Remarque 0.1. La constante d’int´ egration λ introduite ici avec un signe moins apparaˆıt
9. Chocs dispersifs
Finalement, les ´equations que l’on consid`ere sont des perturbations dispersives d’´EDP hyperboliques non-lin´eaires. Comme dans le cas de la r´egularisation par dissipation ou viscosit´e, on peut se demander quels sont les effets de la dispersion sur les ondes de choc de ces syst`emes hyperboliques. Les chocs dispersifs ont une structure r´eguli`ere et oscillante tout `a fait particuli`ere. Leur premi`ere observation historique s’est faite en lien avec l’hy-drodynamique dispersive. On pense ´evidemment aux mascarets qui se produisent lorsque de fortes mar´ees remontent le cours ou l’embouchure d’un fleuve. Depuis le d´ebut des ann´ees 2000, on a d´ecouvert des chocs dispersifs lors d’exp´eriences en physique atomique et en optique. L’excitation d’un condensat de Bose-Einstein, milieu compos´e d’atomes su-perfroids ayant les mˆemes ´etats quantiques, par un laser puls´e forme une onde de choc dispersive, de mˆeme que la diffraction non-lin´eaire de la lumi`ere. Pour une vue d’ensemble de ces applications, voir l’article de El & Hoefer [52].
`
A partir des ´etudes de Whitham sur les modulations [121], de nombreux travaux se sont bas´es sur l’utilisation du syst`eme d’´equations modul´ees pour la description de la struc-ture des chocs dispersifs, comme ceux de El, Hoefer & Shearer [50, 75, 52, 53] ou ceux de Grava & Klein [65, 66]. La premi`ere formulation de ces chocs `a partir des ´equations modul´ees remonte `a un travail fondateur de Gurevich & Pitaevskii [71] sur l’´equation de KdV. Elle utilise l’´ecriture des ´equations de Whitham ´ecrites sur les invariants de Rie-mann et l’existence de solutions analytiques de l’´equation de KdV, dont on peut trouver une description compl`ete dans l’ouvrage de Kamchatnov [82].
La structure typique d’un choc dispersif classique est illustr´ee sur la figure 0.4. On y distingue la zone de Whitham qui renferme toute la gamme d’ondes p´eriodiques allant des ondes de faible amplitude (`a gauche) au soliton (`a droite). Le probl`eme de Gurevich &
Figure 0.4. Structure d’un choc dispersif de l’´equation de KdV ε > 0. Les ´
etats u−et u+d´efinissent la marche initiale. La vitesse s−peut ˆetre positive
ou n´egative. Elle correspond `a la vitesse des ondes de faible amplitude formant l’aval du choc. La vitesse s+ correspond `a la vitesse du soliton formant l’amont du choc.
Pitaevskii [71] que l’on d´ecrit ci-dessous consiste en particulier `a d´eterminer les vitesses
s± d’extension de la zone de Whitham.
Pour l’´equation de KdV
vt+ 3v2
x+ εvxxx = 0 ,
on peut r´e´ecrire le syst`eme de Whitham associ´e sous forme diagonale en faisant apparaˆıtre les invariants de Riemann r1≤ r2 ≤ r3
∂ri
∂t + Vi(r1, r2, r3)∂r∂xi ,
o`u les vitesses caract´eristiques V1 ≤ V2 ≤ V3 d´ependent des invariants de Riemann ri, de la vitesse c et des valeurs des int´egrales elliptiques de premi`ere et seconde esp`ece K(m) et E(m) avec
c = 2 (r1+ r2+ r3) m = r2− r1 r3− r1.
Les solutions p´eriodiques de l’´equation de KdV s’´ecrivent alors en fonction des ri (30) v(t, x) = r2+ r3− r1− 2(r2− r1) sn2√
r3− r1(x− ct + x0), m
.
Le d´ephasage initial x0 reste ind´etermin´e dans la th´eorie de Whitham telle qu’elle est d´ecrite ici. Toute solution de l’´equation de KdV est donc d´etermin´ee `a translation pr`es. L’obtention de ce d´ephasage initial requiert de d´eterminer le syst`eme modul´e `a un ordre plus ´elev´e du d´eveloppement asymptotique (19). Il a pu ˆetre d´etermin´e pour certaines conditions initiales dans le cas de l’´equation de KdV [52, 65].
Le probl`eme formul´e par Gurevich & Pitaevskii consiste `a r´esoudre l’´equation de KdV en consid´erant la donn´ee initiale
u(0, x) =
u−, x < 0 ,
u+, x > 0 .
On fait l’hypoth`ese que la structure oscillante du choc peut ˆetre repr´esent´ee par une onde modul´ee dont les param`etres seraient une solution particuli`ere des ´equations de Whitham. Les deux extr´emit´es de la zone d´efinissant le choc dispersif sont constitu´ees par une onde harmonique d’un cˆot´e et par un soliton de l’autre. L’int´erieur de cette zone est repr´esent´e par un ´eventail complet d’ondes dont les param`etres varient entre ces deux limites, pour lesquelles m = 0 et m = 1 respectivement. L’onde `a l’ext´erieur de la zone oscillante est
r´egie par l’´equation de Burgers-Hopf, qui est la r´eduction de l’´equation de KdV au cas sans dispersion.
Dans la limite harmonique, le module m s’annule, ce qui se traduit par r2 = r1, et on observe la fusion de deux des vitesses caract´eristiques
m = 0 , V2(r1, r2, r3) = V1(r1, r2, r3) . Au contraire, dans la limite soliton on observe r2 = r3 et
m = 1 , V2(r1, r2, r3) = V3(r1, r2, r3) ,
Le probl`eme que se sont pos´e Gurevich & Pitaevskii est de d´eterminer une solution des ´equations modul´ees ri(t, x), i = 1, 2, 3 dont l’onde associ´ee v(t, x) donn´ee par (30) re-pr´esente la zone oscillante du choc dispersif. Ce probl`eme consiste donc `a d´eterminer une solution auto-similaire des ´equations de Whitham dont les conditions aux bords soient compatibles avec les ´etats macroscopiques de l’onde d´efinie `a l’ext´erieur de la zone oscil-lante par u±.
Dans le cas de l’´equation de KdV, la stricte hyperbolicit´e (les vitesses Vi sont r´eelles et distinctes) et la vraie non-lin´earit´e caract´eris´ee par
∂Vi
∂ri = 0 , i = 1, 2, 3 ,
sont deux propri´et´es importantes du syst`eme de Whitham v´erifi´ees pour 0 < m < 1 [82] qui assurent que l’´evolution de discontinuit´e initiale peut ˆetre repr´esent´ee par une modulation auto-similaire de la solution (30) qui est une onde de d´etente du syst`eme de Whitham v´erifiant
r1 = u+, r3 = u−, V2(u+, r2, u−) = xt .
L’onde de d´etente est d´efinie pour tous les temps t > 0 et on peut d´efinir les vitesses des extr´emit´es du choc dispersif s−en aval (cˆot´e faible amplitude ici) et s+en amont (cˆot´e soliton ici). Ces deux vitesses sont obtenues en consid´erant donc m = 0 ou m = 1 dans l’expression de V2
s−= V2(u+, u+, u−) = 6(u+− Δ) , s+= V2(u+, u−, u−) = 6(u++23Δ) , o`u Δ = u− − u+ est le saut `a travers le choc dispersif. On peut ´egalement calculer l’amplitude du soliton qui forme l’amont du choc a+= 2Δ.
Il existe une condition d’admissibilit´e pour un choc dispersif. Dans le cadre actuel d’une ´equation scalaire avec non-lin´earit´e convexe p(v) = 3v2, cette condition s’´ecrit
s−< p(u−) , p(u+) < s+, s−< s+.
Ces conditions sont l’analogue des conditions d’entropie d´efinies dans le cadre des chocs de Lax, mais dans le cadre dispersif.
La description des chocs dispersifs de l’´equation de KdV exige l’existence d’une onde simple, une d´etente, qui lie les ´etats extrˆemes d´ecrits par le syst`eme de Whitham. Cela signifie que l’hyperbolicit´e et la vraie non-lin´earit´e sont des propri´et´es indispensables `a la description des chocs dispersifs simples par les ´equations modul´ees. Des travaux r´ecents de El, Hoefer & Shearer [53] s’int´eressent au cas de l’´equation de KdV modifi´ee (mKdV) pour laquelle la non-lin´earit´e non convexe p(v) = 4v3 entraˆıne une perte d’hyperbolicit´e du syst`eme de Witham. Des r´esultats num´eriques concernant cette ´equation et les chocs dispersifs non-classiques qu’elle fait apparaˆıtre sont pr´esent´es au chapitre 3, section 4.2.
L’une des motivations de cette th`ese ´etait l’´etude des chocs dispersifs qui apparaissent ´eventuellement comme solution de syst`emes non-int´egrables. Pour ces ´equations, on ne dispose plus de solutions analytiques, ni d’´ecriture du syst`eme d’´equations modul´ees sous
forme diagonale `a partir d’invariants de Riemann. Dans ce cas, notre objectif ´etait d’ex-ploiter notre formulation du syst`eme de Whitham en variables (μ,λ, c) pr´esent´ee dans le
second chapitre de ce manuscrit et d’adapter le probl`eme de compatibilit´e de Gurevich & Pitaevskii.
Cependant, la description des chocs dispersifs simples par les modulations implique le calcul d’une onde de d´etente du syst`eme de Whitham liant les ondes de faible amplitude au soliton. Notre ´ecriture du syst`eme de Whitham en variable (μ,λ, c) n’est pas adapt´ee
`
a ce probl`eme. En effet, on rappelle que la perte d’hyperbolicit´e stricte du syst`eme dans la limite soliton est `a l’origine d’une perte de pr´ecision num´erique dans les calculs impli-quant la matrice D (26) qui d´efinit le syst`eme de Whitham. Dans ces conditions, il est num´eriquement impossible de r´esoudre le probl`eme de Gurevich & Pitaevskii pour des cas non-int´egrables.
On d´ecrit n´eanmoins au chapitre 3, section 4.3.2 une m´ethode introduite par El [50] qui permet de calculer les vitesses d’expansion de la zone de Whitham s± `a partir de la
relation de dispersion des ondes dans le cas de l’´equation (gKdV)
ω(k, v) = k p(v)− k3.
La vitesse de groupe est alors d´efinie par
(31) vg(k, v) = ∂kω(k, v) = p(v)− 3k2, tandis que la vitesse de phase vaut, pour k= 0
(32) vϕ(v, k) = w
k = p(v)− k2.
La vitesse des ondes harmoniques est donn´ee par la vitesse de groupe calcul´ee en l’´etat u±
auquel ces ondes sont associ´ees. La vitesse de l’onde solitaire est d´efinie comme la vitesse de phase associ´ee `a l’´etat± correspondant mais elle ne peut pas ˆetre calcul´ee par la relation
(32) puisque celle-ci n’est pas valable quand k → 0. L’id´ee est d’introduire un nombre
d’onde conjugu´e ˜k associ´e aux ondes p´eriodiques admissibles par l’oppos´e du potentielW .
Plus pr´ecis´ement, le soliton dont les caract´eristiques sont associ´ees `a celles d’un maximum local deW est vu comme une onde de faible amplitude associ´ee `a un minimum local de −W . Cette proc´edure nous permet de d´efinir la vitesse du soliton comme ˜ω/˜k.
Des r´esultats num´eriques sont pr´esent´es dans les cas N = 1 et N = 2. Un int´erˆet est port´e au cas de l’´equation (gKdV) γ = 4 pour laquelle notre ´etude de stabilit´e a r´ev´el´e l’instabilit´e spectrale des ondes de grande p´eriode. On peut alors observer les ´etapes de formation d’un choc dispersif suivi de la destruction de la structure avant la v´eritable apparition des ondes de grandes p´eriodes. Dans le cas des syst`emes N = 2, les simulations montrent la pr´esence de r´egularisations dispersives par deux ondes, un choc dispersif et une rar´efaction, chacune port´ee par l’une des deux caract´eristiques.
Les r´esultats num´eriques pr´esent´es concernent uniquement des ´equations semi-lin´eaires. Les enjeux de l’extension `a des cas quasi-lin´eaires sont pr´esent´es `a la fin du troisi`eme cha-pitre de ce manuscrit.
Chapitre 1