• Aucun résultat trouvé

1. Motivation, traitement de la récompense et système mésolimbique

1.2. Modélisation de la motivation

1.2.2. Chez l’Homme

Il existe d’autres tâches comportementales faisant varier d’autres paramètres que l’effort à fournir pour obtenir la récompense. Par exemple, on peut donner le choix à l’animal entre deux formats de récompenses (faible et élevé) avec un effort à fournir similaire mais un délai d’attente pour obtenir la récompense variable (la tâche de « delay discounting ») (Bailey et al., 2016). Cette tâche est souvent utilisée pour évaluer l’impulsivité d’un individu et d’une certaine manière, cela mesure bien une composante de la motivation définie par le temps qu’un animal est prêt à attendre pour obtenir une plus grosse récompense (Phillips et al., 2018). Enfin, les tâches donnant le choix entre deux probabilités différentes d’obtenir des récompenses de tailles variables peuvent également être citées (St. Onge and Floresco, 2010; Stopper and Floresco, 2011) bien que nous nous rapprochions plus ici des processus de prises de décisions risquées qui constituent également une composante de la motivation.

Enfin il est intéressant de noter que de récentes études adressent de nouvelles questions à propos de la motivation. En effet, une autre variable qui peut être modifiée est le type d’effort à fournir. Il peut être ajouté à la notion de motivation à fournir un effort physique, la motivation à fournir un effort cognitif. Cette dimension motivationnelle a récemment été mesurée via une nouvelle tâche (« cognitive effort task ») (Cocker et al., 2012) qui permet à l’animal de choisir entre une discrimination simple ou complexe pour obtenir respectivement une petite ou grosse récompense.

1.2.2. Chez l’Homme

Le comportement est bien souvent mesuré en utilisant des questionnaires d'auto-évaluation de nature subjective et qui requièrent une communication verbale. Chez l’animal, toutes les études se basent sur l’observation des comportements non verbaux spontanés (e.g. l’activité locomotrice, les réactions hédoniques oro-faciales) ou issus d’un entrainement (e.g.

33

le conditionnement opérant). Il apparait donc que les essais cliniques, pour permettre une translation Homme - animal (des tests comme des résultats), devraient être complétés par des tests sans communication verbale. Cependant, aujourd’hui, le questionnaire est le test clinique majoritairement utilisé pour évaluer la motivation et il se présente dans des formes diverses et variées (Weiser and Garibaldi, 2015). Il en existe, par exemple, qui permettent d’évaluer la motivation chez un sujet sain ou dans le cadre d’une pathologie donnée (Tableau 1).

Le principal avantage de ces questionnaires est qu’ils permettent une évaluation simple et rapide du sujet. Cette méthode est de ce fait une mesure très répandue dans la recherche clinique permettant d’en tester sa reproductibilité voire d’effectuer des méta-analyses très robustes. Mais les limites sont nombreuses. Hormis l’absence de translation de l’Homme à

Tableau 1 Questionnaires cliniques utilisés communément pour mesurer la motivation, que ce soit chez les individus sains ou chez le patient atteint de trouble de la motivation (adapté de Chong et al., 2016)

34

l’animal, certains questionnaires vont également avoir une définition bien spécifique (ou trop peu spécifique) des symptômes ou processus qu’ils évaluent, ce qui peut aboutir à de mauvaises interprétations et conclusions (Der-Avakian et al., 2015). L’exemple le plus probant concerne l’évaluation de l’anhédonie, un symptôme classiquement retrouvé dans bon nombre de pathologies (ce point sera détaillé plus tard), dont les questionnaires, nombreux, regroupent bien souvent l’évaluation de multiples processus.

Plusieurs auteurs ont alors suggéré que les paradigmes de mesure de la motivation face à l’effort pouvaient être un outil puissant pour modéliser et étudier les dysfonctions motivationnelles observées dans de multiples pathologies neurologiques et psychiatriques (Chong et al., 2016; Der-Avakian et al., 2015; Phillips et al., 2018; Salamone and Correa, 2012; Slaney et al., 2018). L’effort se trouve être une variable particulièrement robuste pour étudier l’habilité d’un individu à initier des activités basiques journalières. Une réduction de la génération d’actions peut provenir d'un déficit motivationnel représenté par l’altération de la capacité à convertir l’évaluation de la valeur d’une récompense basique en une action à exécuter (Chong, 2018; Schmidt et al., 2008) (Figure 3).

Figure 3 Illustration des différentes étapes dans l’élaboration d’un comportement motivé face à un effort à fournir (T.J. Chong, 2018)

35

C’est pourquoi la tâche de PR a été adaptée pour une utilisation chez l’Homme dont il existe différentes versions (Bland et al., 2016; Roane et al., 2001; Strauss et al., 2016; Wolf et al., 2014) qui évaluent toutes l’habilité à maintenir un effort (cliquer sur une souris d’ordinateur, un bouton ou un clavier) pour une récompense. La récompense utilisée peut être alimentaire mais la plus fréquemment employée est l’argent, qui permet de remplir des besoins multiples et, par conséquent, qui sert de multiples fonctions (Hsee et al., 2003; Opsahl and Dunnette, 1966). Cet aspect multifonctionnel fait de l’argent un renforçateur secondaire très puissant chez l’Homme. De nombreuses études ont par ailleurs validé cette procédure, pour laquelle les récompenses plus importantes entrainent des valeurs de « break point » plus élevées (Glover et al., 2008; Penrod et al., 2008; Roane et al., 2001; Trosclair-Lasserre et al., 2008). Les tâches de choix liées à l’effort ont également été adaptées chez l’Homme. Par exemple, la tâche d’« Effort-Expenditure for Rewards » (EEfRT) où les participants vont choisir entre une tâche simple ou difficile (presser un bouton un certain nombre de fois pendant un temps donné) qui vont entrainer le gain d’une petite ou grande récompense monétaire respectivement (Treadway et al., 2009).

A l’inverse, l’évaluation de l’effort cognitif vient de paradigmes mis en place chez l’Homme comme les tâches d’attention spatiale, de flexibilité comportementale, de conflit par exemple où les exigences cognitives entraînent un coût, un effort à fournir (Chong et al., 2016). Ils sont maintenant en voie de développement chez l’animal cependant l’équivalent des tâches mettant en jeu un effort cognitif chez l’animal reste extrêmement rare (« Cognitive effort task ») (Cocker et al., 2012).

L’intérêt de l’utilisation de toutes ces tâches comportementales réside à différents niveaux. D’abord, il permet d’étudier et de disséquer la motivation de plus en plus précisément, ce qui permet à terme de pouvoir, sur un même individu, évaluer différentes composantes de la motivation ainsi que d’autres sphères comportementales (« liking », locomotion, métabolisme…). Cela résulte en une meilleure compréhension des mécanismes cérébraux dont dépendent ces différents comportements ainsi qu’une analyse plus approfondie et précise des altérations neurobiologiques induites par les modèles expérimentaux animaux. De manière plus importante encore, ces tâches permettent une translation de l’animal à l’Homme (comme c’est le cas pour toutes les tâche de ratio progressif et de choix) ou au contraire de l’Homme à l’animal notamment via l’adaptation de « jeu » stimulus-réponse utilisé chez l’Homme (Anderson et al., 2012; Pizzagalli et al., 2005;

36

Treadway et al., 2009) voire via l’introduction de nouvelles technologies dans la recherche préclinique, comme les écrans tactiles (Phillips et al., 2018), facilitant ainsi grandement la recherche translationnelle (Figure 4). De plus, en associant ces mesures comportementales avec des mesures structurelles ou physiologiques, les comparaisons inter-espèces peuvent alors atteindre leur paroxysme quant à leur utilité pour la recherche médicale.