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Chapitre 2. Étude du polymorphisme en système microfluidique

2.2. Choix de l’huile

En microfluidique, la formation de gouttes est réalisée par émulsion entre une phase dispersée (solvants contenant les molécules) et une phase continue (huile). Nous avons expliqué dans la partie bibliographie de ce manuscrit (A.3.1.2) que la formation de gouttes était régie par le nombre capillaire Ca (équation 13) faisant intervenir la viscosité dynamique de la phase continue et son énergie interfaciale avec la phase dispersée. Le choix de l’huile qui sera utilisée comme phase continue est donc primordial pour la suite des essais en microfluidique.

2.2.1. Problématique du choix d’huile

Il faut trouver une huile inerte chimiquement, permettant la formation de gouttes de solvant organique pour une large gamme de température (20-80 °C). Ce choix est d’autant plus difficile que l’utilisation de tensioactif, aidant la formation de gouttes et permettant de les stabiliser, est à proscrire pour ne pas interagir avec nos expériences de cristallisation. Au CINaM, les huiles traditionnellement utilisées en microfluidique sont le FMS et le FC70. Cependant, ces huiles ont été utilisées pour la formation de gouttes d’eau à des températures dépassant rarement les 40 °C (pour la cristallisation de protéine).

Le but a donc été de tester plusieurs huiles fluorées pour la formation de gouttes de solvant dans des canaux microfluidiques et à différentes températures.

2.2.2. Matériels et méthodes pour tester l’huile

Le solvant utilisé pour ces essais est l’éthanol, car celui-ci a été remarqué comme étant l’un des solvants avec lequel il est le plus difficile de former des gouttes en microfluidique. Cela est dû à sa faible énergie interfaciale avec les huiles fluorées (presque dix fois inférieure à celle de l’eau avec les mêmes huiles). L’éthanol utilisé est de l’éthanol absolu (99,9 %). Les huiles qui ont été testées sont le FMS, le FC70, le GPL103, GPL105 et GPL106.

Le système microfluidique utilisé pour ces essais est composé d’un pousse seringue équipé du chauffe seringue (permettant de réguler la température des différentes phases), de capillaires microfluidiques de 500 µm de diamètre interne en PFA, d’une jonction de type croix et d’une binoculaire afin de visualiser les gouttes. Pour faciliter leur visualisation, une feuille d’aluminium est placée sous le capillaire de sortie du système microfluidique. Un schéma du montage utilisé est présenté sur la Figure 61. Nous avons généré des gouttes avec une géométrie en croix, car c’est la géométrie qui permet de réaliser des mélanges et de faire varier la composition des gouttes. De plus, c’est également la géométrie qui donnent la zone de fonctionnement la plus étroite, ce qui nous place dans la situation la moins favorable comme pour l’utilisation de l’éthanol.

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Figure 61. Schéma du montage de test des huiles pour la formation de gouttes d’éthanol

Pour chaque huile, la génération de gouttes est testée. D’abord à température ambiante pour une quinzaine de conditions de débits de phases continue et dispersée afin de délimiter la zone de fonctionnement donnant des gouttes monodispersées. Puis, à température plus élevée (65 °C) où les mêmes conditions de débits sont testées.

2.2.3. Résultats et discussion

2.2.3.1. Huile FMS

Cette huile ne permet pas de générer des gouttes d’éthanol monodispersées dans une large gamme de débits à haute température. De plus, cette huile n’a pas une bonne compatibilité avec les solvants organiques couramment utilisés en cristallisation comme ont pu le remarquer Zhang et al10, préférant l’utilisation du FC70 qui présente une meilleure compatibilité.

2.2.3.2. Huile FC70

Cette huile a été utilisée par Zhang et al10, pour la formation de gouttes d’éthanol à température ambiante. Bien qu’à 25 °C la génération de gouttes d’éthanol monodispersées est possible dans une large gamme de débits, à 65 °C cela se complique grandement : la gamme de générations de gouttes est réduite et les gouttes finissent par coalescer plus loin dans le capillaire (pendant le refroidissement dû au passage entre la zone chauffée du capillaire et la zone à température ambiante).

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2.2.3.3. Les huiles GPL (103 105 106)

Les huiles GPL ont des caractéristiques chimiques similaires à celles du FC70, mais avec des viscosités différentes. Toutes ces huiles ont permis de générer des gouttes d’éthanol monodispersées à 25 et 65°C. Cependant, il a été remarqué que pour les huiles GPL103 et GPL105 (moins visqueuses que GPL106), les gouttes sont stables sur les dix premiers centimètres du capillaire de sortie, mais pas toujours plus loin dans le capillaire. De plus, lors d’un refroidissement (en chambre froide à 7°C) les gouttes finissent par coalescer.

En revanche, l’huile GPL106 qui est la plus visqueuse, permet de pallier ces problèmes. En effet, elle permet de générer des gouttes monodispersées d’éthanol dans une large gamme de débits pour des températures de 25 à 65°C et il n’y a pas coalescence lors d’un refroidissement du capillaire. L’huile GPL106 semble donc être un bon choix pour la formation de gouttes de solvants organiques en microfluidique.

2.3. Montage microfluidique pour l’étude du

polymorphisme

2.3.1. Présentation du montage

Le montage microfluidique, choisi pour l’étude du polymorphisme de molécule d’intérêt pharmaceutique, est composé de deux principaux modules. Un module de génération des gouttes saturées et un module d’incubation et d’observation. Le montage complet est présenté sur la Figure 62. Le circuit microfluidique est composé de capillaires en PFA et de jonctions en PEEK. Les solutions sont introduites via les pousses seringues neMESYS®.

Dans le module de génération des gouttes (Figure 62b), les solutions saturées sont générées à l’aide de la méthode de préparation en ligne présentée précédemment (Figure 45). Le flux de la solution saturée rencontre ensuite un flux d’huile GPL106 dans une jonction en Té. Ainsi, des gouttes de cette solution saturée sont générées par « cross flowing », la phase continue étant injectée dans la branche principale et la phase dispersée dans la branche perpendiculaire. Afin, de contrôler la température de dissolution de la poudre, et donc la concentration des gouttes, cette partie du montage est immergée dans une enceinte thermostatée à circulation d’eau. La température de cette enceinte est contrôlée par un bain thermostaté et sa température est mesurée par une sonde Pt100. Pour séparer différentes conditions de génération des gouttes (et donc différentes compositions chimiques des gouttes), une vanne manuelle thermostatée permet d’orienter le flux de gouttes vers différents capillaires de sortie (Figure 62c). Cette vanne manuelle est composée d’une simple jonction union en PEEK disposée dans une enceinte thermostatée à circulation d’air (Figure 62c). La température de cette enceinte est réglée proche de la température de génération afin d’éviter d’éventuels phénomènes de nucléation non désirés dus à un changement de température.

103 Les gouttes sont ensuite stockées dans le module d’incubation et d’observation où la température est contrôlée par une enceinte thermostatée par des éléments Peltier avec de l’eau stagnante (Figure 62d). Une caméra motorisée permet de mémoriser la position des gouttes et de prendre automatiquement des photos de leurs évolutions durant l’incubation.

Figure 62. Montage microfluidique pour l’étude du polymorphisme. (a) capillaire 1mm DI rempli de poudre, (b) Module de génération des gouttes saturées, (c) Vanne manuelle thermostatée, (d) Module d’incubation et d’observation des gouttes, (e) Vanne manuelle et ajout de perte de charge (ΔP).

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2.3.2. Problème de bulles

Lors des premiers essais, il a été remarqué la formation de bulles de gaz en sortie du filtre, notamment lors de l’augmentation en température, perturbant l’écoulement et provoquant la coalescence des gouttes. Ce problème a d’abord été pris pour un problème d’étanchéité dans le circuit puis pour un phénomène de nucléation de bulles d’air. Mais après vérification de l’étanchéité et dégazage des solvants utilisés, ce problème est resté persistant, car la cause de la formation de ces bulles est en fait, un phénomène de cavitation. En effet, l’augmentation locale de la vitesse du solvant lors de son passage dans le filtre (pore du filtre de 0,5 µm (diamètre du capillaire de 500 µm) provoque des dépressions qui peuvent engendrer un changement d’état du solvant (flèche orange sur la Figure 63). Une réponse à ce problème est d’augmenter la pression appliquée au niveau du filtre, afin que les dépressions ne soient plus suffisantes pour le passage à l’état gazeux du solvant. Une manière d’augmenter la pression, à ce niveau du circuit microfluidique, est l’ajout de pertes de charge (noté ici ΔP) en aval du circuit (Figure 62e).

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Figure 63. Schéma simplifié d’explication du phénomène de cavitation dans le circuit microfluidique. La courbe bleue représente la pression de vapeur saturante du solvant, en dessous de cette courbe le solvant est à l’état gazeux et au-dessus à l’état liquide. Les points bleus représentent l’évolution isobare lors d’une augmentation de la température dans le diagramme de phase lorsqu’aucune perte de charge n’est ajoutée. Les points rouges représentent l’évolution isobare lors d’une augmentation de la température dans le diagramme de phase lorsqu’une perte de charge est ajoutée. Les flèches orange représentent les dépressions générées lors du passage dans le filtre. Il est à noter que l’évolution de la pression lors d’une augmentation de température n’est pas réellement isobare, car la viscosité de l’huile va diminuer ayant pour effet une diminution de la pression au niveau du filtre selon l’équation 11.

Pour tester cette hypothèse, 50 cm de capillaire de 500 µm de diamètre interne ont été ajoutés à la fin du circuit (représentant une perte de charge d’environ 0,2 MPa dans nos conditions). Cela permet effectivement de s’affranchir des problèmes de formation de bulles. On peut même voir le retour à l’état liquide des bulles de solvant lors de l’ajout des pertes de charge. Afin de pouvoir ajouter la même perte de charge à toutes les sorties du circuit microfluidique une seconde vanne manuelle est ajoutée (Figure 62e).

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