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CHAPITRE II : NOUVELLES DIMENSIONS DU RAPPORT SALARIAL

B. UN CHANGEMENT DANS LE MODE DE GESTION DE LA MAIN D'OEUVRE

Le changement qu'introduit l'apparition de la formation comme une des dimensions de la stratégie de l'entreprise, basée sur une maîtrise de l'évolution qualitative et quantitative de l'emploi, des métiers et des qualifications, conduit certainement à un réel CHANGEMENT DANS LE MODE DE GESTION DE LA MAIN- D'OEUVRE, des ressources humaines de l'entreprise. Condensé de la stratégie, articulant dans son plan des éléments importants de la mutation, la mobilité, la formation, les embauches et les débauches, les qualifications et l'organisation du travail, les investissements matériels et immatériels, la planification et la gestion stratégique des ressources humaines ( du patrimoine des compétences de l'entreprise) devient un élément essentiel de la réussite de la modernisation.

Les enjeux pour le rapport salarial

L'enjeu de ce changement et de cette réussite est simple : S'agit-il de maintenir le personnel et les organisations syndicales en dehors de cette évolution et de conserver un rapport d'individualisation dans la gestion de ce problème à l'évidence collectif et social, ou de comprendre que la maîtrise de la modernisation, qui ne doit pas craindre le débat, a beaucoup à gagner à la participation des salariés, à leur expression, à leur implication dans le processus, à la négociation des procédures nécessaires pour cela, à la négociation des formations et changements de qualifications nécessaires.

Là aussi, bien sur, s'affrontent les deux types de modernisation. Pour le premier type, le plan de formation est l'apanage de la direction, qui, conformément à la loi, consulte les Comités d'Etablissement, les Commissions de Formation et les Commissions Centrales de Formation mais n'est pas tenue de négocier quoi que ce soit en matière de formation. Notons à ce propos qu'il y a là certainement un domaine où la loi pourrait progresser, rendant la négociation de la formation elle aussi obligatoire. La formation ne tend-elle pas à occuper maintenant une place de plus en plus importante, jusqu'à 5 % et plus de la masse salariale dans de nombreuses entreprises, ce qui représente plus aujourd'hui que le pourcentage de la masse salariale consacrée aux augmentations de salaire ? Ne joue-t-elle pas maintenant un rôle de plus en plus important en lien avec les transformations de l'organisation du travail pour le développement des gains de productivité ?

Il y aurait là certainement un développement institutionnel à réaliser d'autant, faut-il le rappeler, que le droit pour un salarié à une formation dans le cadre du plan de l'entreprise n'existe plus aujourd'hui ? Alors que le droit à une formation est reconnu à

tout salarié, mais en dehors de l'entreprise (Congé Individuel de Formation), il n'existe plus aucune obligation pour l'employeur garantissant au salarié de l'entreprise une formation dans le cadre du plan de formation (c'est-à-dire aussi, payée intégralement ainsi que le salaire par l'entreprise), alors que l'ancienne loi le garantissait sous réserve de respect de certaines procédures (de délais et de quotas).

Le rapport Riboud formule, quant à lui, trois recommandations aux pouvoirs publics :

1. "Instituer un droit des salariés à bénéficier d'un bilan professionnel".

2. "Orienter les organismes publics de formation vers une offre d'ingénierie pédagogique". 3. "Favoriser la capitalisation des expériences concrètes permettant d'inspirer la

pratique, dans le domaine de l'organisation et de la gestion des ressources humaines".

La première recommandation, destinée à favoriser concrètement la mobilité et la polyvalence, permettant pour chaque salarié d'obtenir régulièrement un bilan personnel objectif de ses compétences, "qui pourrait être réalisé avec l'aide d'organismes indépendants de l'entreprise", servirait aussi bien pour assurer la progression du salarié que pour l'innovation de l'entreprise, le développement de son patrimoine de compétences et de sa réussite.

L'extension de l'offre d'ingénierie pédagogique dont il est question dans le deuxième point a trait à la nécessité d'une nouvelle pratique pédagogique, partant de l'expérience des salariés et favorisant les actions de formation interne où la hiérarchie participe à la formation du personnel. L'expérience relatée plus haut de l'apport d'un organisme public (à caractère industriel et commercial), l'ADEP, en matière d'ingénierie de formation pour le développement stratégique de la Thomson CGR et de ses ressources humaines, renforce l'appel lancé par le rapport Riboud en faveur de ces formes nouvelles d'institutions.

La formation conçue, chez Antoine Riboud, comme un outil pour gérer la transition entre l'organisation taylorienne du passé et l'organisation du futur, est inséparable pour lui, dans cet objectif, d'une démarche participative pour intégrer et faire évoluer les différents acteurs. Cette conception distingue les deux grands types de modernisation et de rapport salarial en matière de formation.

L'expression des salariés est également un domaine nouveau dans les relations sociales et le rapport salarial. Bien que d'importance très minime quantitativement, l'expérience acquise dans certains groupes d'expression à la CGR mérite cependant qu'on

s'y arrête quelque peu pour en suivre concrètement la pratique et regarder, au travers des difficultés surmontées dans quelques endroits, les richesses et les transformations qu'elle peut amener.

2. EXPRESSION : PRATIQUE, DIFFICULTES ET TRANSFORMATIONS

Notre objectif ici n'est pas la relation détaillée de la mise en place des groupes à la CGR et de l'expérience vécue de l'intérieur du travail d'un groupe d'expression pendant quatre ans avec tous les problèmes rencontrés et les transformations réussies - étude qui dépasse le cadre de ce chapitre. Il s'agit de chercher à tirer les enseignements de la pratique réussie de l'expression à la CGR dans quelques rares cas précis où l'expérience a été menée avec persévérance, et de dégager les raisons de son échec ailleurs. Puis de s'interroger sur la nature des transformations du rapport salarial que peut apporter cette innovation sociale.