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III. LIMITES DES TECHNIQUES ET PISTES DE RECHERCHE

III.4. Ingénierie tissulaire

III.4.2. Cellules souches

III.4.2.1. Présentation

L’ingénierie tissulaire est une discipline médicale émergente, ayant pour but la réparation ou la régénération des tissus endommagés. Pour permettre ces reconstructions tissulaires il faut réunir 3 éléments indispensables : une matrice tri dimensionnelle conductrice; des molécules de signalisation ou signaux morphogènes inductifs et des cellules souches multipotentes. (95). La matrice tridimensionnelle agit non seulement comme vecteur des cellules sur le site de régénération, mais joue également un rôle majeur dans la fixation cellulaire, le maintien d'espace, la détermination des caractéristiques morphologiques et le recrutement d'oxygène et de nutriments (96).

Une cellule souche est une cellule indifférenciée capable de s’auto-renouveler (lors de la division cellulaire il y a toujours un réservoir de cellules souches qui leur permettent de se diviser indéfiniment : cf. fig. 17), d’induire une prolifération cellulaire et de se différencier en plusieurs types cellulaires spécifiques. (25) Les cellules souches sont également inter-convertibles, c’est à dire qu’une cellule souche fibreuse peut se différencier en cellule osseuse, cartilagineuse ou fibroblastique.

Figure 17 = Auto-renouvèlement des cellules souches

Source : Alberts B, Johnson A, Lewis J, Raff M, Roberts K, Walter P. Développement des organismes multicellulaire et Histologie : Vie et mort des cellules dans les tissus. In : Biologie moléculaire de la cellule. Paris : Flammarion Médecine-Science ; 4ème éd. ;

Au cours des dernières années, la recherche médicale dans le domaine des cellules souches a fortement évolué.

On distingue trois sources principales de cellules souches : les cellules souches embryonnaires ou pluripotentes, les cellules souches adultes multipotentes et les cellules souches pluripotentes induites par manipulation génétique. (25)

D’une part, l’utilisation des cellules souches embryonnaires pose un problème d’un point de vue éthique ; leur collection est strictement encadrée dans la loi et ne peut être utilisée qu’à des fins de recherche (avis 67 du CCNE, 27 janvier 2000).

D’autre part, les travaux de John Gurdon et Shinya Yamanaka (prix Nobel 2012 de médecine) ont démontré la possibilité de développement de cellules souches à partir de tissus déjà différenciés ; cela représente une avancée majeure pour la médecine. Cependant ces manipulations génétiques ne sont pas sans risque et la probabilité de développer des cellules tumorales est plus élevée.

A ce jour, leur utilisation humaine n’est pas encore possible ; mais de nombreuses recherches sont menées. Par exemple, un article détaille l’utilisation de cellules souches pluripotentes induites et de dérivés de la matrice amélaire sur des souris avec une matrice tridimensionnelle de soie (98) ; cette étude aboutit à la formation de nouveau cément, d’os alvéolaire et d’un ligament parodontal.

En ce qui concerne les cellules souches adultes multipotentes ; les cellules souches mésenchymateuses de la moelle osseuse ont largement été étudiées pour la régénération parodontale : celles-ci ont la capacité d’améliorer la régénération parodontale grâce à la formation d’os alvéolaire mature bien formé, de nouveau cément, d’un ligament parodontal et à une néovascularisation. Cependant il est très compliqué et peu économique de réaliser un prélèvement de moelle osseuse (sternum ou hanche) pour chaque thérapeutique de régénération parodontale ; il est donc nécessaire de trouver une source plus accessible. (99)

Il est prouvé que des cellules souches mésenchymateuses adultes se trouvent dans l’organe dentaire et l’endodonte, dans les tissus parodontaux (100) ; celles-ci ont les caractéristiques propres aux stades précoces de la différenciation cellulaire, similaires aux cellules de la moelle osseuse. Des études ont prouvé qu’aucune différence significative du potentiel de régénération n’existait entre les cellules souches du ligament parodontal et les cellules souches de la moelle osseuse.

Ces cellules mésenchymateuses d’origine dentaire se retrouvent à plusieurs endroits : (99)

- cellules souches de la pulpe : les résultats sont incohérents selon les études mais une étude humaine montre une réparation osseuse optimale après extraction - cellules souches du ligament parodontal

- cellules souches provenant des dents caduques exfoliées humaines

- cellules souches de la papille apicale à partir de dents permanentes immatures (ex : dents de sagesse)

- cellules souches des follicules dentaires : elles sont capables de générer un ligament parodontal in vivo ainsi que du tissu fibreux et du cément

Parmi toutes ces sources de cellules souches il est prouvé que les cellules souches du ligament parodontal possèdent la plus grande capacité de régénération, nous nous intéresserons principalement à cette population cellulaire.

III.4.2.2. Etudes animales

Dans une première étude sur des chiens (101), des cellules souches du ligament alvéolo-dentaire sur un support d’acide hyaluronique ont été placées au niveau de défauts osseux réalisés au niveau des premières molaires mandibulaires sur le groupe test, le groupe témoin n’ayant que le support d’acide hyaluronique. Dans 3 cas sur 5, la cicatrisation des tissus parodontaux et la formation du ligament parodontal et de nouveau cément ont été observées contre 1 cas sur 5 dans le groupe témoin. Le potentiel de régénération des cellules souches du ligament parodontal paraît donc prometteur mais ces résultats ne sont pas significatifs.

Une autre étude (102) s’intéresse à l’utilisation de cellules souches du ligament parodontal autologues dans des défauts parodontaux chez des porcs miniatures. Des défauts ont été créés au niveau des premières molaires, les cellules souches ont été récoltées après extraction des dents des porcs, expansées ex-vivo puis transplantées au niveau des défauts osseux. L'analyse statistique a indiqué que le traitement par cellules souches autologues améliorait significativement la régénération du tissu parodontal par rapport aux groupes témoins.

Enfin, une autre étude (103) s’intéresse à une nouvelle méthode de transplantation cellulaire en utilisant une membrane amniotique pour les cellules souches du ligament alvéolo-dentaire. Les essais ont été menés sur des rats sur lesquels ont été créés des défauts parodontaux au niveau des molaires maxillaires. Les résultats montrent une amélioration de la régénération parodontale évaluée par tomodensitométrie et histologie. Les cellules souches se sont différenciées en cellules adipeuses, ostéoblastes et chondrocytes. Au niveau histologique, est observé un os nouvellement formé ainsi qu’une fine couche de néo-cément au niveau des zones de furcation alors que dans les groupes témoins (membrane amniotique seule) sont observés des fibroblastes, du collagène et vaisseaux sanguins. Il est également observé une insertion des fibres de collagène perpendiculaire à la surface radiculaire semblables à des fibres de Sharpey.

Une revue systématique des études animales sur l’utilisation des cellules souches du ligament parodontal pour la régénération parodontale a été réalisée en 2015 (104). Les mesures de résultats comprenaient de nouveaux os, un nouveau cément et une nouvelle formation de tissu conjonctif. Dans 70,5% des résultats, des améliorations statistiquement significatives de ces mesures ont été enregistrées. Ces résultats sont remarquables en ce sens qu'ils indiquent que, quel que soit le type de défaut et le modèle animal utilisé, on peut s'attendre à ce que l'implantation de cellules souches du ligament parodontal aboutisse à un résultat bénéfique pour la régénération parodontale.

III.4.2.3. Etudes humaines : résultats histologiques et cliniques

Une étude humaine (105) avec suivi d’un an a été réalisée en utilisant des cellules souches du ligament parodontal autologues en application directe avec une éponge de gélatine biodégradable (Abdgel®) qui constitue la matrice tridimensionelle et des fragments de

cément radiculaire qui constituent les molécules de signalisation. Cette technique a donné des résultats cliniques concluants avec un gain d’attache clinique, une diminution de la profondeur de poche, un comblement osseux statistiquement significatifs.

Il faut noter que l’utilisation des cellules souches du ligament alvéolo-dentaire est limitée puisqu’elle implique une extraction dentaire. Une étude (106) s’intéresse donc aux capacités de régénération des cellules souches mésenchymateuses du cordon ombilical. Les cellules souches du ligament et du cordon ombilical ont été récoltées puis combinées à un matériau de comblement osseux alloplastique (phosphate tricalcique) qui constitue la matrice ; elles ont ensuite été testées sur des rats.

Les résultats ont montré que les cellules souches du ligament parodontal avaient un potentiel de différenciation plus élevé, les cellules souches du cordon ombilical ont montré des capacités de sécrétion de matrice extra-cellulaire et capacités anti- inflammatoires supérieures, il n’y a pas de différence significative en termes de régénération des tissus parodontaux. En conclusion les cellules souches du cordon ombilical ont généré des effets similaires par rapport aux cellules souches du ligament parodontal sur la régénération tissulaire, elles pourraient donc être utilisées comme nouvelles ressources pour la thérapie cellulaire.

Conclusion

Une revue systématique récente (novembre 2017) confirme que la délivrance in situ de médiateurs biologiques et/ou de cellules souches ou cellules différenciées a montré une efficacité in vivo prometteuse. (107)

Les facteurs de croissance et les cellules souches sont donc l’avenir de l’ingénierie tissulaire, cependant leur utilisation doit être contrôlée et vérifiée en effet la formation de cellules tumorales est une des complications cliniques à éviter absolument.

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