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PARTIE II PRISE EN CHARGE DU CANCER DU SEIN

1. Chirurgie

1.1. Chirurgie de la tumeur mammaire

1.1.1. Mastectomie

Jusque dans les années 1950, la chirurgie de référence était l’intervention de Halsted [52] décrite en 1898: mastectomie radicale élargie. Elle consistait à retirer en bloc le sein, les muscles pectoraux et le contenu lymphatique du creux axillaire. En 1948, le chirurgien Patey [53] publia une technique de mastectomie radicale modifiée consistant à conserver le muscle grand pectoral mais réséquant le petit pectoral pour permettre un curage. C’est le chirurgien Madden [54] qui, en 1972, proposa la mastectomie telle qu’elle est pratiquée actuellement, elle permet la conservation des muscles grand et petit pectoral et de réaliser un curage moins important (2 étages de Berg au lieu de 3).

1.1.1.1. Technique opératoire [55]

La patiente est installée en décubitus dorsal, le bras homolatéral en abduction à 90°. Dans la mesure du possible, le chirurgien devra éviter de réaliser des cicatrices trop hautes et trop internes visibles dans le décolleté. Il commence par dessiner les limites du sein au feutre sur la patiente sans sous-estimer le prolongement axillaire du sein. En l’absence de nécessité carcinologique, l’incision la plus classique est à orientation oblique. Il définit le point interne et le point externe de l’incision puis, en luxant successivement le sein vers le haut puis vers le bas, il trace une ligne droite reliant les extrémités de la cicatrice. Il obtient ainsi le dessin d’une palette cutanée fusiforme centrée sur la plaque aréolo-mamelonnaire (Figure 11).

La hauteur de peau réséquée doit permettre une fermeture sans tension excessive sur les berges cutanées mais également sans excédent cutané. Lors d’une suspicion d’atteinte cutanée, la palette réséquée devra emporter la région concernée.

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A : repérage de la tumeur, B et c : marquage des limites du sein, D : dessin de la palette cutanée

Figure 11 - Dessin de la cicatrice de mastectomie classique [55]

1.1.1.2. Alternative à la mastectomie

Il est possible de réaliser des mastectomies dites « conservatrices » ou « mastectomie sous-cutanée ». Il y a conservation de l’étui cutané et/ou de la plaque aréolo-mamelonnaire. Cette technique est utilisée en vue d’une RMI (Reconstruction Mammaire Immédiate). Les voies d’abord de cette technique diffèrent selon la morphologie des seins de la patiente. Pour les petits seins et les seins de volume moyen sans ptôse, une voie péri-aréolaire peut être proposée. Si l’aréole a un petit diamètre, une contre-incision externe et/ou interne peut permettre d’élargir la voie d’abord. Une incision fusiforme centrée sur la PAM est également possible. Pour limiter au maximum les risques vasculaires sur les lambeaux cutanés et également adapter la peau au volume que l’on souhaite reconstruire, une réduction cutanée pourra être envisagée en cas de seins ptôsés et/ou hypertrophiques. L’incision doit être la plus courte possible afin de limiter au maximum le risque de nécrose cutanée et donc si possible verticale plutôt qu’en T inversé (Figure 12).

66 La fermeture se fait après la mise en place de deux drains aspiratifs : l’un dans la loge de la mastectomie et l’autre dans l’aisselle en cas de curage axillaire associé. Ils sont tous deux extraits par le bas de l’aisselle. Ils permettent l’évacuation du sang et de la lymphe accumulés. Ils sont conservés 2 à 5 jours puis retirés lorsque l’exsudat n’est plus que de quelques millilitres. Des pansements recouvrant les cicatrices sont réalisés quotidiennement.

Les principales complications de la mastectomie sont des abcès, hématomes, nécroses cutanées, lymphocèles.

1.1.1.3. Chirurgie prophylactique

Elle s’adresse aux femmes qui présentent une prédisposition héréditaire (> 40 %) de cancer du sein du fait d’une mutation du gène BRCA1-2. La technique utilisée est la mastectomie sous-cutanée avec RMI bilatérale. Elle n’est réalisable que chez les femmes de plus de 30 ans, nécessite une grande réflexion de la patiente (délai d’au moins 4 mois) et est validée par une équipe pluridisciplinaire.

1.1.2. Tumorectomie [56]

La tumorectomie est indiquée dans le traitement de tumeurs de petites tailles (2 cm) ou un peu plus grosses si les seins sont suffisamment volumineux. L’exérèse de la lésion palpable doit se faire au large, 1 à 2 cm de ses limites et conserver un résultat esthétique correct. Elle est monobloc et part du plan superficiel sous-cutané et arrive en profondeur jusqu’au plan du pectoral. Les marges d’exérèse doivent être à distance, fonction de la taille de la tumeur et surtout de son siège dans le sein. Certaines zones, comme le sillon sous-mammaire, le prolongement axillaire ou l’extrémité interne du sein, ne permettent pas d’exérèse « au large ». Le chirurgien peut pratiquer une tumorectomie classique, une segmentectomie ou une quadrantectomie (ablation d’un quadrant du sein avec en général de larges marges saines, au résultat esthétique souvent médiocre). Dans certains cas, il peut être amené à retirer la PAM lors de la tumorectomie.

Plusieurs types d’incision sont possibles (Figure 13) :

- Arciformes : respect des lignes de tension cutanées, très souvent utilisées pour les tumorectomies des quadrants supérieurs ;

- Radiaires : en regard de la tumeur ;

- Dans le sillon sous-mammaire : pour les tumeurs situées très bas, très peu visibles ;

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Figure 13 - Incisions préconisées dans la chirurgie conservatrice du sein

Dans la quasi-totalité des cas, le drainage n’est pas nécessaire si le lit de tumorectomie est comblé et que l’hémostase est minutieuse. Pour les grands décollements ou en cas de troubles de l’hémostase, un drainage par drain aspiratif ou par lame peut être laissé en place quelques jours.

Généralement, en fin d’intervention, un clip métallique peut être placé au niveau du lit de tumorectomie pour guider le radiothérapeute ou une éventuelle reprise chirurgicale.

Les principales complications de la tumorectomie sont des hématomes, abcès, lymphocèles et déformations séquellaires. La meilleure prévention de ces déformations réside dans le remodelage du sein lors de la tumorectomie. Le remodelage peut faire appel aux techniques d’oncoplastie : décollement et lambeaux glandulaires, transposition de la PAM. Certaines équipes chirurgicales proposent des plasties controlatérales immédiates.

Les limites du traitement conservateur sont : taille de la tumeur, situation centrale, caractère évolutif, multifocalité, récidive après un traitement conservateur, mutations des gènes BRCA1 et 2, grossesse.

Pour des tumeurs plus importantes (3 à 5 cm), une chimiothérapie néoadjuvante est possible pour limiter la taille de la tumeur et rendre possible, par la suite, le traitement conservateur. Le risque de récidive est alors plus élevé.

Le développement du dépistage a entraîné une augmentation de la fréquence des formes infracliniques non palpables [49]. La segmentectomie (ou zonectomie : tumorectomie des lésions non palpables) nécessite un repérage radiologique préopératoire : mise en place d’un harpon sous échographie. Ensuite, le chirurgien s’oriente par rapport aux clichés mammographiques.

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