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« Que chacun fasse sa propre méthodologie ! Méthodologistes ! Au travail ! » p.129

in Mills, C.W. (1997, 1ère éd. 1967). L’imagination sociologique. Paris : La Découverte.

I - La démarche enracinée

« Dominer la « méthode » et la « théorie », c’est être un penseur réfléchi, un travailleur parfaitement conscient des tenants et des aboutissants de son matériau. Etre dominé par la « méthode » et la « théorie », c’est être empêché de travailler, c’est-à-dire de découvrir un nouveau rouage dans la machine du monde. (…) Pour les sociologues classiques, ni la méthode ni la théorie n’existent in abstracto ; toute méthode est méthode de problème précis ; toute théorie est théorie de phénomènes précis. Tout praticien doit être lui-même son propre méthodologiste et son propre théoricien, ce qui revient à dire qu’il doit être un artisan intellectuel » p.127 in Mills,

C.W. (1997, 1ère éd. 1967). L’imagination sociologique. Paris : La Découverte. 1 - Comment considérer notre objet ?

Dans le cas de notre questionnement, l’enjeu consiste dans un premier temps en l’identification des conditions du possible de l’entrée des descendantes de l’immigration nord- africaine dans une expérience de loisir sportif. Dans un deuxième temps, s’esquissent les conséquences de cet engagement sur leur positionnement dans divers rapports sociaux. La question a donc été posée sous la forme du comment s’engage-t’on dans une expérience de loisir sportif quand on est descendante de l’immigration maghrébine ? Or, un tel objet renvoie à un questionnement sur les trajectoires sociales dont :

« l’extraordinaire variété (…), (et) la forte contingence de l’articulation des divers types de mécanismes (…) font de l’étude globale des phénomènes de mobilité sociale (…) une tâche impraticable. (…) Pour parvenir à généraliser dans l’étude de la formation des trajectoires biographiques, il faut réduire le champ d’observation à un type particulier de parcours ou de contexte »795.

En ce sens, notre objet aurait pu être saisi comme un monde social qui se construit autour d’un type d’activité particulier, ici le loisir sportif, dont on aurait essayé, en tant que mésocosme, d’identifier les logiques organisatrices des microcosmes qui le composent, par exemple, des différents profils de pratiquant(e)s. Dans ce cas, nous aurions eu à analyser le loisir, en tant qu’objet, pour saisir les logiques d’action, mécanismes sociaux, processus de reproduction et processus de transformation qui y œuvrent et organisent les trajectoires des pratiquants. Or, notre objet cherche également à comprendre en quoi ces expériences de loisirs sportifs sont le moteur de repositionnements des descendantes de l’immigration maghrébine dans divers rapports sociaux ? En quoi ils témoignent d’une émancipation bricolée des descendantes vis-à-vis de désignations contraignantes et paradoxales ? Il doit donc préférentiellement être saisi comme une catégorie de situation, laquelle renvoie aux caractéristiques communes partagées par l’ensemble des personnes dans cette situation particulière. De fait, nous déplaçons notre objet du côté des individus engagés

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dans cette catégorie de situation. En conséquence, notre entrée dans le questionnement s’est bien opérée par l’angle de l’immigration maghrébine et des conditions d’intégration des descendantes de celle-ci dans le contexte de la société française. En tant que telles, les actantes objet de nos investigations, engagées dans une expérience de loisir sportif, partagent une même catégorie de situation qui engendre des contraintes et des logiques d’action qui présentent bien des points communs796dont émergent les trajectoires d’émancipation qui nous intéressent.

2 - Comment élaborer notre objet ? Une démarche enracinée en trois temps.

En ce sens, nous nous efforçons, depuis la naissance de ce travail, de développer une réflexion enracinée dans la réalité empirique797. Elle a conduit à une réalisation en trois temps de notre terrain.

D’abord, la formulation même de notre problématique est ancrée dans un terrain préalable de trois ans. Comme indiqué lors du chapitre précédent, l’enquête sur les loisirs en quartiers populaires798 a permis la validation d’une problématique générale de fragmentation des loisirs dans les quartiers populaires et d’inscription de celui-ci comme expérience ambivalente, structurante versus reléguante, pour les habitants de ces territoires. Elle a également identifié les variables discriminantes, et potentiellement cumulées, de cette fragmentation : le sexe, l’âge, la génération, le parcours migratoire décliné en termes de distance temporelle à la migration et de pays d’origine. Dans ce panorama différentiel, le sport s’est illustré comme loisir le plus discriminant pour certains publics féminins, mais simultanément aussi comme occasion de parcours exemplaires par leur double dimension minoritaire et contestataire. De fait, les rares descendantes de l’immigration maghrébine rencontrées dans la pratique sportive lors de cette enquête ont interrogé âprement le stéréotype ethnicisé et essentialisé de freins culturels insurmontables à l’entrée des femmes aux références arabo-musulmanes dans un espace de pratique corporelle historiquement réservé aux hommes. Partant, dans notre démarche enracinée, si nous gardons la recommandation fondatrice de Durkheim d’écarter systématiquement toutes les prénotions susceptibles d’obscurcir notre questionnement sociologique799, cette première enquête s’impose comme étape incontournable de rupture avec les prénotions et avec l’illusion du savoir immédiat et définit les conditions de possibilité de notre objet800. L’incompatibilité apparente des références mises en jeu lors de la pratique sportive nous a donc d’abord amené à poser la question d’un choix tranché pour ces

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Ibid., p.21

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Strauss, A. & Corbin, J. (2004, 1ère éd. 1990). Op.Cit.

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Vieille Marchiset, G. (2009 a). (Dir.). Op.Cit.

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Durkheim, E. (2002, 1ère éd. 1894). Op.Cit.

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descendantes entre soumission à la tradition et émancipation par la rupture801. Cependant, ces premières conclusions, passablement ethnocentrées et dyadiques, appellent leur propre dépassement. D’abord parce que cette catégorie de situation partagée par quelques descendantes de l’immigration maghrébine n’ayant pas représenté le cœur du premier recueil de données, la complexité et la finesse des processus en jeu nous a forcément échappé. Ensuite, d’un point de vue heuristique, parce que ce qui s’éloigne de la règle quantitative majoritaire fondatrice d’un fait social présente un intérêt incontournable dans l’analyse du changement social802.

Approfondir cette question suppose, dès lors, de choisir un terrain – territoire et loisirs – où le public visé est suffisamment représenté pour garantir une multiplication des cas rencontrés par croisement des différents critères dont le poids a précédemment été révélé – âge, génération, pays d’origine. Cette phase prend corps dans une enquête quantitative à même d’identifier la légitimité d’un territoire, en termes de représentativité des populations issues de l’immigration maghrébine, de variété de l’offre de loisir sportif et de présence des descendantes dans cette offre. En effet, garantir l’accès aux processus familiaux, moteurs de l’engagement des descendantes dans une expérience sportive, suppose que l’offre comprise sur un territoire n’agisse pas elle-même comme premier filtre, soit par sa faiblesse, soit par sa spécificité803. Cette sélection et enquête quantitative opérées, notre objet d’étude réclame alors, en dernier lieu, une approche qualitative. Elle se justifie d’autant plus logiquement que les cas des expériences de loisir sportif étudiés semblent fonctionner comme « cas limites », bousculant l’apparente homogénéité et stabilité des conditions d’existence des « femmes maghrébines ». Dans ces conditions, la perspective ethnosociologique apporte des réponses pour étudier cette catégorie de situation en cherchant à comprendre comment elle fonctionne et comment elle se transforme804 ? Elle s’inspire de la tradition ethnographique pour ses techniques d’observation mais construit ses objets en référence aux problématiques sociologiques : le sociologue ne se contente pas de décrire son terrain, mais tente de passer du particulier au général en découvrant, au sein du terrain observé, des formes sociales – ici, les processus de transmission familiale et sociale, les logiques d’action des individus, les logiques sociales qui les englobent et dynamiques de transformation. L’assise théorique de notre démarche considère donc les femmes de notre étude comme des actantes qui participent à la résolution d’une situation problématique – le double bind de l’intégration sociale et de la fidélité familiale – et donnent du sens à leurs actions. Elle prend corps dans une démarche de terrain permettant de découvrir la variabilité des actions humaines et la

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Tatu-Colasseau, A. (2009). L’accès des femmes de milieu populaire aux loisirs, une dialectique de soumission/émancipation. Op.Cit. Le titre du chapitre est révélateur d’un premier niveau de réflexion qui n’a pas franchi le cap du changement de regard : poser la question de l’émancipation de leur point de vue.

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Mendras, H & Forsé, M. (1983). Le changement social : tendances et paradigmes. Paris : Armand Colin.

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Tatu-Colasseau, A. & Prévitali, C. (2012). Offre et publics des loisirs sportifs, culturels et éducatifs du quartier

de Planoise : diagnostic territorial et réflexions sociologiques. Rapport de recherche DRJSCS, DRDFE, CUCS.

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complexité des phénomènes sociaux organisateurs de notre objet, de placer notre matériel empirique comme base de notre réflexion théorique afin de saisir les configurations internes spécifiques des rapports sociaux qui nous intéressent et leurs dynamiques de transformation : « L’objet d’une enquête ethnosociologique est d’élaborer progressivement un corps d’hypothèses plausibles, un modèle fondé sur les observations, riche en descriptions de « mécanismes sociaux » et en propositions d’interprétation des phénomènes observés »805. Cette approche enjoint à une ultime phase pour notre démarche enracinée, sous forme d’immersion longue par observation participante, partie prenante d’une enquête qualitative appuyée sur une combinaison de méthodes. Elle vise à « rechercher minutieusement la richesse dans les données, extrayant les points critiques en les confrontant entre eux afin de produire davantage de sens, prenant note de plusieurs interprétations possibles des diverses situations »806. Toute hypothèse ou proposition, qui dérive des données par effort de distanciation, doit ensuite être contrôlée par de nouvelles données et modifiées ou rejetées selon les circonstances. Partant, un mouvement de « va et vient » permanent entre le terrain et, ce que Strauss appelle, le travail d’ordonnancement conceptuel a permis l’élaboration progressive d’un échantillon enraciné et d’un corpus d’hypothèses807. Il nous faut maintenant restituer les méthodes de notre démarche enracinée ayant soutenu leur genèse.

II - Les méthodes qualitatives

Les méthodes représentent les moyens – ensemble des procédures et des techniques permettant de récolter et d’analyser les données – pour transformer la vision enracinée de notre objet d’étude en théorie808. En tant que telles, elles doivent remplir un double objectif : l’entrée des descendantes de l’immigration magrébine dans l’expérience de loisir sportif représente un acte qui déroge à l’ordre social à l’œuvre dans leur milieu familial et questionne en conséquence la filiation et le respect de la tradition. En ce sens, le recueil doit permettre l’identification des processus de transmissions familiales et sociales – acteurs, vecteurs, sens, contenus – à la base de l’engagement des descendantes de l’immigration maghrébine dans un loisir sportif, tout en accédant à la reconstitution de cette expérience. Simultanément, il doit identifier les dispositions sociales, culturelles et sexuées renforcées, modifiées ou spécifiquement constituées dans et par le cadre du loisir, donc s’intéresser aux logiques et contraintes propres aux activités sportives qui contribuent à l’émancipation des jeunes femmes vis-à-vis des assignations et injonctions cumulées. S’esquissent en arrière-plan l’identification des bricolages situés ambivalents entre références contradictoires et des

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Ibid., p.25

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Strauss, A. & Corbin, J. (2004, 1ère éd. 1990). Op.Cit. p.23

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Glaser, B.G. & Strauss, A. (2010, trad. française). La découverte de la théorie ancrée. Paris : Armand Colin.

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Demazière, D & Dubar, C. (1997). Analyser les entretiens biographiques. L’exemple des récits d’insertion. Paris : Nathan.

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repositionnements sociaux qui en découlent, comme preuve d’une assimilation segmentée. Pour y parvenir, un ensemble d’outils est envisagé, qui ne bénéficie pas du même statut dans le recueil. Certains représentent le noyau dur du terrain, d’autres évoluent en périphérie en tant qu’études de cas ou « contrepoints ».

1 - Le noyau dur du recueil : les outils de l’approche intergénérationnelle

« La science sociale examine les problèmes de biographie et d’histoire, et leurs croisements au sein des structures sociales. Toutes trois – biographie, histoire, société – constituent les points coordonnées d’une bonne étude de l’homme » p.151 in Mills,

C. W. (1997, 1ère éd. 1967). Op.Cit.

a - Les récits de vie des descendantes de l’immigration maghrébine

Le récit de vie, en tant que méthode relevant de l’étude de cas, correspond à une histoire approchée de l’histoire réellement vécue – objectivement et subjectivement –, au travers d’un entretien narratif au cours duquel le chercheur demande au sujet de revenir sur une partie de son expérience. Cette restitution, en tant que travail de mémoire, correspond, en fait, à une reconstruction rationnelle du passé à partir des éléments du présent809, notamment la situation d’entretien elle-même et les acteurs de cette situation. En ce sens, il est une forme d’expression orale dialogique où le sujet est invité à réfléchir sur son expérience au travers du filtre de l’enquête et de son objet, et non un regard rétrospectif exhaustif du sujet sur son passé. Ce filtre représente le meilleur moyen d’éviter l’écueil du lissage de la trajectoire biographique ou de la reconstruction d’une cohérence a posteriori – l’idéologie biographique pour Bertaux810 ou l’illusion biographique pour Bourdieu811.

Récit de pratiques en situation

Car il ne s’agit pas pour nous de chercher à comprendre ce que sont les jeunes descendantes de l’immigration maghrébine, mais un fragment de leur réalité sociale, au travers de l’analyse d’une catégorie de situation, comme indiqué précédemment. Cette primauté de l’analyse du social conduit à développer une conception des récits de vie comme récits de pratiques en situation et des contextes au sein desquels elles se sont inscrites. En tant que tels, ils permettent de saisir l’action située et l’expérience vécue812. Leur intérêt principal tient dans la possible réinscription des pratiques ainsi saisies dans les contextes – famille, loisir, école, travail, quartier – et les rapports sociaux – de sexe, d’ethnicité, de génération, de classe – qui les structurent mais qu’elles contribuent à

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Halbwachs, M. (1994, 1ère éd. 1925). Les cadres sociaux de la mémoire. Paris : Albin Michel.

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Bertaux, D. (1976). Histoires de vie ou récits de pratiques ? Méthodologie de l’approche biographique en

sociologie. Paris : Cordes.

811

Bourdieu, P. (1986). L’illusion biographique. Actes de la Recherche en Sciences Sociales. Vol. 62, n°62-63, pp. 69-72

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transformer en retour : « Ce sont ces rapports qui sont à l’origine des pratiques : l’avantage des pratiques et qu’elles sont observables alors que les rapports ne le sont pas. C’est la seule raison – mais elle est de taille – pour laquelle les pratiques et les récits de pratiques présentent un intérêt sociologique. »813. De fait, les récits de pratiques en situation offrent d’accéder aux contextes sociaux de l’expérience, d’en dévoiler les structures et les dynamiques, d’identifier les interférences et influences réciproques entre les différents niveaux de contexte micro-, méso- et macro-sociaux, et d’y révèler la dialectique acteur/système. Ils appréhendent ainsi les deux dimensions de l’engagement des descendantes dans le loisir. En effet, si l’on écoute ce qu’elles ont à dire, selon l’expression de Sartre814, sur ce qu’elles ont fait de ce qu’on a fait d’elles, elles se présentent simultanément comme porteuses de structures et sujets autonomes, entre déterminisme et individualisme. Ces récits servent alors de porte d’entrée à la définition d’autres modes de recueil puisqu’ils soulignent les interférences entre les mondes sociaux – en tant que sphères ou matrices de l’expérience – dans lesquels évoluent nos actantes, comme nous le verrons plus loin.

Univers de vie, univers de sens

Dès lors, que cherchons-nous à saisir au travers de ce recueil ? Plus exactement, que peut-on saisir grâce au récit de vie ? Le contenu du récit de vie oscille finalement entre le rigoureusement exact et la reconstruction subjective. Pour autant, il est possible d’isoler un noyau d’expériences et de pratiques correspondant aux faits tels qu’ils se sont déroulés indépendamment des représentations qui accompagnent leur remémoration. Or, les faits, et les représentations que nos interviewées ont de ces faits, constituent le double enjeu de notre recueil. Il nous conduit à considérer le langage à la fois comme un réservoir d’images d’une réalité existant indépendamment de sa nomination – les faits bruts tels qu’ils se sont déroulés – et un moyen de catégoriser le social, donc de lui donner du sens815. En effet, localiser le souvenir d’un fait ou d’un évènement suppose de le situer dans un ensemble d’expériences sociales structurantes et faisant sens – occupations journalières, professionnelles, familiales, etc. – qui rend ces deux dimensions indissociables : « les évènements biographiques se définissent comme autant de placements et de déplacements dans l’espace social »816. En ce sens, le récit de vie s’appuie sur une grille d’entretien817 à double entrée : une première destinée à reconstruire l’univers de vie des descendantes et une deuxième pour leur univers de sens818. L’univers de vie suppose de susciter l’énoncé des évènements constitutifs de la 813 Bertaux, D. (1976). Op.Cit. p.201 814 Ibid., p.120 815

Demazière, D. (2007). A qui peut-on se fier ? Les sociologues et la parole des interviewés. Langage et

Société. Vol. 3-4, n°122, pp. 85-100

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Bourdieu, P. (1986). Op.Cit. p.71

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Voir en Annexe 2 : Grille de récit de vie « descendant » : sportive, sœur et frère.

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trajectoire de loisir sportif, des continuités et des ruptures biographiques permettant de retracer les expériences de chacune – trajectoires migratoires des parents ou grands-parents; trajectoire scolaire, sociale, sportive et de loisir des descendantes mais aussi des membres de leur famille, parents, fratrie. Ces fragments de vie représentent des indices objectifs qui, une fois remis en ordre, sont à la base de la restitution précise des éléments déterminants et de leur poids respectif dans l’investissement de la jeune femme dans le loisir819. La jeune femme est alors le témoin de son expérience. Mais, cet univers de vie prend du sens compte tenu de l’univers de référence qui encadre les pratiques et définit les possibilités d’actions et de positionnement de la jeune femme. Il faut alors prêter attention à la manière dont elle présente les faits pour saisir les références culturelles sous-jacentes mais également questionner directement ces références – transmissions, acteurs, vecteurs, sens et contenus de ces transmissions : références en matière de rapports sociaux de sexe, culture d’origine des parents ou aïeux migrants, références religieuses, ressources subjectives, rapport au corps. Dans ce cas, l’interviewée possède un statut d’actante engagée, à l’occasion de notre étude, dans une tentative de compréhension de son propre parcours.

La dimension temporelle et dynamique du fait social étudié

Les récits de vie, conçus de cette manière, permettent d’étudier l’action dans la durée. Or cette dimension diachronique est constitutive à la fois des processus que l’on cherche à saisir – étudier les transmissions suppose de s’inscrire dans la durée – mais également des expériences de loisir sportif de nos actantes et de leurs conséquences sur leur inscription durable dans divers rapports sociaux – reproduction versus transformation. Les récits de vie permettent ainsi de reconstituer la succession d’évènements, de situations, de projets, d’influences décisives qui ont fait émerger l’expérience de loisir, ses étapes, ses ruptures ou ses réorientations. La mise en relief des évènements majeurs explicatifs du changement social étudié, c’est-à-dire des positionnements individuels novateurs des descendantes de migrants dans divers rapports sociaux, accompagne la mise à jour de cette trajectoire et des forces collectives contingentes qui l’infléchissent. Cette dimension diachronique permet donc en saisissant « (…) les logiques d’action dans leur développement biographique, et les configurations de rapports sociaux dans leur développement historique (reproduction et dynamique de transformation) (…) »820 de rappeler l’insertion du fait

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Cette phase de mise en ordre représente la première phase d’analyse descriptive de toute enquête ethnographique selon Beaud, S. (1996). L’usage de l’entretien en sciences sociales. Plaidoyer pour « l’entretien ethnographique ». Politix. Vol.9, n°35, pp. 226-257. Elle revient à « extraire des expériences de (celles) qui ont