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en chiffres et ses effets

Dans le document Organisations et Territoires (Page 60-62)

Pour de nombreux économistes, la corruption plonge ses racines dans la délégation de pouvoir à l’origine du fait corporatif lui-même. C'est l'usage discrétionnaire du pouvoir dont jouissent certains

agents économiques qui rend possible la corrup- tion. Bien qu’il soit difficile de calculer les coûts exacts de la corruption, du fait du secret qui en- toure les différentes opérations, certains de ses effets sont visibles, des effets économiques et poli- tiques aussi bien sur le plan macroéconomique que microéconomique. En effet, la corruption diminue l’efficacité économique. Depuis plusieurs années, des chercheurs se consacrent à l’analyse de ses effets. Paolo Mauro (1997) a montré que la corrup- tion réduit le montant global des investissements des pays. Une étude se concentrant sur 67 pays pour la période de 1960 à 1985 a montré que la ré- duction des activités de corruption influe sur les flux d’investissements et se traduit par une hausse du taux d'investissement. Il montre que, si l’Égypte améliorait son efficacité administrative et réduisait son niveau de corruption, les investissements aug- menteraient de 3 % et le taux de croissance de 0,5 %. Notons que selon l’indice de perception de la corruption de Transparency International, l’Égypte, avec un score de 32 (un score de 100 signifie 0 cor- ruption), est classée 117e sur 180 pays. Wei (2000)

abonde dans le même sens et montre que la cor- ruption a pour effet de rendre inefficaces les dé- penses publiques puisqu’elles sont détournées vers des projets non socialement rentables par le canal des paiements facilitateurs ou pots-de-vin. En créant l’incertitude pour les investisseurs et les or- ganisations, la corruption détériore l’environne- ment des échanges commerciaux.

Sur le plan politique, la corruption encourage l’émergence d’institutions politiques extractives, c’est-à-dire des institutions économiques qui reti- rent les ressources de l’économie en ne protégeant pas les droits de propriété, en n’appliquant pas les contrats privés, en interférant avec les marchés. Ce sont des institutions construites de manière à ex- traire les ressources du reste de la société. Transpa-

rency International, une organisation non gouverne-

mentale consacrée à la lutte contre la corruption, dans son rapport sur la perception de la corruption, montre l’existence de liens entre les niveaux de corruption, la défense des droits et libertés et la mobilisation de la société civile (Transparency International, 2017). La corruption influe alors sur la qualité de la démocratie dans les différents pays. Aujourd’hui, les investissements directs étrangers (IDE) sont un élément moteur de la multinationa- lisation des entreprises et de la mondialisation.

Grâce aux politiques macroéconomiques favo- rables, les IDE ont connu une croissance considé- rable au cours des dernières décennies, mais cet essor a également été accompagné d'une augmen- tation significative de la corruption (Sanyal, 2005). Ces 25 dernières années, les IDE ont connu une croissance phénoménale, mais une baisse est surve- nue en 2016. « Les flux mondiaux d’IDE devraient atteindre près de 1 800 milliards de dollars en 2017 et 1 850 milliards de dollars en 2018 » (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le dévelop- pement, 2017). Dans un rapport publié en 2014, l’Organisation de développement et de coopération économique (OCDE) signale l’ampleur de la cor- ruption internationale. Le rapport analyse plus de 400 cas de corruption survenus dans le monde, impliquant aussi bien des personnes morales que physiques. Une des principales conclusions est que deux tiers des affaires de corruption sont survenus dans quatre secteurs seulement : les industries extractives (dans 19 % des cas), la construction (15 %), le transport et l’entreposage (5 %) et le sec- teur de l’information et de la communication (10 %) (OCDE, 2014).

Le fouillis de comportements corrompus fait qu’il est impossible de les connaître avec certitude, tout comme le coût réel de la corruption, en raison de sa clandestinité et de sa structure en réseau. Diffé- rentes approches ont été développées depuis ces dernières années pour contourner la difficulté. On trouve des mesures basées sur l’étendue de la cor- ruption, sur le coût de la corruption et les ten- dances en matière de corruption. Dans tous les cas, des problèmes conceptuels et méthodolo- giques rendent l’interprétation directe très difficile (Barkemeyer, Preuss et Lee, 2015; Heywood et Rose, 2014).

Faute de pouvoir documenter tous les faits de corruption, on peut évaluer les perceptions, de manière à en apprécier l’incidence. C’est le rôle d’un indice de perception (IPC) qui se construit à partir de plusieurs sondages d’opinion d’experts. Ces derniers, à partir de leur perception du niveau de corruption dans le secteur public d’une centaine de pays, les classent sur une échelle de 0 à 100; 0 indi- quant un degré élevé de perception de la corruption et 100 indiquant un pays sans corruption. À titre d’exemple, selon l’indice de perception de la cor- ruption (IPC) en 2017 de Transparency International, dans deux tiers des 180 pays/territoires l’ampleur

du fardeau de la corruption est importante, ces pays enregistrant une note inférieure à 50. Le rapport de 2017 estime que dans les pays pauvres, l’ampleur de la corruption est importante et s’y trouve couplée avec l’instabilité politique ou sociale. L’IPC permet

de dévoiler l’ampleur de la corruption et de sonner l'alarme sur la corruption endémique dans certains pays. La figure suivante donne un aperçu des faits de corruption dans le monde (Transparency Inter- national, 2017)1.

Pays perçus comme les moins corrompus

Pays perçus comme les plus corrompus

Rang Pays Rang Pays

1 Nouvelle-Zélande 168 Vénézuela 2 Danemark 171 Corée du Nord 3 Finlande 171 Libye 4 Norvège 171 Guinée-Bissau 5 Suisse 175 Yémen 6 Singapour 175 Soudan 7 Suède 177 Afghanistan 8 Canada 178 Syrie

8 Luxembourg 179 Sud Soudan 8 Pays-Bas 180 Somalie

Tableau 1 – Classement des pays perçus comme les plus corrompus et les moins corrompus à travers le monde Source : Construction des auteurs à partir des données de Transparency International (2017)

Ce niveau élevé de perception de la corruption met à mal les abstractions économiques des théories sur le fonctionnement des marchés. Les acteurs sociaux sont-ils égaux? Leur rationalité est-elle parfaite? Ces indices de perception de la corruption ne résolvent pas la question de la fiabilité de la perception (Dion, 2013). L’information est-elle accessible à tous les acteurs sociaux? En ce cas, comment le comporte- ment économique pourrait-il être aussi rationnel qu’on l’entend dans la théorie économique?

1.3

Le coût de la corruption

Dans le document Organisations et Territoires (Page 60-62)

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