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Chasse, tri de bétail et capture d’animaux : la place des équidés dans un

B. La violence dans The Border Trilogy : quelle place pour le cheval ?

2. Chasse, tri de bétail et capture d’animaux : la place des équidés dans un

Présent dans les affrontements entre humains, le cheval est également fondamental dans les combats entre l’homme et l’animal. L’animal est tantôt tué ou capturé, souvent par l’intermédiaire du cheval. Dans le chapitre « The Hunt as Ballet in Cities of the Plain », Sanborn poursuit la métaphore du cheval guerrier, qui se voit ici associé à la chasse. Deux longues scènes de chasse s’offrent en effet au lecteur dans ce dernier volume, la première contre un mountain lion, et la seconde contre un groupe de chiens errants, feral dogs.183 Ces scènes de chasse sont décrites comme des chorégraphies impliquant humains, animaux domestiques et animaux sauvages.

He overtook the dogs again and rode past so as to head them. The running dogs looked up, their eyes lost, their tongues lolling. Their dead companion came sliding up beside them at the end of the trailing rope. Billy looked back and reined the horse to the right and dragged the dead dog in front of them and headed them in a long running arc. John Grady was coming hard

181 McCarthy, Ibid., p. 653.

182 McCarthy, [All the Pretty Horses], Op. Cit., p. 113.

183 Sanford rappelle que le terme mountain lion fait désigne en réalité un puma (p. 149). Dans son

introduction, il précise par ailleurs que le mot feral désigne « domestic cats or dogs that have gone wild, by choice or by force » (p. 3). Sanborn, Op. Cit.

across the mesa and Billy brought the dun horse to a halt in a series of hops and jumped down and freed his noose from the dog and rewound it on the run and mounted up again.184

Dans cet extrait, les verbes de mouvement sont omniprésents, et le cheval apparaît clairement comme intermédiaire entre les cowboys et les chiens. Le but de cette chasse est de tuer les chiens responsables de la mort du bétail, nécessaire à la survie au ranch. Sanford souligne que quelques animaux, comme les coonhounds (chiens de chasse), sont instinctivement aptes à la chasse et sont donc valorisés auprès de l’homme au même titre que le cheval.185

Cette notion d’autonomie animale concerne en effet le cheval, notamment pour le contrôle du bétail. Dans l’extrait ci-dessus, Billy monte « Watsons’s Blue dun horse » sur la proposition de John Grady, qui affirme que le cheval est habitué à ce type de d’exercice.186 En effet, l’animal apparait plus tôt dans le texte comme un

excellent cheval de cutting, ou « cheval de tri ».

He sat the horse. The horse stamped at the bare ground and shook its head. All right, he said. We’re goin.

[…]

The little blue horse he rode had the cutting horse’s contempt for cows and would closeherd them along the crossfences and bite them. John Grady gave him his head and he cut out a big yearling calf and John Grady roped the calf and dallied but the calf didn’t go down. The little horse stood spraddlelegged backed into the rope with the calf standing and twisting at the end of it.

What do you want to do now? He asked the horse.187

Ici, « the little blue horse » devient le sujet de l’action à partir du moment où John Grady rallonge ses rênes (« gave him his head »). John Grady sollicite l’avis du « Little blue horse » directement, lui conférant ainsi le statut de partenaire et co-équipier plutôt que de simple moyen. De plus, le bétail, ou la perte du bétail, représente un enjeu économique, comme le souligne Sanborn. Les chevaux pourraient donc être perçus comme les compagnons de chasse des personnages : « both horses and coonhounds are warrior animals, animals that fight beside man ».188 Cependant, la section « Posséder un cheval : le problème des papiers » a permis de démontrer que la relation homme cheval ne saurait se résumer à des enjeux économiques.189

184 McCarthy, [Cities of the Plain], Op. Cit., p. 911. 185 Ibid., p. 159.

186 « take my horse. Or Watson’s. He’s been through here before », p. 910. 187 McCarthy, [Cities of the Plain], Op. Cit., p. 790-791.

188 Sanford., Op. Cit., p. 153. 189 Voir I/B.

Lorsque qu’Oren fait remarquer à John Grady qu’il aurait pu acheter « the little blue horse », John Grady parle du « cheval de ses rêves » et semble affirmer que la qualité d’un équidé n’est pas mesurable :

Horse of my dreams, he said. It aint exactly like that. How is it then?

I don’t know, it’s just something you like. Or don’t like. You can add up all of a horse’s good points on a sheet of paper and it still wont tell you whether you’ll like the horse or not.190

Ici, la fonction du cheval-chasseur est remise en question. John Grady souligne l’importance du hasard, thématique phare de l’auteur. De plus il est important de remarquer que les deux scènes de chasse, celle des chiens errants et celles du veau, ne s’achèvent par une victoire qu’après des efforts importants et au prix de pertes animales. Certaines scènes de capture se soldent même par un échec. C’est évidemment le cas dans The Crossing, où Billy ne parvient pas à sauver la louve. La fonction première de la chasse, et la place qu’y occupe le cheval, semblent remises en cause. Le mouvement en avant est en effet décrit comme plus important que le but, ce qui peut expliquer pourquoi Billy poursuit, malgré tout, sa route avec le cadavre de la louve. Ce dernier élément peut être relié à la nature même du cheval. Susanna Forest nuance le symbole de cheval comme guerrier inné en racontant sa rencontre avec l’éthologue Lucy Rees : « What is work to them ? It’s not « work », it’s just moving ».191 Cette notion est présente dans la trilogie, où cavaliers et chevaux avancent souvent sans objectif, jusqu’à en oublier la notion du temps.