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2.5 Polyamorphisme

2.5.3 Polyamorphisme dans les verres d’oxydes ?

2.5.3.3 Cas des verres alumino sodo silicatés

De tels verres présentent aussi un phénomène de densification permanente En effet des me-sures RMN sur des échantillons macroscopiques de verres densifiés de manière permanente en presses Belt ou en multi-enclumes ont montrée l’apparition de structures locales différentes. Par exemple l’apparition d’un nombre non négligeable d’atomes d’aluminium de coordinence 5 et 6 (VAl andV IAl) [151–153] ou encore d’atomes de silicium de coordinence 5 et 6 (VSi andV ISi) [154]. Contrairement au verre de silice pur ces atomes hautement coordonnés persistent après retour à pression atmosphérique. Des modifications de la distribution des NBO correspondant à une dépolymérisation de ces verres sous pressions ont aussi été observées [151]. Cependant il existe peu d’études in situ qui permettraient de conclure sur le type de transition brutale ou non conduisant à la densification des verre d’alumino sodo silicates. De plus, il a été observé que certaines propriétés de transport macroscopiques (par exemple la viscosité ou la diffusi-vité) sont modifiées avec la pression dans les silicates fondus. Par exemple il a été montré que la viscosité de l’albite fondue présente un minimum vers 5GPa [107]. La modification de ces propriétés macroscopiques avec la pression pourrait être expliquée par des transformation struc-turales induites par la pression, comme par exemple un changement de coordinence des atomes d’aluminium [107, 151, 152].

2.6 Conclusion

Dans cette première partie nous avons défini et présenté les différents types de verres étudiés. Les structures à courte et moyenne distance des différents verres d’oxydes étudiés lors de ce travail (dioxyde de silicium (SiO2), dioxyde de germanium (GeO2) et enfin silicates plus com-plexes (mélange de SiO2, Na20 et Al2O3)) ont aussi été décrites. Les spectres de ces échantillons

enregistrés à pression atmosphériques par différents types de spectroscopies ont été présentés. Il a été vu que les structures de ces verres sont grandement dépendantes de la composition. Ces différentes structures de verre laisse supposer qu’il y aura modification de leurs comportements sous contraintes physiques (par exemple sous pression), ceci a été évoqué à travers l’exemple du polyamorphisme qui semble différer d’un type de verre à l’autre. Ces considérations sur les effets de la pression sur les différents type de verres feront l’objet d’une grande partie de ce travail et seront étudiées en détail dans les chapitres suivants.

Chapitre 3

Propriétés élastiques du verre de SiO

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densifié

Bien que le verre de silice pur (SiO2) soit l’un des matériaux les plus étudiés sous pression par différents types de spectroscopies : Raman, Brillouin, XANES, EXAFS, diffraction des neutrons ou encore par simulations de dynamique moléculaire [8,15,108,132,134,155–158], les processus à l’origine à la densification permanente à partir de 9GPa ne sont pas encore complètement compris. Le but de cette partie est de mieux comprendre les modifications structurales à l’origine de cette densification. La silice pure permet de servir de modèle simple de verre d’oxydes (structure complètement polymérisée, seulement un type de liaison Si-O...) afin de mieux comprendre par la suite les modifications dans des verres plus complexes. Nous allons tout d’abord faire un petit rappel sur les propriétés élastique de la silice ainsi que l’interprétation de l’anomalie élastique de la silice [11]. Puis nous allons présenter les résultats que nous avons obtenus sur des échantillons densifiés ou partiellement densifiés, à travers l’étude in situ sous pression de leurs comportements élastiques par spectroscopies Raman et Brillouin.

CHAPITRE 3. PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DU VERRE DE SIO2 DENSIFIÉ

3.1 Rappel : anomalie élastique dans la silice

On définit le régime élastique comme la zone de pression où le verre se comporte de manière complètement réversible. Le verre de SiO2 soumis à une pression hydrostatique présente un com-portement anormal dans son domaine élastique. En effet on observe la diminution avec la pression des modules élastiques de la silice (par exemple du module d’incompressibilité (bulk modulus en anglais), du module de cisaillement ou encore du module longitudinal jusqu’à 2-3GPa avant de réaugmenter [3–9] (cf figure 3.1). L’existence d’un minimum du module d’incompressibilité dans le verre de silice est appelée anomalie élastique car la majorité des cristaux ainsi que tous les polymorphes de SiO2 présentent une variation de leur module élastique d’incompressibilité monotone en fonction de la pression. En effet cette diminution de l’incompressibilité au début de la compression signifie que le verre de silice devient plus compressible ce qui n’est pas le comportement "normal" d’un matériau comprimé. Babcock et al. [10] ont les premiers suggérés

Figure 3.1 – Variation des modules d’incompressibilité (K), de cisaillement (G) et longitudinal (C11) d’un verre de silice à température ambiante en fonction de la pression [6].

que ce comportement anormal pouvait être expliqué par la coexistence dans la silice de struc-tures différentes à l’échelle locale, la proportion de ces strucstruc-tures variant avec la pression et la température. En effet, partant de la structure β, stable à pression atmosphérique, la pression induirait une transition vers la structure α, structure stable à haute pression. Ce déplacement d’équilibre est représenté schématiquement sur la figure 3.2, la structure présentant le minimum énergétique étant la plus "stable" à une pression et à une température données. En première approximation la pression et la température ont des effets opposés : l’application d’une haute pression ayant des effets similaires à ceux de l’application d’une basse température. C’est pour cette raison qu’un analogie a été proposée avec la transition β/α existant dans la cristobalite. Comme il l’a été dit précédemment la cristobalite est composée de cycles à 6 tétraèdres et les Page 88

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simulations par dynamique moléculaire ont montré que les cycles à 6 tétraèdres sont majoritaires dans le verre de silice [50]. La forme β étant le polymorphe haute température et la forme α métastable à basse température, on peut alors imaginer dans le verre de silice une transition de type β → α similaire mais engendrée cette foi par la pression. Différentes études de simulations

Figure 3.2 – Représentation schématique de l’hypothèse du déplacement de l’équilibre β → α avec la pression [10].

de dynamique moléculaire ont confirmé cette hypothèse. Par exemple, Huang et Kieffer [11,159] ou encore Liang et al. ont suggérés que l’anomalie élastique serait due à la rotation abrupte des liaisons Si-O-Si menant au "twist" des anneaux à 6 tétraèdres pendant la compression. Ce changement de conformation des cycles à 6 étant proche de celui existant dans la cristobalite au passage de la phase β à la phase α de la cristobalite. La β cristobalite présente une densité plus faible et un plus grand module d’incompressibilité, ainsi qu’une orientation des liaisons plus symétrique. La cristobalite α est quant à elle plus dense et plus souple (cf figure 3.3). Les liai-sons peuvent pivoter et les anneaux peuvent « twister » et se replier sur eux-mêmes pendant la compression. Ce changement de conformation des cycles à 6 tétraèdre du verre de silice pourrait expliquer la présence d’un minimum du module d’incompressibilité : les cycles typeα présentant un module d’incompressibilité plus faible que les cycles type β.

Insistons ici sur le fait que la transition β → α de la cristobalite est un exemple d’un phéno-mène plus général de compression de certaines structures flexibles, nous ne l’utilisons ici qu’en temps qu’analogie. Dans le cas du verre de silice, un changement de conformation des cycles à 6 tétraèdres mène à une augmentation de la compressibilité de la structure. Nous allons utiliser pour cela la notation β et α pour dénommer les différents types de cycles à 6 plus ou moins rigides présents dans la silice en analogie avec la transition β → α de la cristobalite, même si le phénomène observé ici est un phénomène mécanique plus général consistant au passage d’une structure plus rigide à une structure moins rigide.

Une étude expérimentale par spectroscopie Raman semble confirmer cette hypothèse [42,157]. Page 89

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Figure 3.3 – a) Simulation de la transition β → α cristobalite : la compression de la forme β pro-voque une transition de phase du premier ordre aboutissant à la formeα dont la densité est plus importante mais le module d’incompressibilité plus faible [11], b) Représentation schématique des deux types β et α de cycles à six tétraèdres.

Cette étude a corrélé l’évolution non linéaire de l’angle inter-tétraèdresθSi−O−Si à la

transforma-tion de typeβ → α. Les cycles α étant plus flexibles et plus denses que les cycles β, l’accentuation de la diminution de θSi−O−Si vers 2,5GPa peut être reliée au changement de conformation des

cycles à six tétraèdres de types β en cycles de types α (cf figure 3.4 représentant l’évolution de

θSi−O−Si avec la pression).

La transformation de type β → α donnant lieu à l’anomalie élastique de la silice vers 2,5GPa, correspond à une première transformation induite par la pression, réversible observée dans le verre de silice pur.

CHAPITRE 3. PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DU VERRE DE SIO2 DENSIFIÉ

Figure 3.4 – Évolution de l’angle θSi−O−Sientre 0 et 4,3 GPa et interprétation de cette évolution en termes de changement de conformation des cycles [42].

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