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La méthode la plus intuitive pour construire une fonction harmonique maximum sur les frontières des obstacles et minimum sur la destination est sans doute de résoudre l’équation de Laplace soumise à des conditions aux limites deDirichlet.

Champs de Potentiel Harmoniques avec Conditions de Dirichlet

Supposons que l’on cherche à planifier la trajectoire d’un mobile évoluant dans un espace rempli de m obstacles Oj et cherchant à atteindre sa destination qd. Les frontières de l’espace libre F sont alors données par les frontières des obstacles et la destination :

∂F =

m

[

j=1

∂Oj ∪ qd.

On cherche à construire une fonction harmonique prenant la valeur 1 sur les frontières des obstacles et la valeur 0 à la destination. L’équation de Laplace soumise à des conditions aux limites de Dirichlet s’écrit alors :

       4f = 0 sur F − ∂F f = 1 sur ∂F − qd f = 0 sur qd . (4.3)

La méthode desdifférences finies s’adapte très bien à la résolution de l’équation de Laplace soumise à des conditions aux limites de Dirichlet. Le laplacien de la fonction harmonique peut être discrétisé sur une grille régulière de pas h suivant le schéma suivant :

4f (x, y) = f (x, y − h) + f (x − h, y) − 4f (x, y) + f (x + h, y) + f (x, y + h)

En utilisant (4.4) et en imposant les conditions aux limites sur les frontières et la desti- nation, un système linéaire à N équations et N inconnues est construit, avec N le nombre de sommets de la grille. La résolution de ce système linéaire donne la fonction potentielle associée au problème (4.3) et présentée Figure 4.9.

0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1

Figure 4.9 – Fonction potentielle harmonique avec conditions de Dirichlet. Cercles blancs=Obstacles ; Point blanc = Destination.

Le champ de potentiel est ensuite obtenu par dérivation numérique de la fonction potentielle par un schéma centré :

∂f (x, y) ∂x = f (x + h, y) − f (x − h, y) 2h , ∂f (x, y) ∂y = f (x, y + h) − f (x, y − h) 2h .

Il apparaît sur le champ de potentiel normé présenté Figure 4.10 que la zone entre les trois obstacles n’est pas un minimum local de la fonction potentielle. À cet endroit, le champ de potentiel repousse le mobile loin des obstacles.

Les trajectoires obtenues grâce à ce champ (voir Figure 4.11) atteignent toutes la destination puisqu’il n’y a pas de minimum local entre les trois obstacles. Elles sont également beaucoup plus lisses que les trajectoires obtenues à partir du champ de potentiel de Khatib.

Appliquons un champ de potentiel harmonique avec conditions de Dirichlet sur le cas d’un espace contenant six obstacles. Le champ de potentiel normé et les trajectoires obtenues sont présentés Figure 4.12 et Figure 4.13.

Figure 4.10 – Champ de potentiel harmonique avec conditions de Dirichlet normé. Cercles rouges=Obstacles.

Figure 4.11 – Trajectoires obtenues en suivant le champ de potentiel harmonique de la Figure 4.10 depuis cinq points de départ (traits pleins bleus). Cercles rouges=Obstacles ; Poin- tillés noirs=Lignes droites entre départs et destination.

Figure 4.12 – Champ de potentiel harmonique avec conditions de Dirichlet normé. Cercles rouges=Obstacles.

1

2

3

4

5

Figure 4.13 – Trajectoires obtenues en suivant le champ de potentiel harmonique Dirichlet de la Figure 4.12 depuis cinq points de départ (traits pleins bleus). Cercles rouges=Obstacles ; Pointillés noirs=Lignes droites entre départs et destination.

Les trajectoires atteignent bien toutes la destination tout en contournant les obstacles. Les trajectoires sont lisses, mais également très déviées. Les trajectoires 2, 4 et 5 s’écartent inutile- ment de la ligne droite. Les trajectoires 1 et 3 dévient de la ligne droite pour éviter des obstacles sur leur chemin, mais également pour contourner des obstacles qu’elles n’auraient pas traversés. Ces déviations rallongent certes les trajectoires, mais elles permettent également de garder une certaine marge de sécurité dans l’évitement des obstacles. Ainsi, si la position d’un obstacle a été évaluée de manière imprécise, la trajectoire calculée a de grandes chances d’éviter tout de même l’obstacle.

Si les champs de potentiel harmoniques avec condition de Dirichlet semblent remplir toutes les conditions requises pour planifier la trajectoire d’un avion cherchant à éviter des obstacles fixes, ils présentent néanmoins un inconvénient majeur : ils sont évanescents. La norme d’un champ de potentiel harmonique avec conditions de Dirichlet décroît très vite au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la destination, comme le montre la Figure 4.14.

Figure 4.14 – Champ de potentiel harmonique avec conditions de Dirichlet NON normé. Cercles rouges=Obstacles.

Dans les cas présentés précédemment, le problème de l’évanescence a été contourné en nor- mant le champ de potentiel. Mais une telle opération n’est possible que si le champ de potentiel est calculé avec une précision numérique suffisante. Prenons le cas d’un espace plus complexe : un labyrinthe. Le champ de potentiel harmonique avec conditions aux limites de Dirichlet normé calculé sur un labyrinthe est présenté Figure 4.15.

Le champ normé ne peut être calculé que sur une petite partie du labyrinthe, la norme du champ évolue alors entre 1 et 10−6 au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la destination. Dans le reste de l’espace libre, la norme du champ est inférieure à 10−6. La précision du calcul n’est pas suffisante pour permettre d’obtenir un champ de navigation viable.

Figure 4.15 – Champ de potentiel harmonique avec conditions de Dirichlet normé dans un labyrinthe. Point rouge=Destination.

Champs de Potentiel Harmoniques avec Conditions de Neumann

Le problème de l’évanescence des champs de potentiel harmoniques avec conditions de Di- richlet a été détecté très tôt. Une des solutions envisagées pour résoudre ce problème d’évanes- cence est l’utilisation de conditions aux limites de Neumann au lieu de conditions aux limites de Dirichlet [Tarassenko 1991],[Connolly 1993] et [Karnik 2004].

Conditions de Neumann homogène : Une condition de Neumann homogène consiste à imposer que le flux traversant les frontières soit nul. L’équation de Laplace soumise à des conditions aux limites de Neumann homogène s’écrit :

         4f = 0 sur F − ∂F ∂f ∂n = 0 sur ∂F − qd f = 0 sur qd ,

∂n désigne la dérivée normale aux frontières.

La résolution de ce système donne une fonction potentielle constante nulle. Afin d’obtenir une solution non triviale, il faut rajouter un point "source" au point de départ de la trajectoire :

               4f = 0 sur F − ∂F − qs ∂f ∂n = 0 sur ∂F − qd f = 0 sur qd f = 1 sur qs , (4.5)

Malheureusement, le système (4.5) oblige à recalculer la totalité du champ de potentiel pour chaque trajectoire que l’on souhaite calculer. Les conditions aux limites de Neumann homogène font donc perdre un certain avantage à la méthode des champs de potentiel : un champ de potentiel ne permet plus de calculer plusieurs trajectoires souhaitant rejoindre la même destination.

Conditions de Neumann non homogène : Une condition de Neumann non homogène consiste à imposer qu’un flux traverse les frontières depuis l’extérieur du domaine vers l’inté- rieur du domaine. Elle permet de ne pas avoir à imposer de point "source" au point de départ de la trajectoire et donc de calculer plusieurs trajectoires avec un seul champ de potentiel.

L’équation de Laplace soumise à des conditions aux limites de Neumann non homogène s’écrit :          4f = 0 sur F − ∂F ∂f ∂n = −1 sur ∂F − qd f = 0 sur qd . (4.6)

L’équation (4.6) est plus facile à résoudre sur un espace de forme complexe par une mé- thode d’éléments finis linéaires plutôt que par différences finies (surtout pour un espace rempli d’obstacles circulaires). L’espace est alors discrétisé, par unmaillage triangulaire de Delaunay par exemple. L’équation de Laplace et la condition de Neumann sont ensuite discrétisées en approchant f par des fonctions linéaires fe évaluées aux sommets de chaque triangle e :

   f1e f2e f3e   =    1 x1 y1 1 x2 y2 1 x3 y3       αe0 αex αey   .

La méthode des éléments finis permet de construire un système linéaire à N équations et

N inconnues (avec N le nombre de sommets du maillage). La résolution de ce système linéaire

donne les coefficients (αe0, αex, αey) sur chaque triangle, coefficients qui permettent ensuite de cal- culer une approximation de f ou de ses dérivées. La méthode des éléments finis présente donc l’avantage de permettre le calcul direct du champ de potentiel sans avoir à calculer la fonction potentielle, puis à la dériver numériquement.

En résolvant l’équation (4.6) sur le labyrinthe par la méthode d’éléments finis, on obtient le champ de potentiel normé présenté Figure 4.16.

Des conditions aux limites de Neumann permettent effectivement de résoudre le problème d’évanescence. Le champ de potentiel ainsi calculé est tangent aux obstacles, rendant la mé- thode peu robuste. L’équation (4.6) appliquée au cas d’un espace rempli de six obstacles donne le champ de potentiel normé et les trajectoires présentés Figure 4.17 et Figure 4.18.

Les trajectoires obtenues à partir d’un champ de potentiel harmonique avec conditions de Neumann non homogène passent effectivement plus près des obstacles qu’avec un champ de potentiel harmonique avec conditions de Dirichlet. La trajectoire 1 vient presque toucher l’obs- tacle avant de le contourner, comme le faisait le champ de potentiel de Khatib. La trajectoire 2 est plus lisse que celle obtenue avec des conditions de Dirichlet et reste à bonne distance des

Figure 4.16 – Champ de potentiel harmonique avec conditions de Neumann non homogène normé dans un labyrinthe. Point rouge=Destination.

obstacles. La trajectoire 3 est elle aussi plus lisse, mais elle a tendance à se rapprocher du petit obstacle pour éviter le plus gros. Les trajectoires 4 et 5 sont plus déviées que les trajectoires obtenues avec conditions de Dirichlet alors qu’une telle déviation est inutile.