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Chapitre I. Matériel et Méthodes Générales

II.3. Résultats

II.4.2. Causes probables à la diversité des Mytilidae des environnements réduits

Bathymodiolinae mettent en parallèle l’évolution des espèces et la préférence d’habitats en cherchant à savoir quel était l’habitat ancestral de ces lignées particulières. L’hypothèse principale est celle selon laquelle les anciennes lignées des environnements réduits auraient occupé dans un premier temps les zones de suintements froids dans les environnements côtiers (McLean 1985, Craddock et al. 1995). Cet hypothèse est basée sur le fait que l’océan profond a connu des phases d’anoxie complète au cours des périodes du Cénomanien/Turonien et de la fin du Paléocène ayant entrainé la quasi-extinction de la faune abyssale (Jackson 1986). Ces périodes d’extinctions massives seraient à la base de la radiation récente et explosive des Bathymodiolinae à partir de quelques lignées de Bathymodioliformes survivantes dans les eaux de surface (Jones et al. 2006).

La colonisation des environnements profonds (sources hydrothermales, suintements) aurait alors été permise par le biais de l’utilisation des bois coulés ou des carcasses de baleine (Distel et al. 2000). Il convient néanmoins de noter que certaines lignées ancestrales profondes auraient pu survivre localement, de nombreux travaux en paléontologie faisant état de faunes fossiles dominées par des bivalves bathymodioliformes dans des ophiolites du Dévonien ou du Crétacé inférieur (Haymon et al. 1984, Banks 1985, Little & Cann 1999). Ce type d’évolution devrait conduire à l’observation de topologies présentant une hiérarchie selon laquelle les espèces de suintements froids seraient basales, les espèces des bois coulés ou colonisant les os de baleine seraient intermédiaires et les espèces des sources hydrothermales apparaîtraient comme des espèces dérivées.

Cette hypothèse n’apparaît que peu crédible eu égard aux phylogénies présentées dans ce chapitre et confirment les tests d’hypothèses effectués par Jones et al. (2006), celui-ci concluant à l’équiprobabilité des différents milieux en termes de berceau des bathymodioles. Certes, les espèces des bois coulés appartenant à la sous-famille des Modiolinae ont une position généralement basale et présentent souvent des niveaux de divergence beaucoup plus élevés que ceux trouvés chez les Bathymodiolinae. Cependant, l’espèce considérée comme étant la plus proche de la racine est l’espèce hydrothermale NZ3 récoltée en nouvelle Zélande (Samadi et al. 2007). En revanche, si l’on considère la sous famille des Bathymodiolinae, les espèces des sources hydrothermales apparaissent comme étant derivés dans les groupes

« Atlantique» et « Pacifique » appartenant au clade « thermophilus» (exclusion des « Bathymodiolus » du clade ‘childressi’). Jones et al. (2006) qui ne possédaient des séquences que pour quelques espèces de zones de suintements froids « Atlantiques » (B. heckerae), avaient décrit cette particularité comme une réversion d’habitat locale (colonisation d’une zone de suintements par les espèces hydrothermales de la dorsale médio-Atlantique) (Figure II.6 b). L’analyse des séquences provenant des bathymodioles des zones de suintements froids du Pacifique Est (‘B.’_CostaRica), du Golfe du Mexique (B. brooksi, B. heckerae), des Barbades (B. boomerang) et du Golfe de Guinée (‘B’. sp. Zaire) montre clairement que la diversification du clade s’est effectuée à partir des zones de suintements, possiblement le Golfe du Mexique avant la fermeture de l’Isthme de Panama. La situation apparaît plus complexe au sein du clade « childressi » pour lequel la méthanotrophie est le mode dominant d’acquisition de l’énergie chez les symbiotes. Dans le Pacifique Ouest, on rencontre en effet souvent les mêmes espèces dans les deux types d’environnement : B. aduloides, B. japonicus, B. platifrons (Miyazaki et al. 2004).

La profondeur semble également un élément déterminant pour expliquer les relations phylogénétiques chez les Bathymodiolinae. Il semble que la distribution d’un certain nombre d’espèces soit effectivement fonction de la profondeur et pourrait expliquer la partition des bathymodiolinae dans les 2 principaux clades. Ainsi le clade « thermophilus » est principalement observe à des profondeurs dépassant 2000 mètres tandis que les espèces du clade « childressi » affectionnent plus volontiers de plus faibles profondeurs (Miyazaki et al. 2004, Jones et al. 2006) (Figure II.6 a). Cependant, les exceptions sont nombreuses et la profondeur ne peut être considérée comme un critère fiable. La répartition des espèces en fonction de la profondeur est souvent considérée de manière indépendante dans les études phylogénétiques précédemment réalisées, pourtant ce paramètre est étroitement lié à l’environnement. En effet les zones de suintements froids sont souvent situées en deça (Sagami bay, Louisiane) ou au delà (Escarpement de floride, Kaiko-Nankai, Golfe de Guinée) de celles des sources hydrothermales (2000-3000 mètres). Ainsi les Bathymodioles Atlantiques du groupe B. azoricus semblent faire exception à leur groupe en vivant à faible profondeur (850m). En fait, cette espèce est la seule à avoir colonisé des sources hydrothermales exceptionnellement peu profondes. Dans les eaux japonaises, en revanche, il est plus difficile de distinguer un tel patron. Les sources hydrothermales comme les zones de suintements froids se répartissent sur un large panel de profondeurs et les espèces qui y vivent sont capables de peupler ces deux environnements (Miyazaki et al. 2004, Iwasaki et al. 2006).

Figure II.6. Cladogrammes bayésien basés sur 3 gènes CO1, ND4, 28S avec des estimateurs en maximum de vraisemblance pour estimer le caractère ancestral de (a) la profondeur et de (b) l’habitat. La robustesse du caractère ancestral est indiquée pour chacun des nœuds avec un camembert. Les valeurs pour les 3 types d’habitats (v : hydrothermal ; S : suintement froids ; w/b bois coulés et carcasses de baleines) sont données pour les nœuds 1 et 3. Illustration modifiée de (Jones et al. 2006)

Une autre piste à la diversification des Bathymodiolinae est la diversité des endosymbioses observées au sein des tissus branchiaux. Toutes les Bathymodiolinae sont connues pour posséder des bactéries épi- ou endo-symbiotiques de 2 types : les méthanotrophes et les sulfo-oxydantes (Childress et al. 1986, Fisher et al. 1987). Dans les environnements réduits, certains bivalves possèdent une transmission verticale de leur symbiontes (Krueger et al. 1996, Peek et al. 1998) induisant une parfaite co-spéciation entre l’hôte et le symbionte (Peek et al. 1998). Cependant il a été démontré que l’acquisition des bactéries se faisait depuis l’environnement (transmission horizontale) chez les bathymodioles (Won et al. 2003c), ceci entraînant une absence de co-spéciation entre l’hôte et le symbionte (Won et al. 2008). Chez les bathymodiolinae, le clade « thermophilus » présente des espèces sulfo-oxydantes strictes dans le Pacifique et une double symbiose sulfo-oxydant-méthanotrophe dans l’Atlantique alors que le clade « childressi » présente surtout des espèces méthanotrophes strictes (Fiala-Medioni et al. 2002, Duperron et al. 2005, Duperron et al. 2006). Ces résultats ne s’opposent cependant pas complètement à l’hypothèse d’une transmission verticale car il suffit de rares épisodes de perte et d’acquisition des symbiontes pour que toute relation de co-spéciation disparaisse (Shoemaker et al. 2002). De la même façon, il a été montré que les bathymodiolinae présentant une symbiose utilisant des bactéries sulfo-oxydantes peuvent toutes abriter dans leur cavité palléale un polychète commensal du genre Branchipolynoe (Jollivet et al. 1998) qui pourrait avoir un rôle important dans la transformation de l’H2S en thiosulfate (Martineu 1997). Ces bivalves possèdent un arsenal leur permettant d’exploiter tantôt le sulfure d’hydrogène, tantôt le méthane, tantôt les deux sources d’énergie. Ce type d’adaptation n’est sans doute pas sans conséquence sur l’évolution des protéines de la chaîne respiratoire mitochondriale de ces espèces, et, donc pourrait avoir un impact sur les phylogénies utilisant le gène mitochondrial COI.

II.4.3. Evolution du gène mitochondrial COI chez les Bathymodiolinae : évidence