Çarvilaka.
—
Seigneur, le roi Aryaka arecommandé
qu'on vous dise ceci: « Jouis-sez de ceroyaume
que jedois à vos services (114)- »Charudatta.
—
C'est à sespropres mérites qu'il le doit.Une
voixderrière lascène.—
Voici Sams-thânaka. Viens, viens! recevoirle prix de ta perversité.(Samsthânakaapparaît sur lascène main-tenu par quelques
hommes
; il a lesmainsliéesderrièrele dos.) Samsthânaka.
—
Hélas!« Je m'étais enfui au loin,
comme
un âne qui a brisé ses liens, et voilà que je suisramené chargédechaînes,
comme
un chien malfaisant.»(Regardant autour de lui.) Ces gens dont
je suis le prisonnier m'entourent de tous côtés.
Où
trouver un refuge dansma
dé-tresse? (Ilréfléchit.) Soit; je vaisimplorerla protection (115) de cet
homme
qui ne larefuse jamais à ceux qui lasollicitent.
i.S'a-rançant vers Charudatta.) Seigneur Charu-datta,protégez-moiI protégez-moi! (Iltombe àsespieds.)
Voix derrière lascène.
—
Seigneur Cha-rudatta, livrez-le-nous; nous voulons le tuer.77 Samsthanaka.
—
Protégez-moi, vous le refugedeceux qui n'ont pasde refuge!Charudatta, avec commisération.
—
Sé-curité, sécurité! pour qui se placesousma
protection.
Çarvu.aka, avec emportement.
—
Qu'on l'enlève d'auprès de Charudatta. (.4Charu-datta.)
Eh
bien ! Dites ce qu'ilfautfaire de ce criminel (iiG).« Je suis d'avis qu'après l'avoir garrotté solidementon lefasse dévorer parleschiens, ouqu'onl'empale,ou qu'onlecoupeen mor-ceaux aveclascie. »
Charudatta.
—
Fera-t-on ceque je dirai?Çarvu.aka.
—
Sans doute.Samsthanaka.
—
Seigneur Charudatta, jeme
suis placésous votre protection, sauvez-moi, sauvez-moi!' Prenez une résolution conforme à votre caractère; je ne recom-mencerai plus (117).Vo.X DE CITADINS DERRIÈRE LA SCÈNE.
—
11 faut le tuer. Pourquoi laisservivreun
cri-minelcomme
lui?(Vasantasenâ prend la couronne de
con-damné
àmort que Charudattaporte au couet la jettesur Samsthanaka.)
Samsthanaka.
—
Apaise-toi,filled'esclave, je n'essayerai plus de te faire mourir; pro-tège-moiIÇarvilaka.
—
Allons! emmenez-le! Sei-gneur Charudatta, dites ce qu'il faut faire dece misérable.Charudatta.
—
Fera-t-on ce quejedirai?Çarvilaka.
—
Bien certainement!Charudatta.
—
C'est sûr?Çarvilaka.
—
Absolument sûr.Charudatta.
—
S'il en est ainsi, qu'on se hâte...Çarvilaka.
— De
le tuer?Charudatta.
— Non
pas, nonpas—
de lemettre en liberté.
Çarvilaka.
— Hé
! pourquoi?Charudatta.
—
«On
(118)nedoit pas frap-perduglaivel'ennemi dontona à seplaindre, quandil s'est jeté à vospieds et qu'il a im-ploré votre protection.Çarvilaka.
—
-Eh
bien! qu'on le fasse dévorer parles chiens.Charudatta.
— Non
pas, non pas!Le seul châtiment à lui infliger est un
bienfait. »
Çarvilaka.
—
Seigneur, je vousadmire...Dites cequ'il fautfaire.
Charudatta.
—
Le mettreen liberté.(On laisseSctmsthânakaen liberté.) Samsthanaka.
—
Ciel!Jesuisrenduàlavie!(// sort avec les
hommes
qui l'avaient amené.)ACTK
X.79
On
(iiq) entend ungrand
bruit dans la coulisse, puis une voix qui s'écrie :Hélas! l'épousede Chârudatta, après s'être lavé les piedsetavoir repoussé son fils qui s'attachait à ses vêtements, va monter, les joues couvertes des larmes abondantes qui tombentdesesyeux, surle bûcherqu'elle a fait allumer.
Çarvilaka, prêtant Voreille et regardant ducôtédelacoulisse.
—
Quoi?Chandanaka!Qu'ya-t-il, Chandanaka?
Chandanaka, se présentant sur la scène.
— Vous
ne voyezpas, Seigneur, cette foule considérable quise trouve rassemblée au sud dupalais du roi? J'ai bien dit à l'épouse de Chârudatta : «Madame,
ne précipitez rien,votremari estsauvé. » Maisquand onest en proie (120) au chagrin, on n'écoute, on ne croit personne.
Chârudatta,vivementému.
— Ah!
chère épouse,comment
peut-elleprendre unepa-reille résolution du
moment
où j'ai la vie sauve?(// lève les
yeux
auciel etpousse un long soupir.) Hélas!aimableépouse,« Si tu ne veux plusrester surcetteterre et continuer d'y pratiquer tes vertus, tu
8O LK
CHARIOT
DK TE R R E CUITI•'.ne saurais pourtant goûter le bonheur de l'autre monde, tout en restant fidèle à tes devoirs envers moi, en m'abandonnant ici-bas (121). » (Ils'évanouit.)
Çarvilaka.
— Ah!
quelleconjoncture dif-ficile!« Là-basles événements se précipitent(?) (122), ici Chàrudatta est évanoui.
De
tous côtés, hélas! nos efforts menacent de rester inféconds. »Vasantasena.
—
Revenez àvous, Seigneur,et courez auprès de votre épouse pour lui sauverla vie.Autrement, un
grand
malheur peut être le résultat de votre faiblesse.Chàrudatta, reprenant connaissance etse relevantprécipitamment
—
Chère amie, où es-tu! Réponds-moi, je t'enprie.Chandanaka.
—
Par ici, parici, Seigneur.(Ilss'en vont tous.)
(On voit apparaître alors, dans l'attitude qui a été décrite, l'épouse de Chàrudatta avecRohasenaquitire lebord desa tunique, suivi deMaitreya et de Radanikâ.)
La
femme de Chàrudatta, pleurant.—
Laisse-moi,
mon
enfant, ne metspas d'obs-tacles àl'exécutiondemon
dessein; jecrains d'avoirà entendre les reproches demon
sei-gneur. (Elle dégage sa tunique de son étreinteet s'avance verslebûcher.)
8i
Rohasena.
— Ah! ma
mère, pensez à moi.Sans vous il m'estimpossible de supporter
lavie. (//seprécipite vers elle etreprend le
bord desa tunique.)
Maitreya.
— Madame,
arrêtez (122) ! Lesrishis considèrent
comme un
péchéquel'é-pouse d'un brahmane
monte
(123) seule surun
bûcher(124).La femmedeCharudatta.
—
J'aime mieux commettre un péché que d'avoirà entendreles reprochesde
mon
seigneur.Çarvilaka, regardant devant lui.
—
Hâ-tonsnous; votre épouse est arrivée au pied du bûcher.
(Charudatta accourtà toutesjambes.) La femme de Charudatta.
—
Radanikâ, prends l'enfant pendant que je monterai surle bûcher.
Radanikâ.
—
Je l'encouragerai, au con-traire, à nepasvous quitter (125).La femme de Charudatta,regardant Mai-treya.
—
Seigneur, prenez-le, vous.Maitreya, avec trouble.
—
11est de règle qu'un brahmanemonte
lepremiersurle bû-cherpourleconsacrer. Aussi,Madame,
vais-jcvousmontrer le chemin.La
femme de Charudatta.—
Quoi! deux personnespourme
contredire?Mon
enfant, conserve-toi pour apporter à tes parents5.