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C HAPITRE III : S TRATEGIE

III.1.2. Choix de la méthode de co-précipitation (Etape 3 Figure 38)

La co-précipitation est une technique qui permet d’entraîner des éléments présents à l’état de traces en précipitant d’autres éléments présents en quantité pondérable.

La méthode choisie doit permettre d’entraîner quantitativement à la fois U, Pu et Am depuis la matrice urinaire. Parmi les méthodes décrites dans la littérature, la précipitation de phosphates d’alcalino-terreux à pH > 9 est la plus souvent utilisée. Cette méthode a pour avantage de ne pas nécessiter l’ajout d’ions absents du milieu. La composition des urines montre qu’à la fois les alcalino-terreux et les phosphates y sont présents naturellement (Tableau 13). Pour valider ce choix, les calculs de spéciation ont été réalisés sur toute la gamme de pH en incluant cette fois les solides.

La modélisation de la spéciation de l’ion uranyle (Figure 43 (a)) montre qu’à 4 < pH <6 l’uranium précipite sous forme (UO2)3(PO4)2 , 4 H2O. Or, la concentration en uranium dans les urines est de l’ordre de 5.10-10 mol.L-1 dans notre étude. La quantité de précipité produit serait donc trop faible pour que celui-ci puisse être récupéré. A pH > 11, deux espèces cristallisées (Na2U2O7 (c) et CaUO4 (c))

apparaissent également, mais la même conclusion peut être tirée quant à la quantité de précipité récupéré.

Ce diagramme peut également montrer le risque de précipitation de l’uranium lors de la conservation des échantillons car le pH naturel des urines est compris entre 3 et 10. C’est pour cela que lors d’analyses radiotoxicologiques, il est recommandé de conserver les urines en milieu acide.

Pour valider notre hypothèse qu’à pH > 9, les phosphates d’alcalino-terreux tendent à précipiter, nous avons également modélisé la spéciation du phosphate (Figure 43 (b)), du calcium (Figure 43 (c)) et du magnésium (Figure 43 (d)).

Les calculs de spéciation du calcium et du magnésium montrent que ceux-ci précipitent totalement à pH > 9 sous formes phosphates pour le calcium et sous différentes formes (carbonates, phosphates et hydroxydes) pour le magnésium. Par contre, la spéciation des phosphates montre que les ions phosphate libres sont majoritaires (% H2PO4- > 80 %) sur toute la gamme de pH. Cela permet d’affirmer que la précipitation est limitée par la concentration en alcalino-terreux dans les urines. Cette étude a donc été complétée en modélisant la spéciation de Pu et Am dans les urines pour appréhender leur comportement. Dans l’urine, le plutonium serait probablement sous forme Pu(IV), alors que l’américium est stable sous forme Am(III). Ainsi, nous avons modélisé la spéciation de ces deux espèces dans les urines afin d’étudier leurs comportements. En effet, on constate un phénomène de précipitation totale à la fois pour l’américium et le plutonium. Ces deux actinides ne seraient pas entraînés mais bel et bien précipités. Contrairement à l’uranium, la question de la quantité de précipité récupéré ne se pose pas ici. En effet, les précipités de plutonium et d’américium seraient présents en même temps que celui de phosphate de calcium (non illustré). Ceci expliquerait que Am(III) puisse être retrouvé dans le précipité alors qu’il n’est pas de même charge que les alcalino-terreux. Il en va de même pour Pu(IV).

Figure 43 : Spéciation dans les urines à I = 0,47 mol.L-1. (a) UO22+, (b) PO43-, (c) Ca2+, (d) Mg2+

Cette étude de modélisation de la spéciation a finalement été confortée par une étude expérimentale. Après la minéralisation par voie humide (étape 1, Figure 38) le pH de l’urine est augmenté à l’aide d’eau ammoniacale (wt = 20%). Une fois que le pH de la solution est supérieur à 9, un précipité blanc de phosphate d’alcalino-terreux apparaît, puis la solution est laissée à décanter.

Pour vérifier si cette précipitation est bien efficace pour concentrer les trois actinides, nous avons réalisé une analyse du surnageant par ICP-MS. Celui-ci a été prélevé au bout de 2 h de décantation et analysé après une dilution 20. Les rendements de précipitation obtenus sont de 99 % pour l’uranium, le plutonium et l’américium confirmant l’efficacité de la précipitation des alcalino-terreux pour la pré-concentration des actinides.

Usuellement, le temps de décantation utilisé est de deux heures. Pour une utilisation en situation de crise, avec une contrainte de temps importante (analyse en moins de 8 h minéralisation incluse), il peut être intéressant de réduire la durée de cette étape. Ainsi, nous avons voulu déterminer le temps minimum de décantation. Sur 1 L d’urine et après la minéralisation par voie humide, les phosphates d’alcalino-terreux ont été précipités et le surnageant prélevé régulièrement entre 5 min et 2 h. Compte tenu de la teneur en sel et en matière organique du surnageant, il était nécessaire de l’analyser en dilution 20 par ICP-MS pour limiter les effets de matrice. Ainsi, la concentration en américium a été multipliée par 10 lors de cette expérience, afin de faciliter la mesure. Les résultats obtenus sont représentés Figure 44.

Figure 44 : Signaux des actinides dans le surnageant en fonction du temps de décantation

On constate qu’après seulement 10 minutes, les actinides ont disparu du surnageant. 99 % de l’uranium et 96 % du plutonium et de l’américium sont ainsi co-précipités ou entraînés. Expérimentalement, pour faciliter la récupération du précipité il est nécessaire d’attendre 15 min. Cela permet de réduire significativement la durée de décantation du précipité d’alcalino-terreux contenant les actinides de 2 h à 15 min.

Les protocoles de minéralisation classiques nécessitent de récupérer ce précipité sur un filtre dit « sans cendre » puis de le calciner au four à moufle. Bien qu’efficace, cette calcination peut prendre jusqu’à 14 heures. Cette durée n’est pas adaptée à une analyse en situation de crise pour laquelle il serait nécessaire de rendre un résultat d’analyse en moins de 8 heures, minéralisation incluse. C’est pourquoi, nous avons mis au point une étape de minéralisation du précipité au four à micro-ondes.

III.2. REPRISE DU PRECIPITE ET MINERALISATION AU FOUR A MICRO-ONDES (ETAPES 3

ET 4)

III.2.1. Protocoles

Pour reprendre le précipité, le surnageant est aspiré, puis le précipité et le surnageant sont centrifugés à 4000 tr.min-1 pendant 16 min. Seul le précipité est conservé.

L’objectif de la reprise du précipité est de détruire la matière organique qui aurait pu être entraînée lors de la co-précipitation.

Le protocole utilisé consiste à reprendre le précipité avec 30 mL de HNO3 67 % et 5 mL de H2O2 30%. La digestion au four à micro-ondes est réalisée à 200 °C pendant 30 min après une montée en température de 10 min. Le temps de refroidissement est d’environ 1 h 30 pour atteindre une température pour laquelle les réacteurs peuvent être ouverts en toute sécurité.