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3. Méthodologie

3.1 Le choix de la collecte de données :

3.1.1 Les entretiens semi directifs

Dès le départ de cette recherche, il était question d’aborder le sujet sous un angle qualitatif et compréhensif et non quantitatif.

Il aurait été possible, et probablement plus aisé, de se baser sur des données permettant des résultats objectifs d’ordre quantitatif et pour ce faire, puiser dans différents documents et archives, la description factuelle de la trame du parcours de vie d’enfants placés. Que sont-ils devenus ? Le placement a-t-il changé quelque chose de concret dans la famille (placement long terme, déménagement, prise en charge en milieu ouvert, …) ? Nombreux sont les critères pouvant définir une modification des relations intrafamiliales, sans nul besoin d’interroger les protagonistes. Néanmoins, à une simple analyse froide et systématique des trajectoires post placement, j’ai préféré le point de vue des personnes concernées en me concentrant sur les réalités subjectives qu’elles ont vécues. La parole des usagers est toujours enrichie d’émotions et de subjectivité et ce qui pourrait sembler constituer un frein à une recherche sérieuse et scientifique me parait, en réalité, ajouter à la compréhension de situations complexes.

C’est donc forte de cette conviction que j’ai choisi les entretiens semi-directifs comme base de données sur laquelle m’appuyer, pour analyser les modification survenues dans les familles, suite au placement d’un enfant. Cette méthode permet de maintenir la spontanéité des propos, selon les priorités de l’échantillon, tout en offrant une trame commune à chacun, au travers des thèmes imposés.

Dans cette optique, le canevas d’entretien constitue donc un fil rouge auquel se référer mais ne représente en aucun cas une liste exhaustive et idéale des « bonnes » questions à poser. Les différents thèmes lancés restent donc modulables, dans une certaine mesure,

En parallèle, j’ai également souhaité pouvoir assister aux entretiens d’admission des enfants. Ceux-ci se déroulent en présence des parents, de leur enfant, de l’assistant social en charge du dossier familial et d’un ou deux éducateurs.

En effet, ce passage obligé pour intégrer le Foyer constitue un lieu où généralement, se dessinent les premières négociations et les premiers consensus. Mon expérience du terrain, m’a montré que bien que le but de ces premiers entretiens en réseaux soit de déterminer les raisons et buts du placement, il arrive fréquemment que les motifs avancés par les

assistants sociaux lors de la prise de contact avec les professionnels pour la demande de placement, se trouvent légèrement modifiés lors de ces entretiens d’admission.

Dans ces situations, généralement deux cas de figure bien différents peuvent expliquer cet état de fait. Le premier concerne la collaboration avec les parents. Ainsi, lors de placements forcés, les assistants sociaux « adoucissent » quelque peu leur discours et leurs arguments en présence des familles pour que celles-ci puissent adhérer au placement de leur enfant. La collaboration des parents constituant un des critères principaux de

« réussite » d’un placement -il faut entendre par là, une possibilité de faire évoluer la situation familiale et d’atténuer ou de modifier la problématique familiale-, la collaboration des parents est essentielle et si elle n’est pas toujours possible, elle est néanmoins favorisée au maximum par les différents professionnels. Il n’est donc, pour les intervenants sociaux, pas question de mentir aux parents mais bien de leur présenter une vision de la situation acceptable, par des propos tempérés, et d’amener les choses de la manière la plus diplomate et la moins discréditante possible pour les parents. Le second, bien moins avouable de la part de services placeurs, découle de la difficulté à obtenir une place en foyer, si l’enfant en question ne répond pas aux critères de l’institution. Ainsi, il arrive que certaines informations soient données uniquement durant l’entretien d’admission (par l’assistant social ou par les familles elles-mêmes) et aient été passées sous silence lors de la demande de placement. Le propos n’est pas de faire le procès des assistants sociaux mais bien de mettre en lumière certaines pratiques qui peuvent péjorer la bonne collaboration entre les différents membres du réseau, qu’il s’agisse des professionnels entre eux ou des relations professionnels-familles, et qui, indubitablement ont un impact sur le placement des enfants, de leur arrivée au Foyer jusqu’ à l’issue du placement, en passant par la prise en charge quotidienne.

L’observation de ces entretiens permet de récolter des informations essentielles et nombreuses, dû au nombre et la diversité des statuts des protagonistes. En effet, comme le stipule Goffman,

« les situations à deux ne valent rien, car les gens peuvent mentir quand ils sont seuls avec vous.

Mais, en présence d’un tiers, elles doivent maintenir leurs liens avec ces deux autres personnes (en plus de vous-même), et il y a des limites à ne pas dépasser pour cela. Si vous êtes dans une situation à plusieurs, vous avez ainsi plus de chances de voir les choses telles qu’elles sont en temps normal ». (1991, p.115)

Ces entretiens d’admission réunissant l’enfant et ses parents, l’assistant social en charge du dossier et un ou deux éducateurs, l’on pourrait, dans ce cas, considérer que les tiers

présents sont constitués : des différents membres de la famille, de l’assistant social, de l’éducateur et de moi-même, ce qui revêt une importance particulière pour la suite de la récolte de données. En effet, ma présence lors de ces entretiens entraînera probablement la nécessité pour les familles de garder un discours cohérent entre l’entretien d’admission et l’entretien individuel qui suivra, dans un souci de crédibilité envers moi.

L’autre avantage de l’observation de ces interactions entre professionnels et usagers réside dans la version avancée par l’assistant social, en présence des parents (qui, comme je l’ai déjà mentionné, diffère parfois sensiblement de la version qui se partage entre professionnels).

Pour finir, je me suis penchée sur les demandes de placement préalables des assistants sociaux auprès du Foyer. Il s’agit des comptes rendus du contact téléphonique durant lequel l’assistant social a déposé sa demande auprès du Foyer pour l’accueil du nouvel enfant dont il est question. Ainsi que je l’exprime plus haut, certaines informations sont lacunaires et il me paraissait pertinent de comparer toutes les informations liées à chaque situation familiale suivant où, et à qui, elles ont été données. De plus, les demandes de placement pour chaque enfant permet de constater que la majorité des situations suivies avaient déjà fait l’objet de demandes inabouties pour diverses raisons.

Ces trois modes de récolte de donnée ont été suivis dans l’ordre suivant : Observation des entretiens d’admission (quand cela a été possible), entretiens individuels (interviews) avec les familles, puis, dossiers de l’enfant.

Le choix de cette chronologie visait à ne pas influencer ma perception lors des entretiens d’admission et d’entretiens individuels. En effet, la connaissance de certaines informations m’auraient probablement mise dans un état d’esprit particulier avant même de rencontrer les familles, ce que je ne souhaitais pas. Les préjugés étant difficilement contournables, j’ai préféré découvrir les familles en chair et en os avant de les connaître au travers d’un dossier.

Pour faciliter la lecture et la compréhension des documents annexes (retranscription d’entretiens et compte rendu des entretiens d’admission) des différentes situations présentées, je me suis également servie des « fiches personnelles » des enfants pour des raisons purement pragmatiques de façon à rendre plus accessible les informations générales telles que : âge de l’enfant, durée et dates du placement, etc…