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Le champ de la signification musicale

2 PROBLÉMATIQUE, MÉTHODOLOGIE ET ANALYSE DU CORPUS

2.2 Approche méthodologique

2.2.2 Le champ de la signification musicale

2.2.2.1 Sens et signification

Retrouver au sein de l’œuvre la référence à des thèmes extra-musicaux pose bien évidemment la question de la signification musicale et, dans son sillage, celle de la distinction entre sens et signification. Il faut d’abord préciser que ces deux mots ne recouvrent pas la même acception selon que l’on se place sur le plan du langage verbal ou sur celui de la musique. Rappelons brièvement que le langage verbal est un langage à double articulation dont la syntaxe gère l’organisation des monèmes, unités dites de première articulation et dotées de signification. Les phonèmes, unités de seconde articulation, ne sont pas porteurs de signification et permettent uniquement la différenciation entre les mots. Alors que la signification est attachée au mot isolé, le sens naît de l’organisation de ces mots en phrases et du contexte qui en découle.

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Cette distinction entre sens et signification ne peut cependant pas être appliquée telle quelle à la musique, langage dont la syntaxe est basée sur la note, unité non porteuse de signification 193

. Le terme de signification musicale s’applique ainsi traditionnellement aux références extra-musicales contenues dans l’œuvre tandis que le sens est intrinsèque au langage musical lui-même. Delalande décrit ainsi la signification comme « les effets de la musique, les images qu’elle suggère et en général les faits psychiques associés à l’écoute et dont la description interne de la musique ne rend pas compte directement194

». Quant au sens, il le confond avec la fonction de l’objet dans un contexte musical perçu et illustre son propos par l’exemple de la sensible dont le sens, au sein du système tonal, correspond à la fonction de note attractive195

. Une telle définition fait de la syntaxe musicale le lieu d’éclosion du sens et, en postulant l’existence d’un système musical prédéfini, pose le problème des musiques électroacoustiques ainsi que, de façon plus générale, des musiques n’obéissant pas à une syntaxe préétablie. Delalande n’hésite d’ailleurs pas à affirmer que « faute de système musical, et grâce à l’empreinte concrète de ses matériaux, la musique électro-acoustique, à l’opposé de celle de Bach, est vraisemblablement plus souvent une musique de signification que de sens196

». En réalité, sens et signification fonctionnent de la même façon dans la mesure où ils constituent l’aboutissement du système de renvoi de la musique considérée comme forme symbolique. En considérant le signe comme « quelque chose qui renvoie à quelque chose d’autre pour quelqu’un197

», on s’aperçoit que la différence entre sens et signification réside en fait dans la nature de ce quelque chose d’autre. Or, même dans l’analyse des relations structurelles ce quelque chose d’autre apparaît souvent en référence à une réalité d’ordre extra-musical lorsque l’on en fait une description verbale. Mario Baroni remarque ainsi que, malgré l’autoréférentialité de la musique postulée par l’approche formaliste de Ruwet et Jakobson,

193 Voir à ce sujet Jean-Jacques Nattiez, « La signification comme paramètre musical », in Musique, Une

encyclopédie pour le XXe siècle, Jean-Jacques Nattiez dir., tome 2, Actes Sud/Cité de la musique, Paris,

2004

194 François Delalande, « L’analyse des musiques électroacoustiques », in Musique en Jeu n°8, Editions du Seuil, Paris, janvier 1972

195 Ibid.

196 Ibid.

197 Saint Augustin, cité in Jean-Jacques Nattiez, « La signification comme paramètre musical », in

Musique, Une encyclopédie pour le XXe siècle, Jean-Jacques Nattiez dir., tome 2, Actes Sud/Cité de la

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Ruwet, lorsqu’il décrit les structures syntaxiques, laisse parfois échapper des mots comme « inquiétude, contraste, statisme, dynamisme » qui sont présentés comme des traits spécifiques de ces structures. Certes, ces mots renvoient à des caractéristiques qui sont indubitablement pensées comme structurelles, mais ils évoquent également, sans le vouloir, des situations ou des images qui ne sont pas propres à la musique mais proviennent d’expériences plus générales, de nature extra-musicale198.

De la même façon, l’exemple de la sensible décrit plus haut, s’il s’inscrit dans la syntaxe du système tonal, n’en renvoie pas moins au schéma affectif de tension-détente. Il entre ainsi dans la définition de la signification retenue par Nattiez : « un objet quelconque prend une signification pour un individu qui l’appréhende lorsqu’il met cet objet en relation avec des secteurs de son vécu, c’est-à-dire l’ensemble des autres objets qui appartiennent à son expérience du monde199

». Nattiez finit d’ailleurs par regrouper l’ensemble des renvois musicaux sous le terme de signification. S’il conserve la distinction entre signification intrinsèque (qui ne renvoie qu’à la musique elle-même) et signification extrinsèque (qui renvoie à un univers sémantique extérieur à la musique elle-même), il marque toutefois, par ce choix lexical, la présence de contenu sémantique dans les deux catégories.

Mario Baroni, lui, réfute l’interprétation de la distinction entre intrinsèque et extrinsèque (qu’il nomme respectivement endosémantique et exosémantique) comme une opposition entre syntaxe et sémantique :

Il serait […] erroné d’interpréter la distinction entre endo- et exosémantique comme une opposition entre syntaxe et sémantique. Les deux dérivent de règles syntaxiques et ont un potentiel sémantique (ou para-sémantique). Elles sont moins caractérisées par une opposition que par une continuité, et seul les sépare le fait que leur contenu est plus ou moins définissable. Plutôt que de définir l’endo- et l’exosémantique comme deux conditions différentes et antagonistes, mieux vaut les concevoir comme les deux pôles opposés d’un même continuum200.

Et de préciser :

198 Mario Baroni, « Herméneutique musicale », op.cit., p 677

199 Jean-Jacques Nattiez, « La signification comme paramètre musical », op.cit., p 257

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[…] En musique, comme il n’existe pas de lexique, la sémantique et la syntaxe coïncident exactement […]201.

Pour lui, le sémantisme musical s’incarne d’une part dans des « constantes anthropologiques », « expériences affectives, sensorielles ou imaginaires toujours reconnaissables parce qu’elles sont communes à tous les êtres humains » et d’autre part dans leur présentation musicale, reflet des « modes de pensée et des systèmes de valeurs enracinés dans des sociétés différentes », dont la compréhension nécessite le recours « à des connaissances spécifiques, relatives à des circonstances historiques et culturelles ». Les premières sont associées à la sémantique et les secondes à l’herméneutique :

l’on pourrait donc postuler que la « sémantique » musicale est l’interprétation des « constantes anthropologiques », et l’herméneutique celle des différences culturelles202.

Infléchissant l’intrinsèque et l’extrinsèque de Nattiez en constantes anthropologiques et

différences culturelles, Baroni n’en reconnaît pas moins, lui aussi, la réalité

extra-musicale attachée à toute signification :

Même dans les traités théoriques les plus neutres et les plus techniques, les métaphores extra-musicales abondent : des plus cinétiques (monter, descendre, onduler), aux plus tactiles (dur, rugueux, léger). Ces exemples démontrent en quoi les formes syntaxiques dites endosémantiques peuvent également, du fait de leur pouvoir allusif, être porteuses de significations extra-musicales, si

subtiles et difficiles à définir soient-elles203.

L’approche de Bernard Vecchione - à replacer dans le cadre restreint de l’analyse d’œuvres de circonstance - se distingue des précédentes en conférant à l’œuvre une valeur de « document »204

. Vecchione met cependant en garde contre la subordination du sémiotique à toute « anthropologie » du musical :

Aucune relation de consécution stricte entre données anthropologiques suscitatrices et données sémiotiques résultantes ne peut être présupposée, empêchant ainsi la sémiotique d’être purement subordonnée à une anthropologie factuelle ou, de façon plus restrictive, à une stricte sociologie,

201 Ibid., p 681-682

202 Ibid., p 685

203 Mario Baroni, « Herméneutique musicale », op.cit., p 678-679

204 Bernard Vecchione, « Une approche sémiorhétorique du musical », in Sens et signification en musique, Marta Grabocz, Dir., Hermann Éditeurs, Paris, 2007, p 276

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même historique, du musical […]. [Sa] valeur de document, l’œuvre musicale ne l’acquiert qu’en étant reconnue dans les formes mêmes d’expression qui sont les siennes : […] dans ses aptitudes spécifiques à dire, à former sens, parole, propos205.

Il pose ainsi comme préambule indispensable à l’analyse la distinction entre sens et signification :

La lecture d’œuvres musicales de circonstances nécessite […] d’opérer une distinction nette entre sens et signification. L’examen attentif de ce qui s’inscrit en œuvre nous autorise à formuler des hypothèses quant à la signification de l’œuvre. Celle-ci est comprise comme ce que, par ses dispositifs d’écriture singuliers, l’œuvre inscrit en texte, en discours, en parole, en propos, aptes à sortir d’eux-mêmes pour nous orienter vers les raisons de leur profération. La signification d’une œuvre, prise en son ensemble, comme texte, concerne donc la dynamique interne de l’œuvre, la cohérence de sa mise en configuration, la cohésion de l’ensemble hétérogène qu’elle forme, qu’un lecteur est amené à produire comme compréhension. Mais l’examen attentif de ce qui s’inscrit en œuvre nous révèle aussi des orientations de l’œuvre aux motifs anthropologiques de sa composition. Ce sont ces orientations de l’œuvre vers son extérieur […] qu’en opposition à sa signification on appelle sa référence […]. Le sens de l’œuvre musicale de circonstance n’est alors pas assimilable à sa seule signification mais à la conjonction de sa signification et de sa référence : ce qui constitue l’œuvre dans son ensemble en discours ; et ce qui, par ce discours, est signifié, intentionnellement ou non d’ailleurs, de sa situation de suscitation206.

Cette appréhension de l’œuvre dans sa singularité de texte est également défendue par Umberto Eco qui définit l’opposition entre d’une part ce que dit le texte « en référence à sa propre cohérence contextuelle et à la situation des systèmes de signification auxquelles il se réfère » et d’autre part « ce que le destinataire y trouve en référence à ses propres systèmes de signification »207

.

On retrouve chez Baroni et Vecchione, comme chez les auteurs précédents, l’idée d’une distinction plus ou moins marquée entre un contenu sémantique propre à la matière musicale et un contenu sémantique plus extérieur à l’œuvre (les deux renvoyant finalement, ainsi que nous l’avons vu, à une réalité extra-musicale). Les approches de Baroni et Vecchione présentent cependant des similitudes plus poussées dans la mesure où elles précisent toutes deux un contenu sémantique lié à l’ancrage culturel et élucidé par le recours à l’herméneutique. Au-delà de ces similitudes, en revanche, les deux

205 Ibid., p 275-276

206 Ibid., p 281-282

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auteurs divergent sur la délimitation même du champ herméneutique : alors que Baroni y place la compréhension de l’expression musicale elle-même, Vecchione y voit l’interprétation de la situation anthropologique qui a suscité la production artistique. Il s’agit là d’une différence de point de vue au sens large du terme, Baroni s’intéressant au contexte historico-culturel quant à son influence sur la dimension esthétique du langage musical tandis que Vecchione y voit le terreau suscitateur du sens de l’œuvre. De la même façon, Vecchione postule une délimitation stricte entre l’expression musicale et les « données anthropologiques suscitatrices » alors que Baroni, comme nous l’avons vu, appréhende sémantique et herméneutique comme les deux pôles d’un même continuum.

Nous nous attachons plus particulièrement à ces deux approches car elles semblent complémentaires, dans le cadre de notre étude, pour accompagner notre réflexion sur le sens et la signification en musique. Une fois postulée l’hypothèse que tout sémantisme musical repose sur des réalités extra-musicales, il reste en effet à déterminer si nous conservons la distinction entre signification interne et signification externe et, dans l’affirmative, la façon dont nous la considérons. Si nous partageons la préoccupation de Bernard Vecchione concernant l’indispensable prise en compte de l’œuvre dans sa singularité musicale, il nous semble cependant difficile de différencier de façon radicale, comme il le préconise, le sens et la signification. En effet, ainsi que nous l’avons vu, même la recherche des significations (au sens qu’il donne à ce terme) ne peut s’affranchir d’une certaine interprétation s’étendant au-delà du musical. Il ne s’agit pas là, comme le postule Baroni, d’éclairer la « présentation musicale » par une étude herméneutique qui en expliciterait les composantes esthétiques : nous ne sommes pas ici dans le cadre d’un langage musical établi permettant ce type d’approche. Il n’est pas question pour nous d’expliquer telle ou telle « présentation musicale » mais uniquement de la constater et d’en faire émerger une signification. Nous procèderons ainsi au repérage empirique des signes présents dans l’œuvre. L’étude des significations devra alors faire appel à la sémiologie pour justifier l’hypothèse sémantique. Prenons l’exemple d’un son sinusoïdal itératif puis continu, symbole occidental de la mort visualisée à travers le signal sonore de l’électro-cardiogramme : comment justifier, sans pousser l’analyse au-delà de la musique elle-même, qu’il puisse générer des interprétations gravitant autour de l’idée de mort ? Il en est de même pour l’exemple de

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la valse viennoise cité par Baroni208 : utilisée comme référence, cette valse revêt, au-delà de sa réalité strictement musicale, une signification qui ne peut être appréhendée qu’à travers la connaissance du contexte historique et culturel qu’elle représente. Cet aspect de l’analyse sera particulièrement prégnant dans le cadre des musiques électroacoustiques : privé d’informations sur la source du son, l’auditeur acousmatique va en effet naturellement chercher à identifier la source émettrice en utilisant les souvenirs enregistrés dans sa mémoire auditive, d’où un processus de sémantisation accru. Il est également primordial dans le cas des musiques présentant des emprunts à d’autres cultures, dont les éléments « étrangers » - ou considérés comme tels - se teintent souvent d’une connotation dont ils sont ensuite difficilement dissociables. Mais cette sémiologie que nous venons de définir ne constitue que le premier niveau de notre analyse, le second consistant, comme le propose Vecchione, en une herméneutique de la situation de production209

destinée à mettre en relation les

significations mises au jour par le premier niveau avec le contexte historique et culturel

en vue de faire émerger le sens de l’œuvre. Car si nous réfutons la distinction de Vecchione entre sens et signification au profit d’un continuum sémio-herméneutique, nous adhérons en revanche sans réserve au point de vue selon lequel la situation de production, accessible par le biais de l’approche herméneutique, peut seule éclairer le

sens de l’œuvre. Nous passons là de la sémiologie à une herméneutique de l’œuvre « ne

prenant pas en charge le signifié d’un message univoque mais le message dans sa globalité, c’est-à-dire une action, un contexte qui possède une myriade d’indices hors du texte »210

.

Comme Baroni et Vecchione, Christian Hauer place l’œuvre au centre de toute recherche de sens :

[…] l’œuvre d’art est à l’origine du sens, ou plutôt de sens qui sans elle n’auraient jamais pu exister […]. Le geste créateur est premier, irréductible à tout autre ; il est la source de tous les sens possibles de l’œuvre211.

208 Mario Baroni, « Herméneutique musicale », op.cit., p 680

209 Contrairement à Bernard Vecchione, nous ne sommes pas dans un contexte d’œuvre de commande. Nous parlerons donc de situation de « production », voire plus généralement de situation « anthropologique » plutôt que de situation « suscitatrice ».

210 Mario Baroni, « Herméneutique musicale », op.cit., p 691

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Et de la même façon que Vecchione, il définit l’herméneutique musicale comme une interrogation sur le sens musical212

. Il ne scinde cependant pas le champ de l’analyse en deux domaines distincts selon que l’on s’intéresse à l’œuvre elle-même ou au contexte qui l’entoure, mais insiste au contraire sur la nécessité d’une prise en compte globale. S’appuyant - entre autres - sur les travaux de Gérard Genette, il insiste ainsi sur l’historicité incontournable de l’œuvre d’art et de la relation esthétique213

, allant jusqu’à postuler que la méconnaissance de ce « marquage originel » peut altérer la rencontre avec l’œuvre, et donc la recherche du sens :

Certes l’œuvre d’art n’est pas qu’historicité. Mais elle est nécessairement cela aussi et même d’abord. En occultant ce marquage originel, on ne peut que se couper d’une réalité fondamentale de l’œuvre : de l’origine de son sens. Il est vrai que l’on peut s’en passer. Il n’empêche que ce processus d’historisation s’opère malgré tout et même malgré soi, et s’il le faut avec les moyens du bord. Ne rien connaître de ce marquage historique n’implique pas nécessairement ne pas comprendre une œuvre mais risque fort de nous faire passer à côté d’un sens « plausible », donc acceptable. Par conséquent, moins nous disposerons de connaissances, plus notre rencontre avec l’œuvre sera esthétique, c’est-à-dire, au sens étymologique du terme, de l’ordre du « sentir » , et seulement de cet ordre. D’où une rencontre qui n’est pas vraiment une rencontre, mais un simple face à face entre une œuvre condamnée au silence et un récepteur qui s’adresse à elle sans la considérer dans sa singularité mais seulement sous l’angle de sa singularité à lui214.

Cette recherche des sens originels est l’un des deux aspects retenus par Hauer pour définir la naissance du sens, le second étant la nécessité de comprendre avant de

connaître. Ce comprendre-avant-le-connaître défini par l’auteur englobe en quelque

sorte l’ancrage historique et culturel dans la mesure où

« comprendre » une œuvre musicale, c’est […] être capable de « prendre » ce que l’on entend « avec » des choses que l’on n’entend pas - car c’est ce qu’on n’entend pas qui permet de comprendre ce qu’on entend215.

Hauer se réfère là principalement aux travaux de Raymond Monelle216

, dont il présente la position :

212 Ibid., p 149

213 Gérard Genette, L’œuvre de l’art. 2. La relation esthétique, Paris, Seuil, 1997, cité in Christian Hauer,

op.cit., Prologue p xv

214 Christian Hauer, op.cit., Prologue p xv-xvi

215 Ibid., 2016, p 152

216 Raymond Monelle, The Sens of Music. Semiotic Essays, foreword by R. Hatten, Princeton and Oxford, Princeton University Press, 2000.

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[…] ce qui apparaît dans une œuvre musicale ne peut pas faire sens seul : ce qui permet de faire sens, c’est précisément tout le reste, tout ce qu’il y a autour de l’œuvre - tout ce qui en quelque sorte la dépasse, plus exactement la dé-borde. Ce dé-bordement même - et lui seul - permet à l’œuvre musicale de faire sens217.

Incluse dans ce comprendre, la recherche des sens originels permet d’en assurer la plausibilité en évitant de tomber dans l’arbitraire :

[…] les sens originels - ou premiers - d’une œuvre d’art comprennent plusieurs aspects, comme les intentions de l’auteur ou encore le marquage historique - contextuel - de l’œuvre. En fait, ils assurent l’identité d’une œuvre d’art au fil du temps, une permanence minimale du sens, et que je dirais obligée. Ce que l’on eut aussi désigner par le terme de « potentiel d’appel » d’une œuvre, quelle qu’elle soit218.

L’approche de Christian Hauer interdit cependant toute analyse strictement sémiologique dans la mesure où elle bannit la différenciation entre signifié et signifiant au profit du comprendre initial. Reprenant l’emprunt à Derrida revendiqué par Raymond Monelle, Hauer rappelle ainsi qu’ « il n’y a pas de hors-texte » et que considérer l’œuvre musicale comme un « texte » a justement pour conséquence la suppression de la distinction entre signifiant et signifié :

[…] la distinction entre « signifiant » et « signifié » n’est pas pertinente, elle n’est pas valable. Car on ne peut segmenter le discours musical en des unités signifiantes que si l’on comprend ce discours, que si l’on comprend ce qu’il signifie : l’œuvre musicale ne devient « texte » qu’à partir du moment où signifiant et signifié se confondent219.

Nous ne souscrirons pas à cette idée puisque notre démarche trouve l’un de ses fondements dans la sémiologie définie plus haut. Mêlant les travaux de Baroni, Vecchione et Hauer nous définirons notre propre approche du sens comme un continuum entre sémiologie et herméneutique de l’œuvre. Nous emprunterons également une partie de leur terminologie à ces auteurs, utilisant indifféremment les