• Aucun résultat trouvé

UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY WILLIAM H. DONNER COLLECTION. purchased front. a gift by THE DONNER CANADIAN FOUNDATION

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY WILLIAM H. DONNER COLLECTION. purchased front. a gift by THE DONNER CANADIAN FOUNDATION"

Copied!
112
0
0

Texte intégral

(1)

3798

76

(2)

UNIVERSITY OF TORONTO

LIBRARY

WILLIAM

H.

DONNER COLLECTION

purchased front agift by

THE DONNER CANADIAN

FOUNDATION

(3)
(4)
(5)

BIBLIOTHEQUE OIUENTALE ELZEVIRIENNE IX

LE CHARIOT

DE TERRE CUITE

(6)
(7)

BIBLIOTHEQUE ORIENTALE ELZEVIRIENNÉ

LE CHARIOT

DE TERRE CUITE

(mricchakatika)

•D%«4ME

SA1LSCRJL7

attribuaau roiÇùdraka, traduitetannotedes scolies inéditesde Lallâ Dîkshita,

PAUL REGNAUD

Ancienélèvedel'EcolepratiquedesHautes-Etudes, Membredela Sociétéasiatique.

TOME QUATRIEME

PARIS

ERNEST LEROUX, ÉDITEUR

libraire de la société asiatique deparis de l'école des langues orientales vivantes, etc.

2.s, hue bonaparte, 28 i377

(8)

%T^ *

TK

379?

531 \A7if

\87é

(9)

LE CHARIOT

DE TERRE CUITE

ACTE IX

LE PROCÈS

L'huissier, apparaissant sur la scène.

J'ai reçu l'ordre des juges (i). « Huissier, m'ont-ilsdit,rends-toidanslasalle dejustice et prépare les sièges, » Je viens en consé- quenceexécuterces prescriptions.(//s'avance en regardant autour de lui.) Voilà la salle;

entrons.(//entre, balayeetmet lessièges en place.) La salle est nettoyée (2) et les sièges sont prêts; je vais en informer lesjuges. (//

s'avance en regardant autour de lui.)

Ah!

voilà le beau-frère du roi qui vient ici; c'est

un méchant

homme

(3) et je vais tâcherde passer sans qu'il

me

voie. (// seretire à l'é- cart.)

(10)

2

LE CHARIOT DE TERRE

CUITE.

Samsthanaka, brillamment paré.

« Je

me

suis baigne dans de l'eau, dans des on- des,dans desflots; je

me

suis couché dans

un

parc, dans un bosquet, dans un jardin, entouré

comme

un gandharva de jouven- celles,de tendrons, de

femmes

belles etbien faites.

((

On

m'afait etdes

nœuds

etdes nattes;

on m'a misdesbouclesd'oreilles et des per- les et un chignon relevé.

Ne

suis-je pas

un

prince (4)pareetdécoré? »

Pareilau ver qui, ayant pénétré dans les entrailles, y exerce les effetsdupoison, j'ai

trouvé de vastes intestins à ravager...

Reste àsavoir sur qui je ferai retomber

cette déplorable affaire (5)? {Rappelant ses souvenirs.)

Ah!

j'y suis. C'est sur Chàru-

datta, cet indigent, que j'en ferai porter le fardeau. D'ailleursilestpauvre: la chose pa- raîtra toutà faitvraisemblable(6). C'estcela;

je vaisentrer dans la salle de justice et faire prendre note devant moi que Chàrudatta a assassinéVasantasenà. Allons-y sanstarder.

(Ils'avance en regardant autour delui.)

La

voici justement. {Il entre.)

Ah!

les sièges sont prêts; en attendantque les jugesn'arri- vent, je vais m'asseoir un instant sur ce carrédegazon et je regarderai les passant^

(7). (// s'assied.)

(11)

ACTE

IX. 3

L'huissier, s'avançant d'un autre côté en regardant devantlui.

Voici les juges; il fautm'approcher.

{Arrive sur lascène lejugeprésidenten- touréduprévôt des marchands (8),dugref- fier, etc.)

Le

juge.

Holà! Messieurs le prévôtdes marchandsetlegreffier!

Le

prévôt et legreffier.

— Nous som- mes

à vosordres, Seigneur.

Le

juge.

La solution d'une affaire dé- pendde bien des choses (9) etil est toujours

difficile auxjuges de pénétrer dans la pensée d'autrui(10).

<(

On

voit souvent portercontre quelqu'un

une

demande

en justicedont la preuveest à faire (11) et que l'enquête (12) ne justifie pas. Mais les demandeurs, dominés parla passion, ne reconnaissent pas leurs torts de- vantletribunal,etleprince n'esttouchéque par les griefsqu'exagèrentà plaisir les plai- deurs en présence (i3). Bref, pour le juge (14) il est très-facile d'encourir le blâme, tandis que son mérite esthors de la portée des plaideurs.

Ou

bien(i5)

«

On

voit des gens irrités porter contre d'autres desaccusationsdont lapreuve està faire etquel'enquêtene justifiepas. Maisles

(12)

4 LE

accusateurs nereconnaissent pas leurstorts devant la justice; quoique honnêtes (16) à d'autres égards, ils commettent en cela

un

crime qui s'accroît dans la chaleur du débat entrelesparties, etilscourentàuneperte(17) certaine. Bref, pour le juge,il esttrès-facile d'encourir le blâme, tandis que son mérite esthors delaportée des plaideurs. »

Aussi, doit-il (18)

« Connaître la loi, êtrehabile àdécouvrir

lesfourberies,doué d'éloquence, non irasci- ble, équitable pour ses amis

comme

pour

ses ennemis; qu'il ne prononce de sentence qu'après que la cause a été examinée; qu'il protège les faibles(19), châtie les méchants

et reste fidèle à ses devoirs et dépourvu de cupiditédevant un cas à résoudre(20);

son

cœur

doit s'attacher à la vérité pureet

il faut qu'il s'applique à détourner la colère du roi. »

Le prévôt et ee greffier.

— On

nepourra vous taxer de blâme (21), Seigneur, que le jouroù l'on pourradire que le

monde

de la

lune est obscur.

Le

juge.

— Ami

huissier, inJique-nousle

chemin de lasalledejustice.

L'huissier.

Venez, venez! Monsieurle juge. (Lesjugessemettentenmarcheversla salle.) Voilà la sallede justice. Messieurs

(13)

ACTE

IX. D

les juges peuvent entrer. (Ilsentrent tous.)

Lejuge.

— Ami

huissier, va dehorset de-

mande

s'il y a des plaideurs.

L'huissier.

J'obéis. (// sort.) Messieurs

lesjuges demandent s'ily ades plaideurs.

Samsthanaka, avec joie.

— Ah!

les juges sont en séance. (S'avançant avec orgueil)

Moi,

homme

d'importance,lebeau-frère du

roi, le beau-frère du prince, un Vasudeva personnifié, j'ai une plainteà porter en jus- tice.

L'huissier, effrayé (22).

Ciel (23)! c'est lebeau-frèredu roiqui seprésentelepremier devantlajustice. Seigneur, veuillezattendre un instant, jevais avertir les juges. (77 ren- tre dans la salle du tribunal.) Seigneur, voicilebeau-frère du roi qui vient à titrede

demandeur

présenter une affaire au tribu-

nal.

Lejuge.

Quoi! le premier plaignantest le beau-frère du roi! Cela nous annonce,

comme

quand on voit une éclipse (24) au le- ver dusoleil, la chute d'un

homme

considé- rable. Huissier, nous avons aujourd'hui à

nousoccuperd'affairesnombreuses(23),sors donc et dis au beau-frère du roi des'en al- ler, carsa plainte ne peut pasêtreexaminée actuellement.

L'huissier.

J'exécute vos ordres, Sci-

(14)

gneur. (Ilsort et revient trouver Samsthâ naka.) Seigneur, lesjugesvousfont dire que vous pouvezvous enaller; ilsnepeuventpas s'occuperdevotre affaireaujourd'hui.

Samsthanaka,irrité.

Quoi!

mon

affaire ne sera pasexaminéeaujourd'hui? S'ilenest ainsi, j'en informeraile roiPâlaka, mari de

ma sœur

(26),ainsique

ma

sœur elle-même

et

ma

mère (27); je demanderai qu'on renvoie(28) ce juge et je le ferai remplacer parun autre. (Ilfait minedesenaller.)

L'huissier.

Prince, attendez une mi- nute;je vais fairepart devotre réponseaux juges. (Ilserend auprès dujuge.)Seigneur,

le beau-frère du roi s'est mis en colère eta dit que si son affaire n'est pasexaminéeau- jourd'hui, ilen informeraleroiPâlaka,mari desasœur,ainsique sasœur et sa mère. Il

demanderaqu'onvous renvoie et vous fera remplacer par

un

autre.

Le juge.

— On

peut toutcraindredecette tète folle. Retourne auprès de lui pourlui direqu'ilvienne etqu'on vas'occuperde son affaire.

L'huissier, retournant auprès deSamstha- naka.

Seigneur, lesjuges vous font dire de vous rendre auprès d'eux: ils vonts'oc- cuper devotreaffaire. Veuillez doncentrer.

Samsthanaka, à part avecjoie.

— Ah!

(15)

ACTE

IX. 7

ah (2g)! ilsont

commencé

par dire:«

On

ne l'examinerapas»,puisilsdisentmaintenant:

«On

l'examinera »; ils ont eu peur, Mes- sieurs les juges, et ils s'en rapporteront à tout ce que je vais leur dire (3o). Entrons.

(Ilentre et s'avance prèsda tribunal.) Bien

le bonjour à nous-mêmes; quant à vous, Messieurslesjuges, jepuis vousdonnerou vous refuser le bonjour (ou la possession tranquillede votreemploi).

Le juge, à part.

Voilà bien l'attitude implacable d'un plaignant! (Haut.) Veuillez vous asseoir.

Samsthanaka.

— Hé

bien! toutesces pla- ces ne m'appartiennent-elles pas et nepuis- je pas m'asseoir où bon

me

semble? (Au prévôt.) Je veux m'asseoirà votre place. (A l'huissier). Maisnon,àla tienne.(Mettantla

main sur la tête du juge.) Voici plutôt où j'entends m'asseoir. (Ilfinit par s'asseoir à terre.)

Lejuge.

Seigneur, vousavezuneplainte à déposer?

Samsthanaka.

Certainement!

Lejuge.

Exposez-nousl'affaire.

Samsthanaka.

Je vais la faireentendre à vosoreilles; mais sache^ d'abord quej'ap- partiens à une grandefamille.

«

Mon

pèreestle beau-pèredu roi, leroi

(16)

est le gendre de

mon

père, moi je suis le

beau-frère du roi etle roi est lemari de

ma

sœur. »

Le

juge.

— Nous

savonstoutcela.

«

Au

reste,qu'importelanaissance:lavertu estle seul mobile en pareille circonstance.

C'est sur

un

sol fertileque les épines crois- sent leplus vigoureusement. »

Veuillez donc nous faire connaître l'af- faire.

Samsthanaka.

Lavoici. Jene suiscou- pableenquoiquecesoit (31). L'époux de

ma

sœur, content demoi, m'adonné, pour m'y amuser,la jouissanceduplusbeau detousles parcs, du vieux(32)jardinPushpakarandaka, et je vais chaque jour le visiter et veillerà ce qu'il soit tenu sec, propre, bien soigné et bien émondé.

En m'y

promenant aujour- d'hui, lehasarda vouluqueje visse, ouplu- tôt que je ne visse pas, le cadavre d'une

femme

assassinée.

Le

juge.

Et l'avez-vous reconnue?

Samsthanaka.

Ah! Messieurs les ju- ges,

comment

aurais-je pune pas reconnaî- tre cette

femme

qui était l'ornement de la ville et que paraient cent bijoux précieux?

C'est Vasantasena qui aura été étouffée à forcede bras par quelque mauvaissujetvenu dansle parc désert avecl'intention devoler,

(17)

ACTE

IX. Q

non par moi... (Ilsecourre labouche sans achever.)

Le

juge.

La police de la ville estbien négligente! Prévôt et vousgreffier, couchez par écrit les mots : « Non, par moi. » Voilà un premierpointacquis pour l'affaire(33).

Le greffier.

J'obéis,seigneur. (7/écrit.)

Larédactionestfaite.

Sàmsthanaka,à part.

Ciel! (34) j'aifait

comme

Pàyasapindaraka courant etvolantà toute vitesse (35)... Je

me

suis exposé à un grave danger. Soit; tâchons d'en sortir.

{Haut.) Mais, Messieurs les juges, j'allais dire simplementqueje ne l'avais pasvu as- sassiner. Pourquoi faire tant de bruit à ce propos/(Il effaceaveclepied cequ'on vient d'écrire.)

Le

juge.

— Comment

avezvous su que quelqu'unl'avaitétouffée dansses bras pour prendrece qu'elleavait sur elle?

Sàmsthanaka.

Parbleu! je l'ai conjec- turé à la vue de son cou congestionné et privé de ses ornements (36), ainsi que par l'absence d'objets précieux dansles endroits où les

femmes

en portent habituellement.

Le prévôt et le greffier.

Cela paraît juste (37).

Sàmsthanaka, àpart.

Ah

! je reviensà la vie.

(18)

CHARIOT

Lk PRÉVÔT ET LE GREFFIER.

Surqui TC- posecette affaire?

Lejuge.

Ellepeut êtreconsidéréesous deuxaspects.

Le

prévôt et le greffier.

Lesquels?

Le juge.

— On

peut envisager l'examen de la plainte et la recherche desfaits. Le premier pointdépend desdiresdu plaignant et de la personnequ'intéresse la plainte, et le secondestlivréà l'intelligencedes juges.

Le prévôt et le greffier.

Alorsl'af- faire repose sur la mère de Vasantasenâ (38)?

Le

juge.

Parfaitement.

Ami

huissier,va citertranquillementlamère de Vasantasenâ à comparaîtredevantle tribunal.

L'huissier,quiest sorti pour revenir un instantaprèsavec la mère de Vasantasenâ.

Venez, venez!

Madame.

La

mèredeVasantasenâ.

— Ma

fille s'est

rendue chez

un

ami pour profiterdesajeu- nesse. SurPentrefaite, cevieillardvient

me

direquelejuge

me

fait appeler... Je

me

sens prête àdéfaillir etle

cœur me

bat à se rom- pre... Montrez-moi, Seigneur, le chemin de

lasalle où siège letribunal.

L'huissier.

Venez, venez!

Madame.

(Ils se mettent en marche.) Voilà la salle d'au- dience;entrez,

Madame.

(7/5entrent.)

(19)

ACTE

IX. II

La mère de Vasantasena, s'avançant.

Bonjour, Messieurs lesjuges!

Le

juge.

— Madame,

soyez la bienvenue;

veuillezvous asseoir.

La

mère de Vasantasena.

Soit. (Elle s'assted.)

Samsthanaka. d'un ton de mépris.

— Te

voilàvenue,vieille entremetteuse.

Le

juge.

— Vous

êtes bien lamèrede Va- santasena?

La

mèrede Vasantasena.

Oui,Monsieur

lejuge.

Le juge.

Pouve^-vous nousdire où est alléeVasantasena?

La

mèrede Vasantasena.

Chez

un

ami.

Lejuge.

— Comment

s'appellecet ami?

La

mère de Vasantasena, à part.

Je rougis d'avoir à le dire. {Haut.) C'est une question quepourraientfaire certaines per- sonnes,mais non pas

un

juge.

Le juge.

Pastant de pruderie; l'aflaire exigequevous répondiez.

Le

phévôt et le greffier.

L'affaire l'exige; il n'y a pas d'inconvénient; par- lez!

La

mère de Vasantasena.

L'affaire l'exige? Dans ce cas, veuillez m'écouter, Messieurs les juges. Dans le quartier du

Commerce

réside unparticulierquiest petit-

(20)

LE CHARIOT

filsde Vinayadatta le syndic,fils de Sâgara- dattaetquiportele

nom

justement appliqué de Chârudatta;c'estchezlui que

ma

fille est alléegoûterle plaisirdela jeunesse.

Samsthanaka.

— Vous

avezentendu, Mes- sieurs les juges? Ecrivez cette déposition;

c'est contre Chârudatta que

ma

plainte se trouvedirigée.

Le

prévôt et le greffier.

Chârudatta étaitson ami; il n'y a rien d'étonnant à ce quellesoitallée levoir.

Le juge.

Chârudatta se trouve néan-

moinsimpliqué dans l'affaire.

Le

prévôt et le greffier.

Evidem- ment.

Le juge.

Dhanadatta {3g), écrivezque Vasantasenâ est allée chez Chârudatta;

voilà le premierpointde l'affaire. Mais pou- vons-nous faire comparaître ici leseigneur Chârudatta? Oui, car l'affaire l'exige.

Ami

huissier, vadireau seigneur Chârudatta, na- turellement, tranquillement, sans esclandre, et avecle respect qui lui est dû, devouloir bien se rendre ici, que le juge désirerait le voirà l'heure qui luiconviendra.

L'huissier.

Seigneur, j'exécute vos or- dres.(Ilsortpour reveniravec Chârudatta.) Seigneur,veuillez venir avec moi.

Chârudatta, d'un air pensif.

«

Ma

(21)

ACTK

IX. I3

famille et

mon

caractère sont choses con- nuesdu roi,mais,vraiment,cette citationim- plique un doutedont

ma

considération se- rait l'objet. »

(Apart, d'un ton indécis.)

« Saurait-on quecet

homme

(40) échappé deprison,dontj'aifait la rencontre,a étéen- gagé par moi à s'esquiver dans

ma

litière.

;

Lefait d'ailleurs a puvenir auxoreilles du

roiparlesespionsquivoient toutpourlui,et c'estpourcela que

me

voilà m'en allantap- préhendé, enquelque sorte. »

Mais à quoi bon tant d'inquiétudes? Je vais savoir de quoi il s'agit en

me

rendant au tribunal. Allons,

mon

ami l'huissier,

montre-moi le chemin qui conduit auprès des juges.

L'huissier.

Venez, Seigneur, venez! (Ils

s'avancent touslesdeux.)

Charudatta, avec inquiétude.

Mais quoi?

K Dessignesde mauvais

augure

!

Ce

(41) corbeau qui cried'une voix rauque (42), ces appels réitérés des employés dujuge,

mon

œil gauche qui éprouve un vif clignote- ment: ces fâcheux présages (43) jettent le troubledans

mon

àme. »

L'huissier.

Venez, venez, Seigneur, à votre cré etsansvous émouvoir.

(22)

14

Charudatta s'avance en regardant de- vantsoi.

« Voilà perchée surcet arbresec unecor- neille qui fixe le soleil;

mon

œil gauche a tressailli; tout cela estévidemmenteffrayant (44). »

(Regardant d'un autre côté.)

Ah

! un ser- pent!

« Sesyeux sontfixes; il brille

comme

s'il étaitfrotté d'uncollyrenoir(45);il darde sa langueallongée; il montre quatredents ve- nimeuses toutes blanches; son ventre est gonflé ettortueux. Ildormait sur

mon

che- min et se précipite avec colère sur moiau

moment

jepasse (46). » Autres présagesfunestes!

«

Mon

piedtrébucheet glisse, quoique la terre ne soit pas humide;

mon

œil gauche éprouve

un

clignotement et

mon

bras tremble à plusieurs reprises. Puis, voilà un autre oiseau qui pousse de grands cris et qui m'annonce à différentes reprises une mort épouvantable... 11n'yapas à en dou-

ter. »

Quoi qu'ilen soit, les dieuxdonnerontà touteschosesune issueheureuse! (47)

L'huissier.

Venez, venez ! Seigneur;

voicilasalle d'audience, entrez!

Charudatta. (7/entreet regarde detous

(23)

ACTE

IX. l5

côtés.)

Quel brillantaspect présente cette salle!

« Lepalaisduroi (48) est

comme

une

mer

(49) aux rivesagitées(5o) parlesflotsdesaf- faires publiques etpeupléed'hôtes redouta- bles (5i): lesministresplongés(52)dansleurs réflexions figurentl'eauprofonde; lesmessa- gers sontles coquillages agités par les flots quila remplissent(53); lesespions(34) tien- nentlieudes crocodilesetdes makaras qu'on rencontre surses bords(ÔS); les éléphantset leschevaux servant

aux

supplices (56) cor- respondentauxpoissonsdeproie qu'elle ren- ferme dans son sein; les cris des plaideurs (57)rappellent ceux deshérons etlesscribes ressemblent auxserpentsdont elle est le re- fuge. »

N'importe, entrons, (Il se donne un coup à la tête en entrant et réfléchit.) Encore

un

augure sinistre.

«

Mon

œil gauche a tressailli, une cor- neille a croassé à mes oreilles, un serpent m'abarréle chemin... Puisse néanmoins le destin(58) m'être favorable! »

Entrons, cependant. (Ilentredanslasalle d'audience.)

Le juge.

— Ah!

c'est lui qui est

Chà-

rudatta.

{ « Son visage, au nez aquilin, aux yeux

(24)

LE

DE

grands etallongés,nesauraitêtre celui d'un

homme(59)

quis'estrenducoupablesansmo-

tifde grand méfaits. Chezleséléphants, chez

les bœufs, chez leschevaux,

comme

chezles

hommes,

la physionomie (60) n'esthabituel- lement pas en désaccord avec les

mœurs

(61). »

Charudatta.

Messieurs les juges, je

vous salue; bonjour aussi aux employés de lajustice.

Le juge,avec émotion.

Seigneur, soyez

le bienvenu.

Ami

huissier, donne un siège

au seigneur Charudatta.

L'huissier, approchant un siège.

Sei- gneur, voilà un siège; veuillez vousasseoir.

(Charudattas'assied.)

Samsthanaka, d'une voixirritée.

— Tu

es arrivé, tueur de femme, tu es arrivé! Voilà une affairebien menée! Voilauneaffaire

les règles sont bien observées, qu'on offre

un siège à ce meurtrier qui tueles

femmes

(62)!(Avechauteur.) Puis, aprèstout,qu'on le lui donne!

Le

juge.

Seigneur Charudatta, avez- vous de l'attachementoude l'amour pourla tilledecette

dame?

Charudatta.

— De

quelle

dame

?

Lejuge.

— De

celle-ci. (// montre la mère de Vasantasenâ.)

(25)

ACTE

IX. 17 Charudatta,se levant.

— Madame,

jevous salue.

La

mère de Vasantasena.

Seigneur, puissiez-vous vivrelongtemps! (Apart.) C'est Charudatta;

ma

filleabien placé sonamour.

Le

juge.

Seigneur,cette courtisane est- ellevotreamante?

(Charudatta manifeste un sentiment de réserve.)

Samsthanaka.

« Qu'il dissimule sa con- duite par pudeur ou par crainte, voici

un

prince qui netaira pasqu'ilatuéune

femme

pourluidéroberses bijoux (63). »

Le prévôt et le greffier.

Seigneur Charudatta, veuillezvous expliquer. Mettez decôté la timidité.

Vous

êtes impliqué dans

un

procès.

Charudatta.

— Ah!

Messieursles juges,

comment

faire l'aveu que cette courtisane est

mon

amante?

En

tous cas, si lajeunesse m'afait commettre unefaute,

mon

caractère est intact.

Le juge.

« Cette affaire est semée de difficultés; laissez de côté la timidité que votre

cœur

recèle. Dites la vérité; parlez avec assurance. La dissimulation n'est pas accueillie ici. »

Trêve de pudeur! L'affaire exige que vous répondiez.

(26)

l8

LE

Charudatta.

Monsieur le juge, à qui ai-jeaffaire ici?

Samsthanaka, arec hauteur.

— A

moi.

Gharudatta.

— A

vous?

La

chose est

grave, alors.

Samsthanaka.—

Ah! tueur de femme, tu asassassiné Vasantasenâ au

moment

elle elle était parée de cent bijoux précieux et maintenant tu cherches à dissimuler ton crime, maître fourbe!

Charudatta.

— Vous

ne savez pas ce que vous dites.

Lejuge.

Seigneur Charudatta, assezde ce dialogue.Dites-nouslavérité. Cettecour- tisane était-elle votre amante?

Charudatta.

Oui.

Le

juge.

— Où

est-elle?

Charudatta.

Elleestretournée chezelle.

Le

prévôt et le greffier.

— Quand

et

comment

y est-elleretournée?Etait-elle ac-

compagnée

de quelqu'un?

Charudatta,à part.

Dois-je direqu'elle estpartiesecrètement(("14)?

Le

prévôt et le greffier.

Voyons,

parlez, Seigneur!

Charudatta.

Elle est retournée chez elle; quedirais-jede plus?

Samsthanaka.

Elleestentrée dans

mon

vieux jardin Puskpakarandaka où on l'a

(27)

ACTE

IX. '9 étranglée àlaforcedupoignetpourluipren- dre ses bijoux; et tu viens dire maintenant qu'elle est retournée chezelle?

Charudatta.

Vous tenez des discours insensés!

«

Vous

ressemblez au bout de l'aile du châsha (65) qui n'est jamais arroséepar la pluieque versent les nuages duciel (66), et votrebouche neprofèrequedesmensonges; aussiest-elle souillée

comme

la feuille du lotus enhiver(67).

Le

juge, à ses assesseurs.

« Ilest aussi difficile(68)de ternir la réputation de Cha- rudatta que de soulever l'Himalaya, de tra- verserl'Océanà la nage ou desaisir le vent dans ses bras. »

(Haut.)

Comment

le seigneur Charudatta aurait-il pu commettre uncrime?

«

Son

visage, au nez aquilin, etc.

(comme

plus haut). »

Samsthanaka.

Pourquoi doncinstruire (69) l'affaireavecpartialité?

Le

juge.

Arrière, insensé!

«Si vous apparteniez aux castes inférieures (70)etque vous vouliezexpliquerlesensdes Védas, on ne vous couperaitdonc pas lalan- gue?Sivouslixiezlesoleil enplein midi,vos yeuxneseraientdoncpasfortementéblouis?

Si vousmettiez la main dans un brasier, ne

(28)

seconsumerait-elledonc pasà l'instant,qu'au

moment

où vous cherchez à ravir l'honneur de Chàrudatta, la terre ne s'ouvre paspour vousengloutir(71)? »

Comment

leseigneur Chàrudatta se serait- ilrendu coupable d'un crime,

« Lui dont les richesses étaient

comme

une

mer

profondequ'il aréduite à quelques gouttes d'eau(72), en selivrant sanscompter

àdegénéreuseslargesses? Est-il possiblede supposer qu'un

homme

aussi magnanime, un réceptacleunique devertus, ait pu

com-

mettre un forfait odieux à tout

homme

d'honneur (73)dansune intention cupide?

Samsthanaka.

Pourquoi doncinstruire l'affaireavecpartialité?

La

mèrede Vasantasena.

Malheureux!

Chàrudatta avait reçu d'elle naguère une cassette d'or en dépôt qui, a-t-il dit, lui a étéenlevée par les voleurs pendant la nuit etilluiadonné en remplacementun collier de perles, quintessence de quatreocéans. Et c'est cet

homme

qui aurait

commis un

pareil crime pours'approprier ce qu'elle avait (74)!

Ah! ma

pauvre fille (75),

mon

enfant, que neviens-tu? (Elle pleure.)

Le

juge.

Seigneur Chàrudatta, Vasanta- senaest-elle revenueàpiedouenlitière(76)?

Chàrudatta.

Je n'étais pas quand

(29)

ACTE

IX. 21

elle s'en est allée et j'ignore si elle estreve- nueàpiedouenlitière.

Viraka, entrant surlascèneavecemporte- ment.

« Souslecoupdela haineviolente allumée(77)dans

mon cœur

parlescoups de pieds insultantsquej'ai récits et le mépris dontj'ai été l'objet, j'ai passé la matinée à déplorer mes ennuis. »

(Ilentre.) Messieurs, je voussalue(78).

Le juge.

— Ah!

voilà Vîraka, le chef de

lapolice urbaine. Quel est l'objet qui vous

amène

ici, Vîraka?

Viraka.

Jevais vous ledire, Monsieur

le juge. Dans l'émoi causé par l'évasion d'Aryaka, à la recherche duquel je m'étais mis, ils'est présentédevant moi une litière couverte; j'en faisais la remarque et j'allais lavisiterendisantaucapitaine Chandanaka: ((

Tu

Tas visitée, je dois la visiter aussi, »

quandil s'estmis à

me

donner des coups de pied. Voilà lesfaits, Messieurs les juges, à vousde prononcer.

Le

juge.

Ami, savez-vous à quiappar- tenait cette litière?

Viraka.

D'aprèsce qu'a dit le cocher, c'était celle de Chârudatta, ici présent, dans laquelle Vasantasenâ étaitmontée pouraller s'amuser avecluiau vieux jardin Pushpaka- randaka.

(30)

LE CHARIOT

Samsthanaka.

Avez-vous entendu, Mes- sieurs lesjuges?

Lejuge.

« Hélas! cette (79) lune aux pursrayonsestdévorée par

Ràhu

; la rivière limpide esttroublée par l'éboulement deses bords. »

Vîraka, nous examinerons votre affaire plus tard; en attendant, montez ce cheval qui estàla porte dutribunal etrendez-vous au jardin Pushpakarandaka pourvoir s'ils'y trouve oui ou

non

une

femme

assassinée.

Vîraka.

J'y vais. (77 sortet revient au bout de quelques instants) (80). Je m'ysuis rendu et j'ai vu que lecadavre d'une

femme

y avait étédévoré (81) parlesbêtesféroces.

Le prévôt et le greffier.

— Comment

avez-vous reconnu que c'était le cadavre d'une

femme?

Vîraka.

Par desrestes desa chevelure etles empreintes deses mains et de sespieds (82).

Le

juge.

Hélas! quellesdifficultés pré- sentent les affaires de cemonde!

« Plus on examine soigneusement une cause, pluselle semble obscure. Lesrègles à suivre sont claires, mais l'esprit (83) nes'en trouvepasmoinsdans la situationd'une va- che

embourbée

dans

un

marécage(84). »

Charudatta, à part.

«

De même

que

(31)

ACTE

IX. 23

les abeilles se rassemblent autour des rieurs qui viennent de s'entr'ouvrir pour en boire le suc, les malheurs s'abattent à l'envi sur l'homme au

moment

de l'infortune et pénè- trentpar toutes les ouvertures. »

Le

juge.

Seigneur Chârudatta, il faut direla vérité.

Chârudatta.

«

Quand un

méchant

homme,

jalouxdelavertu des autres, aveu- gléparla passion, et dont l'esprit s'attache àcauserlaperte de quelqu'un,ditdes fausse- tés, obéissanten cela à sa perversité natu-

relle,doit-on les prendre en considération?

Non,il n'yapaslieu de lesexaminer. » D'ailleurs,

«Aurais-jepu saisirparseslongscheveux, noirs

comme

l'aile de l'abeille, etdonnerla

mort à une belle éplorée, moiqui ne vou- drais pas

même

tirer à

moi

uneliane épa- nouiepour encueillir lesfleurs etenformer

un

bouquet?»

Samsthanaka.

Messieurs les juges, pour- quoi apporter tant de partialité dans cette alla ire, au point de permettre que ce misé- rableChârudatta reste encoreà présentassis devant vous?

Le juge.

— Ami

huissier, enlève le siège de Chârudatta. (L'huissier exécute V ordre qui luiaétédonné.)

(32)

Charudatta.

Réfléchissez, Messieurs les juges, refléchissez! (77 descend de son siègeet sassiedà terre.)

Samsthanaka, àpartjoyeusement.

— Ah!

ah! voilàmaintenant qu'un autreestchargé du crime que j'ai

commis

(85) et je puis m'asseoir sur le siège qu'occupait Charu-

datta. (7/ met sa pensée à exécution.)

bien! Charudatta, regarde-moiet avoue que

c'est toi quil'as tuée.

Charudatta.

Ah! Messieurs lesjuges,

«

Quand

un méchant

homme,

jalouxde la vertu des autres,etc.

(comme

plus haut). »

(Apart avec un soupir.)

«

Ah!

Maitreya, quel coup

me

frappeau- jourd'hui. Hélas! chère épouse (86), issue d'unefamille de brahmanessans tache!

Hé-

las! Rohasena, toi qui ne connais pas

mon

infortune etqui continue sans doute malgré

le grand malheur qui t'atteint (87)de teli-

vreravecuneconfiancetrompeuseà tes jeux habituels! »

Mais j'ai envoyé Maitreya auprès de Va- santasenû pour obtenir de ses nouvelles et lui rendrelesbijouxqu'elle a donnés à

mon

fils afin d'acheterun chariot d'or. Pourquoi

tarde-t-il si longtemps?

(Maitreya arrivesurlascène avec lesbi- joux.)

(33)

ACTE

IX. 2D

Maitreya.

Le seigneur Chârudatta m'envoie auprès de Vasantasenâ.«Prendsces bijoux, Maitreya, m'a-t-ildit, dont Vasanta- senâ avait paré

mon

fils Rohasena en l'en- voyant auprès de sa mère; rends-les-lui et n'accepte pas deles reprendre(88). »Je vais

doncchezVasantasenâ pour m'acquitter de cettecommission. (Il se met en marche en regardant en l'air.) Tiens! maître Rebhila.

bien! maître Rebhila(89), pourquoicet airsi inquiet? (//écoute ce que lui répond Rebhila.)

Que me

diies-vous là? Leseigneur Chârudatta a été appelé en justice?(Réflé- chissant.)Cen'estpasunebagatelle;j'iraiplus tard chez Vasantasenâ. Il faut

me

rendreàla sallede justice. (77 se met en marche en re- gardant autour de lui.)

Ah

! bon, la voilà;

j'entre.(//entre.)Messieurs lesjuges, jevous salue.

est

mon

ami."

Le

juge.

N'est-ce pas luiquevoilà?

Maitreya.

Salut, ami!

Chârudatta.

J'espèreque ton souhait se réalisera.

Maitreya.

— Que

la paix soitavec vous!

Chârudatta.

Peut-être la retrouve- rai- je.

Maitreya.

— Ami

, pourquoi paraissez- voussi inquiet etquelest le motif quivousa fait appelerici?

(34)

TERRE

Charudatta.

«Je suisun

homme

cruel, je ne tiens pascompte de l'autre

monde

et c'estparmoiqu'unefemme,lavoluptéenper- sonne, a été... Celui-là tedira toutle reste. »

Maitreya.

— Que

dira-t-il?

Charudatta, lui parlant à l'oreille.

Ceci(90).

Maitreya.

Qui est-cequi prétend cela?

Charudatta,désignantdugesteSamsthâ- naka.

Ce malheureux est l'auteur de ce qui arrive; le dieu de la mort lui-même

s'est fait

mon

accusateur (91).

Maitreya.

Pourquoi ne pas dire qu'elle estretournéechezelle ?

Charudatta.

J'ai beau le dire,

ma

pau- vretéfaitqu'on ne

me

croitpas(92).

Maitreya.

Quoi! Messieurs, cet

homme

à lalibéralité duquel la ville d'Ujjayinî (g3) doittantd'embellissements,

des portiques (94), des couvents (95), des parcs (96), des lacs etdesfontaines(97)

aurait

commis

un aussi grand crime pour s'approprier quel- ques bijoux? {Avec emportement.) l£t vous, Samsthânaka, beau-frère du roi, vous, lils

de

femme

adultère (98),

homme

sans frein (99), réceptacle de tous les vices quepeu- vent avoir les

hommes,

singe toutchamarré

d'or, dites, osez dire devant moi

comment mon

ami, quine voudrait pas

même

cueillir

1

(35)

ACTE

IX. 27 une fleur demadhavî (100) pour formerun bouquet, de crainte, pense-t-il, qu'en le fai- sant il nedétruise des boutons,aurait

com-

mis un pareil crime, en horreur dans les

deux mondes! Attends, attends! filsd'entre- metteuse, je vais faire cent morceaux de ta têteaveccebâton aussi noueux et tortuque toncœur!

Samsthanaka, avec colère.

Ecoutez, Messieurs lesjuges, écoutez. Laquerelle,ou plutôtl'affaire, estentre moiet Chârudatta;

de quel droit donc cet individu vient-il

me

dire, avec son crâne en p.itte de corneille, qu'il

me

mettra (10;) la tête en cent

mor-

ceaux?Viens-y, filsd'esclave!

{Maitreya brandit son bâton en répétant ses invectives; Samsthanaka se lève et le

frappe, Maitreya rend coupspourcoups, et dans la lutte les bijouxquilportedans sou sein tombentà terre.)

Samsthanaka, qui a mis la main surles bijouxet lesregardeavecstupeur.

Voyez,

voyez, Messieursles juges,lesbijouxdecette malheureuse! (5e tournant du côtéde Châ- rudatta.) Voilàles objets pourlesquels il l'a

étranglée, assassinée. (Tous lesjuges bais- sent la têteen silence.)

Chârudatta, àMaitreya.

« La chute detous ces bijoux s'étalantaux

(36)

28

LE CHARIOT

regardsenunpareil

moment

estune iniquité dusort qui

me

fera choir à

mon

tour(102). »

Maitreya.

Pourquoi ne pas dire ce qu'il en est?

Charudatta.

Ami,

« L'œil du roi n'estpascapabledediscer- nerla vérité en cette circonstance. Dansla situation misérable où je

me

trouveplacé, tout ce queje pourrais dire (io3) n'abouti- rait qu'à une mortignominieuse. »

Le juge.

Hélas! hélas!

« La planète Jupiter,en lutte avec Mars, est anéantie, maintenant qu'un autrecorps céleste pareil à une comète apparaîtà côté d'elle(ioj). »

Le prévôt et le greffier, à la mère de Vasantasenâ.

— Madame,

examinez (io5) avecattention cette cassette d'orafinde voir

sic'est ouiou non cellede votrefille.

La

mère de Vasantasenâ, l'examinant.

Elleressembleà lasienne, mais ce n'estpas elle (10G).

Samsthanaka.

Vieille entremetteuse, tes yeux, avouent ceque ta bouche dissimule.

La

mère de Vasantasenâ.— Arrière, mal- heureux!

Le prévôt et le greffier.

Faitesbien attention à ce que vous dites; ces bijoux sont-ils ouiounon à votrefille/

(37)

ACTE

IX. 29

I a mèrede Vasantasena.

Le travailen est merveilleux et captive les regards, mais cenesont pas lessiens.

Le juge.

Allons! brave

femme,

con- naissez-vous cesbijoux?

La

mère de Vasantasena.

N'ai-je pas déjà répondu? Certainement, ilsne

me

sem- blent pas inconnus. Maisl'orfèvre a pu leur donnercette apparence(107).

Le

juge.

Voyez, prévôt!

« Bien que différentsenréalité,desbijoux peuvent se ressembler pour la forme, la

beauté et le travail; les orfèvres imitent un objet qu'ils ont vu et l'analogie qu'on re-

marque

entre l'originalet la copie est due

à l'habiletéde main(108)de l'artiste. »

Le prévôt et le greffier.

Ces bijoux sont-ilsau seigneur Charudatta?

Charudatta.

Non, certainement.

Le

prévôt et le greffier.

Alors, àqui sont-ils?

Charudatta.

— A

la fille decettedame.

Le prévôt et le greffier.

— Comment

setrouvent-ils séparés d'elle(109)?

Charudatta.

Ils s'entrouvent séparés,

voilà (11o)!

Le irévôt kt le greffier.

Seigneur Charudatta, dites-nous la vérité. N'oublie/

(

>nsque

(38)

« Lavéritéprocure le bonheur; celuiqui dit la vérité évite de pécher(ni); la vérité (satyam) formedeux syllabes (ou deuxcho- sesimpérissables)(i12); ilnefaut pascacher

la vérité sousl'enveloppe du mensonge. »

Charudatta.

Je ne reconnais pas ces bijoux

comme

ayantété apportés (113) chez moi, maisje les reconnais

comme

en étant sortis.

Samsthanaka.

Elle est entrée dans le jardinoù tu l'astuée, ettuasrecoursmain- tenant aux subterfuges pour dissimuler la vérité.

Lejuge.

Seigneur Charudatta, jevous engage àdirelavérité;

« Autrement, nous allons donner hardi-

ment

l'ordre de livrer votre corps délicat à des supplices cruels (114). »

Charudatta.

« Je suis issu d'unefa- millehonnêteetjenesuispascoupable.

Que

m'importe à

moi

innocent qu'on m'impute un crime? »

{A part.) D'ailleurs, à quoi bon vivre, si je n'aiplus Vasantasenà? (Haut.)

Ah

! il n'est pas besoindelongs discours :

«. Jesuis un

homme

cruel, je ne tiens pas compte de l'autre

monde

et c'est par moi qu'unefemme,lavoluptéenpersonne,aété...

Celui-là vous dira toutle reste. »

(39)

AC

T

E I

X

. 3l

Samsthanaka.

Oui, tuée; dis-le donc toi-même, tuée.

Charudatta.

—Vous

l'avez dit (115),cela suffit.

Samsthanaka.

Vousavez entendu,Mes- sieurslesjuges, c'est luiqui l'a tuée. D'après son aveu

même

il n'y a plus dedoute et le

corpsde Charudatta l'indigent doitêtre livré au supplice (i16).

Le

juge.

Huissier, il faut faire

comme

dit leprince. Holà! Jesgardes,emparez-vous de Charudatta.

{Lesgardesobéissent.)

La

mère de Vasantasena.

Apaisez-vous, apaisez-vous,Messieurslesjuges;Charudatta avaitreçu en dépôtune cassette d'or qui lui a été enlevée parles voleurspendant la nuit et il a donné à

ma

fille ensubstitution

un

collier de perles, quintessence de quatre océans. Et c'estcet

homme

quiaurait

com-

mis

un

pareil crime pour s'approprier ce qu'elle avait sur elle! Si

ma

tille a été tuée, laissez-le jouir d'une longue vie; je

vous en prie.

Du

reste, touteaffaire a lieu entreun plaignantet unaccusé. Je tiens lieu de laplaignante(i17) et je

demande

qu'on le

mette enliberté.

Samsthanaka.

Allez-vous-en, fille d'es- clave; sortez, \olis n'avez plusaffaire à lui.

(40)

Le juge.

— Madame,

retirez-vous. Holà!

gardes, faites lasortir.

La

mèredeVasantasena.

Ah!

mon

en-

fant!

mon

fils!(Elle sorten pleurant.) Samsthanaka,àpart.— J'ai

mené

lachose d'une manière digne de moi : je puis m'en

aller maintenant. (77sort.)

Le juge.

Seigneur Chârudatta, c'était à nous d'instruire l'affaire; le reste dépend du roi. Huissier, fais savoir au roi Pàlaka que,

«D'aprèsManu,lecoupableétant unbrah- mane,ne doit pas être puni de mort, mais seulement banni du royaume sans que ses biens soient soumisàlaconfiscation. »

L'huissier.

J'obéis. (Ilsort,puis rentre enpleurant.)

Messieurs,je

me

suisrendu où vous m'avez envoyé et le roi Pàlakaor- donne que celui quis'est rendu coupable du meurtrede Vasantasenapour lui prendreses bijouxsoitconduit au sondu tambourauci-

metière du sud,avecces

mêmes

bijouxpen- dus aucou, pouryêtre supplicié.Quiconque commettra un pareil crime sera puni de ce châtimentterrible(i18).

Chârudatta.

Hélas! avec quelle légè- reté agit leroi Pàlaka!

Ou

plutôt

» Précipités par leurs ministres, dans les

dangers detels jugements, lesroisencourent

(41)

ACTE

IX. 33

à bon droit (119)

un

sort lamentable (120).

« Des milliers d'innocents ontété et sont chaque jour lesvictimes de ces pernicieux (121) conseillersquicorrompentles volontés duroi. »

Maitreya,

mon

ami, va-t'en et charge-toi de mesderniers adieux pour

ma

mère (122

;

sois aussi le protecteur de

mon

fils Roha- sena.

Maitreya.

Hélas! quand la racine de l'arbre est coupée,

comment

sauver Varbre lui-même?

Charudatta.

— Ne

dis pascela;

« Le filsde celui qui a pris placedans un autremonde, le remplace ici-bas f123): re- porte sur Rohasena l'amitié que tu ressens pourmoi. »

Maitreya.

— Vous

êtes

mon

ami leplus cher, pourrai-je vivre sansvous?

Charudatta.

Procure-moi la vue de Rohasena.

Maitreya.

(l'est juste: vous screj sa- tisfait.

I.k. juge.

— Ami

huissier,

emmène

cejeune

homme.

(L'huissierobéît.) Ya-t-il quelqu'un là? Qu'on avertisse les Chàndàlas! [Charu- datta est

emmené

et tous les juges sor tent.)

L'huissier.

Venez, Seigneur.

Références

Documents relatifs

On effectue plusieurs tirages successifs au hasard d’une boule dans l’urne selon procédure suivante : après chaque tirage, si la boule tirée est rouge, on la remet dans l’urne et

Université des Sciences et Technologies de Lille 1 2011/2012 Licence M, GM, GC, EEA, PEIP Semestre 3.. Éléments de Calcul Diérentiel

Nous donnons à A côté des forpart les paradigmes du verbe vieux-breton mes en gallois moderne, nous donnons, d'après Zeuss,Ies formes moyennes.. Nous ne donnons pas toutes les

Or Blanchi, ancien Jeune de Langues de Gonstantinople '^\ était depuis 1816, le collaborateur de Kieffer, à Louis-le-Grand, et tous deux s'y par-.. tageaient l'enseignement

La Mission Bassin Minier Nord – Pas de Calais est une association de type « 1901 ». Elle est un outil d’ingénierie, d’aménagement et de développement du territoire, créée

Trouver l’erreur commise en appliquant la m´ ethode des rectangles ` a

Montrer que A est inversible et trouver son

1. Les éléments carbone et chlore ont pour numéros atomiques respectifs 6 et 17. Déterminer la structure électronique des deux atomes. Combien d’électrons leur manque-t-il