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Changements de variabilité intrasaisonnière et de distribution des pluies

Les variations des moyennes saisonnières de précipitation ne sont qu’un aspect des change- ments climatiques. A l’échelle de l’Holocène, les systèmes de mousson sont influencés par des forçages externes comme les variations d’insolation, mais il ne faut pas oublier que ces changements représentent une moyenne d’évènements haute fréquence. La mousson indienne est connue pour sa forte variabilité à l’échelle de 10 à 20 jours et de 30 à 60 jours, alternant des périodes de mousson actives et calmes et résultant d’oscillations méridiennes de la ZCIT (Goswami, 2005). La mousson d’Asie du sud-est est aussi marquée par une variabilité intra- saisonnière à l’échelle de 10-30 jours et 30-60 jours (Hsu, 2005). La variabilité des précip- itations sur le Sahel est dominée par les échelles de temps de 10-25 et 25-60 jours dont les fluctuations peuvent représenter jusqu’à plus de 30% de la moyenne saisonnière (Sultan et al., 2003; Maloney and Shaman, 2008). Cependant, la variabilité intrasaisonnière est mal représen- tée de façon systématique dans les modèles climatiques (Xavier et al., 2010), c’est pourquoi une étude détaillée des différences de variabilité intrasaisonnière dans nos simulations aurait peu de sens. Il est toutefois intéressant d’analyser les changements à l’échelle intrasaisonnière de façon à mieux comprendre les variations climatologiques préalablement discutées.

Les séries temporelles de précipitations journalières pour les moussons indienne, d’Asie du sud-est et africaine ont été réalisées pour la période JJAS sur 31 années pour chaque climat. Les transformées de Fourier de ces séries ont été calculées puis lissées de façon à obtenir des spec- tres plus lisibles (Fig. 3.1). Les signaux ne sont pas suffisamment distincts pour les moussons africaine et d’Asie du sud-est, cependant on observe une forte augmentation de la variabilité à toute échelle de temps à 9.5 ka pour la mousson indienne (Fig. 3.2 a). Ceci suggère que le renforcement de la mousson indienne à 9.5 ka est associée à un renforcement de la variabilité interne.

FIGURE 3.1: Transformée de Fourier de 31 ans de précipitations journalières de juin à septembre

pour 0, 6 et 9.5 ka moyennées sur (a) l’Inde (70-100◦E, 10-35N), (b) l’Asie du sud-est (105-135E, 20-45◦N) et (c) le Sahel (20O-20E, 7-18N). Les courbes en pointillé représentent le spectre du bruit rouge correspondant à chaque série temporelle.

Une autre approche consiste à analyser l’intensité des évènements précipitants. deNoblet et al. (1996) ont montré à l’aide de simulations atmosphériques que l’amplification des mous- sons à 6 ka et 126 ka est principalement due à une augmentation de la fréquence des évènements précipitants de plus de 5mm/jour et une diminution de ceux de moins de 5mm/jour. Les den- sités de probabilité calculées pour les précipitations journalières sur 30 ans de JJAS (Fig. 3.2) montrent que le même résultat est obtenu à 6 et 9.5 ka par rapport à l’actuel pour les trois sys- tèmes de mousson. La distribution des pluies est décalée vers les évènements plus précipitants et diminuée pour les évènements faibles dans tous les cas. Ceci est en accord avec les résultats de Zheng and Braconnot (soumis) qui montrent que la majorité des modèles PMIP présentent une augmentation des régimes fortement convectifs à 6 ka sur le Sahel et une diminution des évènements de faible précipitation, et que ces variations sont principalement dues à l’advection de grande échelle. Ce qui est intéressant dans notre analyse, c’est que les variations de cette distribution se font de façon différente pour les trois systèmes entre les trois périodes. On ob- serve une différence significative entre les distributions de 6 et 9.5 ka pour la mousson indienne, avec un décalage du pic de distribution ainsi qu’une occurrence plus fréquente des évènements intenses et une réduction des évènements faibles. Le profil de distribution n’est cependant pas modifié entre 6 et 9.5 ka pour la mousson africaine et seulement légèrement décalé pour l’Asie du sud-est. Ces différences relatives d’intensité des évènements entre systèmes de mousson sont

FIGURE3.2: Densité de probabilité de 31 ans de précipitations journalières de juin à septembre pour

0, 6 et 9.5 ka moyennées sur (a) l’Inde (70-100◦E, 10-35N), (b) l’Asie du sud-est (105-135E, 20-45N) et (c) le Sahel (20◦O-20E, 7-18N)

simulées d’état moyen.

3.3.2 Changements de variabilité interannuelle

De façon à compléter la vision générale des variations des caractéristiques des systèmes de mousson entre 0, 6 et 9.5 ka, nous abordons brièvement les changements de variabilité inter- annuelle dans nos simulations. Ces analyses seront complétées par les résultats d’une thèse en

   

Afrique Inde Asie de l'est 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0ka 6ka 9.5ka m m /jo ur ENSO 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6 0ka 6ka 9.5ka K (    )² (                )²

FIGURE3.3: Variance des SSTs de la région Niño3 moyennées sur JJAS pour 0, 6 et 9.5 ka et variance

des précipitations continentales pour les trois régions de mousson, le Sahel, l’Inde, et l’Asie du sud-est

cours sur les variations des caractéristiques du phénomène ENSO (El Niño Southern Oscilla- tion) au cours de l’Holocène et dans le cadre du projet de recherche ELPASO qui vise à utiliser les enregistrements du passé ainsi que les simulations des climats passés pour mieux compren- dre la variabilité d’ENSO et ses téléconnections (Braconnot et al., 2010, soumis). Dans une revue de l’importance des variations du climat tropical dans les paléoclimats, Chiang (2009) met en évidence le fait que les phénomènes climatiques présentant une forte variabilité interan- nuelle sont susceptibles d’être plus sensibles aux changements climatiques. L’analyse suivante tente de vérifier ce lien entre les changements de climatologie et la variabilité interannuelle.

Les moussons indienne et africaine sont connues pour leurs variations extrêmes d’une année à l’autre qui peuvent avoir des impacts socio-économiques dramatiques. La variabilité interan- nuelle de ces moussons est étroitement liée au principal mode de variabilité dans les tropiques, ENSO, ainsi qu’aux conditions de surfaces océaniques locales. La figure 3.3 présente la vari- ance des précipitations des trois systèmes de mousson calculée sur 100 ans de simulation pour les trois périodes, 0, 6 et 9.5 ka. Il est à nouveau notable que les trois systèmes de mousson ont des réponses différentes au forçage orbital en terme de variabilité interannuelle. La variance des précipitations au Sahel est très faible et varie peu pour 0, 6 et 9.5 ka. La variance de la mousson indienne augmente d’environ 0.2 entre 0 et 6 ka et est à un niveau similaire à 9.5 ka. La variance de la mousson d’Asie du sud-est diminue entre 0, 6 et 9.5 ka.

    a) 0k b) 0k c) 6k d) 6k e) 9.5k f) 9.5k

FIGURE 3.4: Premier mode de variabilité (EOF1) des SSTs pour (a) 0k, (c) 6k, (e) 9.5k. Corrélation

entre la première composante principale de ce mode et les précipitations pour (b) 0k, (d) 6k, (f) 9.5k.

dans l’Atlantique tropical à l’Holocène moyen qu’à l’actuel. Zhao et al. (2005) montre aussi que la variabilité du dipôle de l’Océan Indien est diminuée à 6 ka, mais que l’impact sur les précipitations de mousson n’est pas significatif. Nous proposons ici d’étudier le lien entre la variabilité des systèmes de mousson et celle d’ENSO.

Pour ce faire, une analyse en composantes principales a été effectuée pour les SST dans les tropiques. La figure 3.4 présente le premier mode de variabilité (EOF 1) pour chaque climat. Le phénomène ENSO est représenté de façon relativement correcte dans le modèle de l’IPSL-CM4 (Marti et al., 2010; Guilyardi, 2006), cependant la fréquence des évènements est trop régulière autour de la période de 2 ans et la structure de variance des SST est trop confinée à l’Equateur et étendue vers l’ouest, ceci est visible sur la Fig. 3.4a. L’amplitude de ce premier mode de vari- abilité est diminuée à 6 et à 9.5 ka. Ceci se retrouve aussi dans la diminution de la variance des SST moyennées sur la zone Niño3 (Fig. 3.3). Cet affaiblissement de la variabilité d’ENSO est en accord avec différents types de paléoenregistrements (Cole, 2001; Koutavas et al., 2006; Brown et al., 2008). La comparaison multi-modèles des changements d’ENSO à l’Holocène Moyen effectuée par Zheng et al. (2008) dans le cadre de PMIP2 montre que les modèles représentent de façon systématique un affaiblissement d’ENSO à 6 ka. Ceci est principalement dû à l’ampli- fication du système de mousson asiatique qui perturbe la circulation de Walker sur le Pacifique et induit des anomalies de vents d’est et des anomalies d’upwelling dans le Pacifique central et ouest qui atténuent le développement d’évènements El Niño. Ce mécanisme semble se vérifier aussi à 9.5 ka, où la mousson indienne est d’autant plus amplifiée et l’amplitude de la variabilité d’ENSO diminuée par rapport à 6 ka.

De façon à analyser les changements d’interaction des systèmes de mousson avec ENSO ; la corrélation entre la première composante principale des SSTs de la zone Niño3 et les précip- itations dans les tropiques est présentée pour les trois périodes climatiques dans la Fig. 3.4. Le modèle représente une forte corrélation négative entre ENSO et la mousson indienne (≥ 0.5) à l’actuel. Ceci est observé dans les observations des dernières décennies bien qu’un change- ment de lien entre ces deux phénomènes soit apparu dans les années 1980-1990 (Torrence and

pas à capturer cette téléconnection correctement et présente une corrélation de signe opposé à 0 ka (Fig. 3.4 b). Ceci a été montré précédemment par Zhao et al. (2007). La corrélation des précipitations de mousson indienne avec ENSO est plus forte à 6 et 9.5 ka qu’à l’actuel, surtout sur les zones où la mousson est amplifiée (centre et nord-est de l’Inde, Fig. 3.4 d et f).

FIGURE 3.5: Corrélation glissante entre les précipitations de mousson JJAS de l’année 0 (mois 18 à

21) et les SSTs de la région Niño3 de l’année précédente (mois 1 à 12) à l’année suivante (mois 25 à 36) pour (a) l’Inde, (b) l’Asie du sud-est, (c) l’Afrique. Les traits en pointillé représentent les niveaux de significativité à 90% des corrélations.

Les analyses précédentes sont basées sur la variabilité des SST de la zone Niño3 pour la période JJAS, or la variabilité d’ENSO est maximale en hiver et la téléconnection avec les

de mousson et les SST de la zone Niño3 est calculée entre janvier de l’année -1 et décembre de l’année +1 (Fig. 3.5). A l’actuel, la corrélation avec la mousson indienne est maximale en été de l’année 0. A 6 et 9.5 ka, cette corrélation est amplifiée et étendue à l’hiver et au printemps de la même année. Les corrélations ne sont pas significatives pour l’Asie du sud-est, sauf en été où la faible corrélation négative est atténuée à 9.5 ka. Pour la mousson africaine, la corrélation est maximale et du mauvais signe en été comme il a été montré auparavant, et celle-ci devient nulle à toute période de l’année à 6 et 9.5 ka. Ceci est en accord avec l’étude de Zhao et al. (2007) qui montre l’affaiblissement de la téléconnection entre ENSO et la mousson africaine dans la plupart des modèles PMIP2.

En conclusion, ces analyses montrent qu’en plus de modifications du cycle saisonnier des systèmes de mousson, les changements d’insolation ont aussi un impact sur la distribution des régimes de pluie et sur les caractéristiques des variabilités intrasaisonnière et interannuelle. La distribution des régimes de pluie indique les mêmes changements relatifs entre les différents systèmes de mousson que ceux pour le cycle saisonnier, la mousson indienne étant plus im- pactée entre 6 et 9.5 ka que la mousson africaine. Les analyses de changements de variabilité interannuelle montrent que les sous-systèmes répondent de façon diverses alors que l’amplitude du phénomène ENSO est largement diminuée au début et au milieu de l’Holocène. Le fait que l’amplitude et le phasage de téléconnections telle que celle entre ENSO et la mousson indienne puissent avoir été modifiés dans le passé doit être considéré lors de l’interprétation des enreg- istrements paléoclimatiques, et ceci peut aider à mieux comprendre les variations observées à l’actuel à l’échelle décennale.

3.4 Comparaison modèle/données dans l’Océan Indien à l’Ho-