pren-dre ses bijoux; et tu viens dire maintenant qu'elle est retournée chezelle?
Charudatta.
—
Vous tenez des discours insensés!«
Vous
ressemblez au bout de l'aile du châsha (65) qui n'est jamais arroséepar la pluieque versent les nuages duciel (66), et votrebouche neprofèrequedesmensonges; aussiest-elle souilléecomme
la feuille du lotus enhiver(67).Le
juge, à ses assesseurs.—
« Ilest aussi difficile(68)de ternir la réputation de Cha-rudatta que de soulever l'Himalaya, de tra-verserl'Océanà la nage ou desaisir le vent dans ses bras. »(Haut.)
Comment
le seigneur Charudatta aurait-il pu commettre uncrime?«
Son
visage, au nez aquilin, etc.(comme
plus haut). »
Samsthanaka.
—
Pourquoi doncinstruire (69) l'affaireavecpartialité?Le
juge.—
Arrière, insensé!«Si vous apparteniez aux castes inférieures (70)etque vous vouliezexpliquerlesensdes Védas, on ne vous couperaitdonc pas la lan-gue?Sivouslixiezlesoleil enplein midi,vos yeuxneseraientdoncpasfortementéblouis?
Si vousmettiez la main dans un brasier, ne
seconsumerait-elledonc pasà l'instant,qu'au
moment
où vous cherchez à ravir l'honneur de Chàrudatta, la terre ne s'ouvre paspour vousengloutir(71)? »Comment
leseigneur Chàrudatta se serait-ilrendu coupable d'un crime,« Lui dont les richesses étaient
comme
unemer
profondequ'il aréduite à quelques gouttes d'eau(72), en selivrant sanscompteràdegénéreuseslargesses? Est-il possiblede supposer qu'un
homme
aussi magnanime, un réceptacleunique devertus, ait pu com-mettre un forfait odieux à touthomme
d'honneur (73)dansune intention cupide?
Samsthanaka.
—
Pourquoi doncinstruire l'affaireavecpartialité?La
mèrede Vasantasena.—
Malheureux!Chàrudatta avait reçu d'elle naguère une cassette d'or en dépôt qui, a-t-il dit, lui a étéenlevée par les voleurs pendant la nuit etilluiadonné en remplacementun collier de perles, quintessence de quatreocéans. Et c'est cet
homme
qui auraitcommis un
pareil crime pours'approprier ce qu'elle avait (74)!Ah! ma
pauvre fille (75),mon
enfant, que neviens-tu? (Elle pleure.)Le
juge.—
Seigneur Chàrudatta, Vasanta-senaest-elle revenueàpiedouenlitière(76)?Chàrudatta.
—
Je n'étais pas là quandACTE
IX. 21elle s'en est allée et j'ignore si elle est reve-nueàpiedouenlitière.
Viraka, entrant surlascèneavec emporte-ment.
—
« Souslecoupdela haineviolente allumée(77)dansmon cœur
parlescoups de pieds insultantsquej'ai récits et le mépris dontj'ai été l'objet, j'ai passé la matinée à déplorer mes ennuis. »(Ilentre.) Messieurs, je voussalue(78).
Le juge.
— Ah!
voilà Vîraka, le chef delapolice urbaine. Quel est l'objet qui vous
amène
ici, Vîraka?Viraka.
—
Jevais vous ledire, Monsieurle juge. Dans l'émoi causé par l'évasion d'Aryaka, à la recherche duquel je m'étais mis, ils'est présentédevant moi une litière couverte; j'en faisais la remarque et j'allais lavisiterendisantaucapitaine Chandanaka: ((
Tu
Tas visitée, je dois la visiter aussi, »quandil s'estmis à
me
donner des coups de pied. Voilà lesfaits, Messieurs les juges, à vousde prononcer.Le
juge.—
Ami, savez-vous à qui appar-tenait cette litière?Viraka.
—
D'aprèsce qu'a dit le cocher, c'était celle de Chârudatta, ici présent, dans laquelle Vasantasenâ étaitmontée pouraller s'amuser avecluiau vieux jardin Pushpaka-randaka.LE CHARIOT
Samsthanaka.
—
Avez-vous entendu, Mes-sieurs lesjuges?Lejuge.
—
« Hélas! cette (79) lune aux pursrayonsestdévorée parRàhu
; la rivière limpide esttroublée par l'éboulement deses bords. »Vîraka, nous examinerons votre affaire plus tard; en attendant, montez ce cheval qui estàla porte dutribunal etrendez-vous au jardin Pushpakarandaka pourvoir s'ils'y trouve oui ou
non
unefemme
assassinée.Vîraka.
—
J'y vais. (77 sortet revient au bout de quelques instants) (80). Je m'ysuis rendu et j'ai vu que lecadavre d'unefemme
y avait étédévoré (81) parlesbêtesféroces.Le prévôt et le greffier.
— Comment
avez-vous reconnu que c'était le cadavre d'une
femme?
Vîraka.
—
Par desrestes desa chevelure etles empreintes deses mains et de sespieds (82).Le
juge.—
Hélas! quellesdifficultés pré-sentent les affaires de cemonde!« Plus on examine soigneusement une cause, pluselle semble obscure. Lesrègles à suivre sont claires, mais l'esprit (83) nes'en trouvepasmoinsdans la situationd'une va-che
embourbée
dansun
marécage(84). »Charudatta, à part.
—
«De même
queACTE
IX. 23les abeilles se rassemblent autour des rieurs qui viennent de s'entr'ouvrir pour en boire le suc, les malheurs s'abattent à l'envi sur l'homme au
moment
de l'infortune et pénè-trentpar toutes les ouvertures. »Le
juge.—
Seigneur Chârudatta, il faut direla vérité.Chârudatta.
—
«Quand un
méchanthomme,
jalouxdelavertu des autres, aveu-gléparla passion, et dont l'esprit s'attache àcauserlaperte de quelqu'un,ditdes fausse-tés, obéissanten cela à sa perversiténatu-relle,doit-on les prendre en considération?
Non,il n'yapaslieu de lesexaminer. » D'ailleurs,
«Aurais-jepu saisirparseslongscheveux, noirs
comme
l'aile de l'abeille, etdonnerlamort à une belle éplorée, moiqui ne vou-drais pas
même
tirer àmoi
uneliane épa-nouiepour encueillir lesfleurs etenformerun
bouquet?»Samsthanaka.
—
Messieurs les juges, pour-quoi apporter tant de partialité dans cette alla ire, au point de permettre que ce misé-rableChârudatta reste encoreà présentassis devant vous?Le juge.
— Ami
huissier, enlève le siège de Chârudatta. (L'huissier exécute V ordre qui luiaétédonné.)Charudatta.
—
Réfléchissez, Messieurs les juges, refléchissez! (77 descend de son siègeet sassiedà terre.)Samsthanaka, àpartjoyeusement.
— Ah!
ah! voilàmaintenant qu'un autreestchargé du crime que j'ai
commis
(85) et je puis m'asseoir sur le siège qu'occupaitCharu-datta. (7/ met sa pensée à exécution.)
Hé
bien! Charudatta, regarde-moiet avoue que
c'est toi quil'as tuée.
Charudatta.
—
Ah! Messieurs lesjuges,«
Quand
un méchanthomme,
jalouxde la vertu des autres,etc.(comme
plus haut). »(Apart avec un soupir.)
«
Ah!
Maitreya, quel coupme
frappe au-jourd'hui. Hélas! chère épouse (86), issue d'unefamille de brahmanessans tache!Hé-las! Rohasena, toi qui ne connais pas
mon
infortune etqui continue sans doute malgré
le grand malheur qui t'atteint (87)de te
li-vreravecuneconfiancetrompeuseà tes jeux habituels! »
Mais j'ai envoyé Maitreya auprès de Va-santasenû pour obtenir de ses nouvelles et lui rendrelesbijouxqu'elle a donnés à
mon
fils afin d'acheterun chariot d'or. Pourquoi
tarde-t-il si longtemps?
(Maitreya arrivesurlascène avec les bi-joux.)
ACTE
IX. 2DMaitreya.
—
Le seigneur Chârudatta m'envoie auprès de Vasantasenâ.«Prendsces bijoux, Maitreya, m'a-t-ildit, dont Vasanta-senâ avait parémon
fils Rohasena en l'en-voyant auprès de sa mère; rends-les-lui et n'accepte pas deles reprendre(88). »Je vaisdoncchezVasantasenâ pour m'acquitter de cettecommission. (Il se met en marche en regardant en l'air.) Tiens! maître Rebhila.
Hé
bien! maître Rebhila(89), pourquoicet airsi inquiet? (//écoute ce que lui répond Rebhila.)Que me
diies-vous là? Leseigneur Chârudatta a été appelé en justice? (Réflé-chissant.)Cen'estpasunebagatelle;j'iraiplus tard chez Vasantasenâ. Il fautme
rendreàla sallede justice. (77 se met en marche en re-gardant autour de lui.)Ah
! bon, la voilà;j'entre.(//entre.)Messieurs lesjuges, jevous salue.
Où
estmon
ami."Le
juge.—
N'est-ce pas luiquevoilà?Maitreya.
—
Salut, ami!Chârudatta.
—
J'espèreque ton souhait se réalisera.Maitreya.
— Que
la paix soitavec vous!Chârudatta.
—
Peut-être la retrouve-rai- je.Maitreya.
— Ami
, pourquoi paraissez-voussi inquiet etquelest le motif quivousa fait appelerici?TERRE
Charudatta.
—
«Je suisunhomme
cruel, je ne tiens pascompte de l'autremonde
et c'estparmoiqu'unefemme,lavoluptéen per-sonne, a été... Celui-là tedira toutle reste. »Maitreya.
— Que
dira-t-il?Charudatta, lui parlant à l'oreille.
—
Ceci(90).
Maitreya.
—
Qui est-cequi prétend cela?Charudatta,désignantdugeste Samsthâ-naka.
—
Ce malheureux est l'auteur de ce qui arrive; le dieu de la mort lui-mêmes'est fait
mon
accusateur (91).Maitreya.
—
Pourquoi ne pas dire qu'elle estretournéechezelle ?Charudatta.
—
J'ai beau le dire,ma
pau-vretéfaitqu'on neme
croitpas(92).Maitreya.
—
Quoi! Messieurs, cethomme
à lalibéralité duquel la ville d'Ujjayinî (g3) doittantd'embellissements,
—
des portiques (94), des couvents (95), des parcs (96), des lacs etdesfontaines(97)—
auraitcommis
un aussi grand crime pour s'approprier quel-ques bijoux? {Avec emportement.) l£t vous, Samsthânaka, beau-frère du roi, vous, lilsde
femme
adultère (98),homme
sans frein (99), réceptacle de tous les vices que peu-vent avoir leshommes,
singe toutchamarréd'or, dites, osez dire devant moi
comment mon
ami, quine voudrait pasmême
cueillir1