• Aucun résultat trouvé

Les cathodes à émission de champ à pointes dites cathodes « Spindt »

1.2. Les sources électroniques

1.2.3. Les cathodes à émission de champ à pointes dites cathodes « Spindt »

Deux avancées de taille ont permis la naissance et l’émergence de la micro-électronique (puis nanoélectronique) sous vide:

_ Tout d’abord les technologies de micro-fabrications développées pour l’industrie des dispositifs à semi-conducteurs.

_ L’utilisation de l’émission de champ comme source d’électrons.

Historiquement, les cathodes à émission de champ ont été conçues comme un substitut aux cathodes thermoïoniques utilisées dans les tubes hyperfréquences [9]. C’est donc cette application qui a entraîné la majorité des développements technologiques réalisés dans les réseaux de pointes à émission de champ [10]. Par la suite ces réseaux ont été étudiés pour les écrans plats à émission de champ [11, 12, 13, 14].

On rappelle ici tout d’abord le principe physique de l’émission de champ puis les développements historiques des cathodes « Spindt » à émission de champ à pointes métalliques.

L’émission de champ

L’émission thermoïonique, dans laquelle le franchissement de la barrière de potentiel se fait par un saut thermiquement activé, n’est pas le seul effet qui permet l'émission d'électrons dans le vide. Il y a un autre effet, purement quantique, qui permet aux électrons de traverser la barrière de potentiel, c’est l’effet tunnel. Ainsi, si la barrière de potentiel est suffisamment étroite, la nature ondulatoire de l’électron lui permet de traverser cette dernière. A l’interface entre un métal et le vide on peut réduire artificiellement la largeur de la barrière de potentiel par l’application d’un champ électrique. Lorsque la barrière de potentiel devient suffisamment étroite, des électrons peuvent ainsi être émis même à température ambiante, d’où le nom d’émission froide et de cathode froide.

On s’intéresse de nouveau à l’émission d’électrons dans le vide:

12 Grâce aux collecteurs qui récupèrent l’énergie non utilisée à l’amplification du signal hyperfréquence,

Figure 1-14: Barrière de potentiel triangulaire.

La Figure 1-14 représente la barrière de potentiel à l’interface métal-vide, en présence d’un champ électrique E à la surface du métal (on néglige la charge image). Pour 0

calculer la probabilité de transfert d’une particule possédant une énergie E à travers une barrière de potentiel de longueur x, on utilise la méthode WKB (Wentzel-Kramers-

Brillouin) qui nous donne la probabilité P E

( )

d’un électron d’énergie E de passer par

effet tunnel la barrière de potentiel. Pour calculer la densité de courant d’émission, on intègre ensuite la formule qui donne la densité de courant j en fonction de la vitesse des électrons (loi d’Ohm) : j nev= sur l’ensemble des électrons de la bande de conduction et on obtient la formule suivante:

( )

2 2 1 exp C J E C E E ⎛ ⎞ = ⎝ ⎠

Équation 1-3: Densité de courant en fonction du champ électrique E (local).

C et 1 C sont des constantes. 2

On voit que la densité de courant émise évolue de façon exponentielle avec le champ appliqué. Cependant pour la plupart des métaux qui ont un travail de sortie de l’ordre de 4.5eV, les champs électriques à appliquer pour obtenir un courant tunnel détectable sont de l’ordre de 3000V.µm-1. Pour obtenir de tels champs une technique simple consiste à utiliser l’effet de pointe. On utilise une pointe possédant un fort rapport d’aspect et dans ce cas le champ local au bout de la pointe est égal au champ appliqué multiplié par un

facteur d’amplification qui dépend de la géométrie de la pointe. On peut ainsi émettre des électrons pour des champs appliqués raisonnables.

Le développement des cathodes dites « Spindt »

Avec les avancées dans le domaine de la micro-fabrication, il fut possible de rapprocher l’électrode d’extraction de la pointe et ainsi d’avoir des distances de l’ordre du µm entre l’émetteur et la grille (dispositifs dits avec grille intégrée). De plus, il fut possible de diminuer le diamètre des pointes et des ouvertures dans la grille pour diminuer les tensions d’extraction. Cela permit d’avoir des champs plus intenses au sommet de la pointe et des tensions d’extraction des électrons très faibles (<100V). Tout cela a été stimulé par le développement de cathodes froides couramment appelées cathodes « Spindt » du nom de l’ingénieur qui développa leur procédé de fabrication. Le développement de cette technologie est daté des années 1960 [15, 16]. Ce procédé de fabrication permet le dépôt de pointes à l'intérieur de chaque micro-cavité auto-alignées avec l'ouverture dans la grille. Les premières cathodes consistaient en une structure multicouches avec une grille en molybdène Mo sur 1µm d’isolant en silice SiO2 sur un substrat de silicium Si, les pointes étant également en Mo (voir Figure 1-15). La technique de fabrication utilisée, issue des technologies de dépôt de couches minces, permettait de fabriquer des réseaux de plusieurs milliers de pointes avec des densités de plusieurs millions par centimètre carré.

Figure 1-15: Réseau de pointes Spindt.

Typiquement, la tension d’extraction est d’environ 100V (pour une ouverture dans la grille de 1µm) et a pu être diminuée (société Candescent) en réduisant le diamètre des ouvertures dans la grille [17]. Ainsi, en réduisant l'ouverture à un diamètre de 300nm, les tensions de commande sont inférieures à 45V pour des densités de courant comparables. La durée de vie peut être très grande (>10 000h) à des densités de courant émises qui restent cependant faibles, et on peut réduire le bruit issu d’un émetteur en utilisant un grand nombre d’émetteurs. Avec ces propriétés, les cathodes « Spindt » devinrent très attractives et particulièrement étudiées pour des applications dans les écrans plats à émission de champ (voir Figure 1-16) et dans des tubes à vide pour amplification hyperfréquence (voir Figure 1-17).

Ecrans fluorescents à émission de champ (FED Field Emission Display)

L’équipe du groupe "Ecrans Fluorescents à Micropointes" (EFM) du LETI a présenté en 1986 le premier démonstrateur d'écran à effet de champ. Le groupe EFM a ensuite travaillé à améliorer la technologie de fabrication et les caractéristiques des FED, en collaboration avec un partenaire industriel, Pixtech (en cessation d’activité aujourd’hui). Celui-ci commercialisait des écrans monochromes de 14,5 cm de diagonale pour l'instrumentation médicale (Figure 1-16(b)) et les applications de défense (Figure 1-16(c)). Chaque pixel de ces écrans contient environ 1000 pointes comme celles de la Figure 1-16(c). Sous chaque pointe se trouve une couche résistive qui permet d'homogénéiser l'émission et de protéger les pointes. La structure de la cathode est représentée sur la Figure 1-16(d). C'est d'ailleurs le développement de cette couche résistive (ou résistance ballast) qui a essentiellement permis l'utilisation des cathodes Spindt pour ce type d'applications (le manque d'homogénéité et la destruction des pointes les rendaient inutilisables pratiquement). Cette technologie a été largement étudiée au CEA-LETI [18,19,20,21].

Figure 1-16: Ecran à émission de champ Motorola.

Amplificateurs hyperfréquences

Ces cathodes dites "Spindt" ont également été utilisées comme sources électroniques dans un tube à onde progressive CPI (Communications and Power Industries) dans le cadre d'un contrat avec le Naval Research Laboratory [22]. La modulation à 10GHz d'un faisceau électronique de 4mA a été démontrée mais reste à ce jour l'état de l'art en utilisant ces sources froides à micropointes.

Figure 1-17: TOP [23].

En général, des métaux avec une température de fusion élevée (Molybdène, Tungstène…) sont utilisés comme matériaux pour les pointes à émission de champ. Mais des pointes en silicium ont également fait leur apparition dans les cathodes à effet de champ [24] grâce au développement des techniques de micro-fabrication du silicium.

Ces réseaux de pointes possèdent de très bonnes caractéristiques d’émission de champ: _ 2000A.cm-2 pour un courant d’émission de 8mA obtenu sur un réseau de pointes

[25].

_ 100µA par pointes en régime continu et 1mA en régime pulsé [26]. _ Des densités d’émetteurs entre 108 pointes/cm2 et 109 pointes/cm2 [27]. Mais ils demeurent de nombreux problèmes à l’utilisation de ces dispositifs:

_ Procédé de fabrication non compatible avec de grands substrats. _ Sensibilité à l’environnement, contamination de surface [28].

_ Phénomène d’emballement (la résistance augmente avec la température dans ce type d’émetteur et donc il peut se produire un phénomène d’emballement dit explosif où la chaleur dissipée dans la pointe la détruit).

Un autre point doit être souligné ici en ce qui concerne l’application aux tubes hyperfréquences. Il y a en effet une difficulté inhérente à ce type de réseaux de pointes avec grille intégrée : le problème de la capacité cathode-grille. Il est difficile de coupler de la puissance HF dans de tels dispositifs. Due à la technologie de fabrication, la grille d’extraction est à environ 1µm de la cathode. Les temps de transit des électrons sont donc très faibles mais la capacité cathode-grille est très grande et donc l’impédance d’entrée pour le signal hyperfréquence (en 1 Cω) est très faible et ne permet pas de coupler efficacement la puissance HF (court-circuit à hautes fréquences).

A partir de 1994, les activités de recherche sur le sujet se sont peu à peu tournées vers de nouveaux matériaux pour les cathodes froides et ce en dépit de l’effort de certaines compagnies (PixTech, Candescent Technologies) à vouloir développer des écrans plats avec des cathodes « Spindt ». La principale motivation était de trouver des structures et des matériaux plus robustes et plus faciles à produire. Ainsi essentiellement le diamant et les nanotubes de carbone attirèrent l’attention de tous les chercheurs.

1.2.4. Les cathodes à faibles affinités électroniques