) = M𝑥O𝑦(s) + 𝑧 𝐶𝑂2(g) Équation I.20 Seul SiC, matériau du CMC est envisageable comme constituant de la sous-couche. SiC s’oxydant en SiO2, sa cinétique d’oxydation est parabolique sous air. Afin de limiter la formation d’espèces gazeuses et de lier SiO2 dans un composé, des systèmes SiC avec ajouts pourront être sélectionnés.

4.3.3. Les borures

Les borures possèdent des CET moyennement élevés (< 10 x 10-6 °C-1), voire faibles (< 6 x 10-6 °C-1) pour les diborures des métaux du groupe IV (M=Ti, Zr, Hf) [Samsonov et al., 1977 ;

Warlimont, 2005]. Le principal avantage de l’utilisation de borures au sein de la sous-couche est l’amorphisation de l’oxyde par formation d’un verre borosilicate. Cependant, l’oxyde de bore formé au cours de l’oxydation des diborures (voir Équation I.21) est liquide dès 460°C et sensible à la volatilisation.

𝑀B2(s) +5

2 O2(𝑔) = MO2(s) + 𝐵2𝑂3(l) Équation I.21 Or, la présence d’un composé liquide à l’interface TGO/couche supérieure doit être évitée. Peu de données thermodynamiques sont disponibles sur le système Y2O3-SiO2-B2O3. La teneur en bore doit vraisemblablement être limitée afin de ne pas risquer d’abaisser la viscosité des oxydes passivant et d’accélérer considérablement la cinétique d’oxydation de la sous-couche et afin de limiter la potentielle réactivité avec la couche supérieure. Des systèmes de sous-couche 100 % borures ne sont pas envisageables, mais les borures peuvent être introduits comme ajouts (par exemple HfB2).

4.3.4. Les nitrures

Les nitrures ont des CET moyennement élevés (< 10 x 10-6 °C-1), voire faibles (< 6 x 10-6 °C-1) pour certains (HfN, Si3N4, TaN, AlN…) [Warlimont, 2005]. Comme les carbures, ils présentent l’inconvénient de s’oxyder en formant une espèce gazeuse (N2) selon l’équation :

M𝑥N𝑧(s) + 𝑦

2 O2(g) = M𝑥O𝑦(s) + 𝑧

2 𝑁2(g) Équation I.22

Les phénomènes de décomposition et de dénitruration à haute température de ces matériaux peuvent rendre leur élaboration difficile. Toutefois, les nitrures sont la seule famille de matériaux permettant l’introduction d’aluminium au sein du système. AlN a un faible coefficient d’expansion thermique (5,3 x 10-6 °C-1) [Warlimont, 2005]. Aux températures visées, il possède sous air une cinétique d’oxydation parabolique et sous air humide une cinétique d’oxydation accélérée et linéaire inadaptée à l’utilisation en tant que sous-couche [Opila et al., 1998]. Le SiAlON, une solution solution solide à base d’alumine et de nitrure de silicium présente un intérêt majeur en tant que sous-couche du fait de son excellente compatibilité thermomécanique avec SiC et DSY (CET = 3,04 x 10-6C-1) [Jack, 1986]. Sa cinétique d’oxydation est plus complexe à analyser. Certains auteurs relèvent des déviations par rapport au comportement parabolique et adaptent la loi parabolique en loi arctangente (voir Annexe 2). Les constantes paraboliques dépendent de la nature du SiAlON (α ou β) et de la terre rare ajoutée en dopant

comportement en oxydation de ces matériaux lorsqu’ils sont revêtus par une EBC. Ce matériau sera testé en tant que sous-couche et sa cinétique d’oxydation humide sera comparée à celle du silicium. Il permettra de comprendre l’influence de la formation d’espèces gazeuses sur la tenue des EBC.

4.3.5. Les oxydes

Une sous-couche ne peut pas être constituée à 100 % d’oxydes ou de silicates de terre rare. Même en sélectionnant un oxyde ou un silicate possédant une faible perméabilité aux espèces oxydantes, les espèces oxydantes diffuseront à travers ces matériaux et entraîneront la formation de silice à l’interface oxyde/CMC. Toutefois, ces matériaux peuvent être utilisés en mélange avec un ou des matériaux réactifs vis-à-vis de l’oxygène. En réalisant des mélanges SiC-HfO2, la silice formée serait liée dans le composé HfSiO4. Des additions d’HfB2 peuvent en outre être introduites dans le but d’amorphiser la silice résiduelle. Des mélanges SiC-HfO2 avec ou sans HfB2 seront considérés en tant que matériau de sous-couche.

4.4. Bilan des systèmes de sous-couche retenus et démarche de la thèse