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3.2 La source laser

3.2.2 La cavit´ e de filtrage

Dans la section 2.2.4, nous avons soulign´e l’importance d’avoir une bonne adaptation spatiale du faisceau avec la cavit´e : il est n´ecessaire de disposer d’une source laser dont le profil est parfaitement gaussien et adapt´e au mode fondamental de la cavit´e. Apr`es avoir travers´e les diff´erents ´el´ements optiques pr´ec´edant la cavit´e de mesure (isolateur, modulateur ´electro-optique), notre faisceau laser pr´esente un astigmatisme et n’est pas vraiment gaussien (´ecart mesur´e1´egal `a M2= 2.1). Le passage `a travers une cavit´e optique asservie sur son mode fondamental TEM00 permet de filtrer spatialement le laser car seul le mode r´esonnant est transmis alors que les modes d’ordre sup´erieur sont directement r´efl´echis. Une telle cavit´e effectue ´egalement un filtrage des bruits classiques du laser pour des fr´equences sup´erieures `a la bande passante de la cavit´e. Elle permet enfin de rendre tr`es stable au cours du temps le point´e du faisceau transmis, ind´ependamment des ´eventuelles d´erives du laser. Cale piézo Photodiode à quadrants Asservissement 21 cm laser vers la cavité de mesure

Figure 3.4 – Sch´ema de la cavit´e en anneau de filtrage spatial du faisceau.

Notre cavit´e est une cavit´e triangulaire, repr´esent´ee sur la Fig.3.4, qui ´evite les retours de lumi`ere vers le laser puisque le faisceau n’est pas normal `a la surface du miroir d’entr´ee.

1. Le coefficient M2 est d´efini par M2 = πθd0/4λ, o`u θ est l’angle de divergence du faisceau et d0 le diam`etre au col. On trouve que M2= 1 pour un mode TEM00parfait.

Ceci correspond par ailleurs `a la g´eom´etrie des cavit´es de filtrage utilis´ees dans tous les interf´erom`etres pour la d´etection des ondes gravitationnelles.

Le corps de la cavit´e est r´ealis´e en Invar (alliage de fer et de nickel), qui pr´esente de tr`es grandes rigidit´e et stabilit´e en temp´erature. Elle est fix´ee sur un support massif en dural et entour´ee d’une enceinte en plexiglas, pour att´enuer les vibrations m´ecaniques et les bruits acoustiques. Les miroirs d’entr´ee et de sortie sont plans et ont subi un traitement optique sp´ecial adapt´e `a l’angle qu’ils forment avec le faisceau incident. Le miroir au sommet poss`ede un rayon de courbure de 1 m et il est mont´e sur une cale pi´ezo-´electrique qui permet de balayer au moins un intervalle spectral libre de la cavit´e.

Propri´et´es optiques de la cavit´e

Les caract´eristiques optiques de la cavit´e ont ´et´e d´etermin´ees en mesurant les valeurs de la finesse, le coefficient de r´eflexion et l’intensit´e transmise ; comme le traitement optique du miroir d’entr´ee est optimis´e pour une polarisation s du faisceau incident, ces param`etres d´ependent de la polarisation du faisceau incident. Une lame demi-onde plac´ee `a l’entr´ee de la cavit´e permet de choisir la polarisation s ou p du faisceau : dans le premier cas la finesse est optimale et la bande passante de la cavit´e est plus petite, ce qui a pour effet de produire un filtrage du faisceau plus efficace ; cependant, en travaillant avec la mauvaise finesse (polarisation p) les proc´edures d’alignement sont plus simples, l’asservissement `a r´esonance de la cavit´e est plus stable, et la puissance en sortie maximale admissible est plus importante.

Le tableau 3.1 pr´esente les r´esultats de ces mesures, que j’ai refaites r´ecemment. Par rapport aux valeurs obtenues au moment de la construction de la cavit´e (voir le tableau 4.2 de la r´ef´erence [3]), les valeurs sont moins bonnes, avec notamment une r´eduction de 30% environ de la finesse de la cavit´e. Cela est sˆurement dˆu `a une d´egradation des miroirs, soit naturelle avec le temps, soit li´ee `a l’utilisation accidentelle de faisceaux laser de puissance trop ´elev´ee.

Dans ce tableau, la finesseF, d´efinie comme le rapport entre l’intervalle spectral libre νISL et la largeur des pics d’Airy, est mesur´ee en balayant la cavit´e `a l’aide de la cale pi´ezo-´electrique et en comparant ces deux grandeurs, observ´ees directement sur l’intensit´e transmise. La bande passante de la cavit´e est ´egale `a la demi-largeur du pic d’Airy Ωc/2π = νISL/2F. Elle est ainsi calcul´ee `a partir de la finesse et de la valeur de l’intervalle spectral libre νISL = c/L = 714 MHz, o`u L = 420 mm est la longueur de la cavit´e triangulaire. L’observation des pics d’Airy du mode fondamental et des modes transverses de la cavit´e permet ´egalement de d´eterminer l’adaptation spatiale ηcav du faisceau laser incident sur la cavit´e (voir section 2.2.4) :

ηcav = I0 I0+∑

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polarisation s polarisation p

FinesseF 1950 190

Bande passante (kHz) 183 1880 Adaptation spatiale ηcav 0.85 0.85

R´eflexionR 0.45 0.17

TransmissionT 0.13 0.6

T1(ppm) 650 14000

T2(ppm) 610 13800

Pertes P (ppm) 1950 5300

Table 3.1 –Caract´eristiques optiques de la cavit´e de filtrage : les polarisations s et p d´esignent les polarisation respectivement perpendiculaire et parall`ele au plan d’incidence du faisceau avec le miroir `a 45˚.

o`u I0et Iksont les intensit´es des pics d’Airy du mode fondamental et des diff´erents modes transverses k. Pour notre cavit´e de filtrage, l’adaptation spatiale vaut ηcav = 85% environ. Le coefficient de r´eflexion `a r´esonanceR, qui a ´et´e d´efini pour une cavit´e lin´eaire par l’´equation (2.56), et la transmissionT de la cavit´e triangulaire s’´ecrivent :

R = 1 − ηcav [ 1 ( T1− T2− P T1+ T2+ P )2] (3.3) T = ηcav 4 T1T2 (T1+ T2+ P )2 (3.4)

o`u T1, T2 et P sont respectivement les transmissions des miroirs d’entr´ee, de sortie, et les pertes totales des trois miroirs de la cavit´e. La mesure de ces deux coefficients R et T , ainsi que la connaissance de la finesse F = 2π/(T1+ T2+ P ) et de l’adaptation spatiale ηcav permettent finalement de d´eterminer les diff´erents coefficients T1, T2 et P , comme indiqu´e dans le tableau 3.1.

Asservissement par tilt-locking

La cavit´e de filtrage doit ˆetre maintenue en permanence `a r´esonance avec le laser incident, de fa¸con `a disposer d’un faisceau d’intensit´e stable sur la cavit´e `a miroir mobile. Ceci n´ecessite un asservissement performant de la longueur de la cavit´e, via la cale pi´ ezo-´

electrique du miroir de fond. La bande passante de la cavit´e en polarisation s est en effet assez faible (inf´erieure `a 200 kHz), et la fr´equence du laser est susceptible de varier du fait qu’elle est asservie sur la r´esonance de la cavit´e `a miroir mobile (voir le sch´ema 3.2).

Plusieurs techniques d’asservissement existent, plus ou moins performantes et com-plexes `a mettre en œuvre. On peut citer par exemple les techniques bas´ees sur la polari-sation du champ r´efl´echi par une cavit´e bir´efringente ou contenant un milieu non-lin´eaire (technique de H¨ansch et Couillaud [72]), ou encore celles utilisant le battement entre le

laser et des bandes lat´erales (technique Pound-Drever-Hall [47], que nous d´ecrirons dans la prochaine section). Nous avons choisi ici la m´ethode du tilt-locking, invent´ee par Shad-dock et al. en 1999 [138,137], pour sa facilit´e de mise en œuvre, qui ne n´ecessite pas de modulation suppl´ementaire du faisceau tout en restant assez robuste et sensible.

Position transverse (u.a.)

A m pl itud e du ch am p é lectr iq ue ( u .a .)

Figure 3.5 – Profils transverses des modes TEM00 et TEM10. Les encarts montrent les profils d’intensit´e des deux modes observ´es avec une cam´era CCD.

Le principe de cette m´ethode d’asservissement repose sur le battement entre deux modes spatiaux diff´erents de la cavit´e, d´etect´e avec une photodiode `a quadrants. La phase du champ r´efl´echi par la cavit´e dans son mode fondamental TEM00 subit une variation de 2π au passage de la r´esonance (voir par exemple la Fig. 1.6). Cette variation peut ˆetre lue par interf´erence avec un autre mode dont la phase ne varie pas sur la mˆeme plage de fr´equence. On utilise pour cela le mode TEM01qui est non d´eg´en´er´e avec le mode fondamental et subit donc une r´eflexion sur la cavit´e avec une phase constante. En pratique, on d´esaligne l´eg`erement le faisceau laser incident par rapport `a la cavit´e, de fa¸con `a ce qu’une partie du faisceau soit r´efl´echie dans le mode TEM01. Pour d´etecter l’interf´erence entre les deux modes, on utilise une photodiode `a deux quadrants, de telle mani`ere que les deux lobes du mode TEM01, de phases oppos´ees (voir la Fig. 3.5), tombent chacun dans une moiti´e s´epar´ee de la photodiode. Le signal d’erreur est donn´e par la diff´erence des photocourants de chaque moiti´e de la photodiode.

Un r´eglage appropri´e du d´esalignement et de la phase de Gouy permet alors d’obtenir un signal d’erreur sym´etrique au voisinage de la r´esonance. Ce signal d’erreur est utilis´e par une ´electronique d’asservissement qui contrˆole la fr´equence de r´esonance de la cavit´e en agissant sur la cale pi´ezo-´electrique du miroir de fond.

La partie gauche de la Fig. 3.6 montre dans l’ordre le signal transmis, les intensit´es mesur´ees sur les deux quadrants de la photodiode, et enfin le signal d’erreur (correspondant `

a la diff´erence des deux intensit´es), lorsque l’on balaye un intervalle spectral libre de la cavit´e en modulant la cale pi´ezo-´electrique. On constate que le signal d’erreur a bien la

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forme voulue autour de la r´esonance du mode fondamental TEM00, avec `a la fois une pente tr`es raide `a r´esonance et une large plage de capture (d´efinie comme la plage de fr´equence sur laquelle le signal d’erreur admet une valeur significativement non nulle). La plage de capture s’´etend en fait jusqu’`a la r´esonance du mode TEM01, o`u le signal d’erreur pr´esente un comportement similaire. Ceci peut ˆetre un inconv´enient en pratique, puisque l’asservissement de la cavit´e peut se produire non plus sur le mode fondamental mais sur le mode TEM01. Pour y rem´edier, nous augmentons la puissance du faisceau incident jusqu’`a saturation de la photodiode `a quadrants : de cette mani`ere on n’observe plus le pic en r´eflexion correspondant `a la r´esonance du mode TEM01(Fig.3.6(e)) et on ´elimine les variations du signal d’erreur non d´esir´ees (figure (f)), au d´etriment de la plage de capture qui se trouve fortement r´eduite.

(a) (b) (c) (d) (e) (f)

Figure 3.6 –Intensit´e transmise par la cavit´e de filtrage (a), intensit´e r´efl´echie sur les deux quadrants (b) et signal d’erreur r´esultant (c) ; les courbes (d), (e) et (f) repr´esentent les mˆemes grandeurs obtenues en saturant la photodiode `a quadrants.

J’ai par la suite abandonn´e cette m´ethode qui a probablement caus´e l’endommagement des d´epˆots di´electriques des miroirs, et j’ai mis en place une saturation ´electronique des deux quadrants de la photodiode, r´eglable `a l’aide d’une tension de d´ecalage variable. Ceci permet d’obtenir le mˆeme comportement, tout en gardant une puissance lumineuse raisonnable `a l’entr´ee de la cavit´e.