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2. Le recours au contrat court dans les situations « classiques »

2.1 Des cas de recours souvent difficiles à distinguer pour les acteurs

Le CDD de remplacement est le plus utilisé par les établissements enquêtés, même s’il y a parfois confusion dans les discours, soit par méconnaissance des différents cas de recours, soit par facilité de langage. L’ab- sence d’un salarié peut par exemple être considérée comme un accroissement d’activité, le contrat conclu étant bien un CDD de remplacement. De même, le contrat court peut être opposé au contrat de rempla- cement, alors qu’il s’agit du même contrat. Dans les collectivités territoriales, où le statut de la fonction publique prévoit quatre cas de recours au contrat (accroissement temporaire et accroissement saisonnier d’activité, remplacement et vacance temporaire d’emploi)76, le remplacement d’agents est facilement as-

similé au contrat saisonnier lorsqu’il survient pendant les périodes de vacances, ou encore qualifié d’ac- croissement d’activité pour un remplacement d’arrêt maladie. Les deux cas de recours ont, il est vrai une dénomination proche dans les textes : « accroissement saisonnier d’activité » et « accroissement tempo- raire d’activité ». Ces difficultés de dénomination viennent s’ajouter aux différents termes utilisés par les textes pour définir les agents : contractuels, vacataires, non titulaires, auxiliaires. Selon Carole Moniolle, « ces différentes appellations ne recouvrent pas des catégories distinctes. Ces notions en tant que telles ne sont donc pas comparables dans la mesure où elles ne portent pas sur les mêmes éléments de la relation

signée par le médecin, pouvant donner lieu à contre-visite, l'employeur complétera, dans les conditions fixées pour chaque catégorie professionnelle par les annexes prévues par l'article 3.5 de la présente convention, la valeur des prestations en espèces correspondant aux indemnités journalières auxquelles les intéressés ont droit, et versées à eux […] ».

74 Art. 67.

75 Convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, art. 26. 76 Voir dans ce rapport le chapitre 7.

de travail. La notion de contrat fait référence à la forme et aux clauses du contrat, celle d'auxiliaire au caractère subsidiaire du recours, et enfin la notion de vacataire renvoie à la façon dont la prestation de travail est rendue. En outre, loin de s'opposer, ces termes peuvent se combiner les uns aux autres. Un va- cataire sera recruté par contrat ou par arrêté. Un agent contractuel peut être un agent auxiliaire » (Mo- niolle, 2018).

Si la littérature juridique a déjà abondamment montré le rapprochement entre statut et code du travail, notamment pour ce qui concerne les règles applicables aux CDD, notre enquête dans les trois secteurs montre que le rapprochement concerne aussi leur usage.

Nous allons envisager les différents cas de recours, des tableaux présentant leur régime juridique pp. 70- 71.

2.1.1 CDD de remplacement

Le CDD de remplacement est le plus utilisé dans nos trois secteurs. La loi précise les hypothèses de rem- placement : absence d'un salarié, suspension de son contrat de travail, attente d'un salarié embauché en CDI, remplacement d'un salarié quittant l'entreprise avant la suppression définitive de son poste de travail. Dans la fonction publique, le recrutement d’agents contractuels pour assurer des remplacements de per- sonnel absent est autorisé depuis 1984 pour remplacer des fonctionnaires et depuis 2012 pour remplacer des agents contractuels.

La jurisprudence a apporté des précisions concernant le remplacement dans le secteur privé :

- le salarié en CDD ne doit pas devenir un remplaçant permanent. Même si la succession de contrats est autorisée pour ce cas de recours, sans délai de carence, il ne faut pas que le salarié précaire remplace des salariés permanents pendant une trop longue période. C’est le nombre de contrats et/ou la durée de la relation d’emploi qui amènent le juge à considérer que le salarié était affecté à un emploi correspondant à l’activité normale et permanente de l’entreprise et donc à requalifier le contrat en CDI.

- le salarié précaire doit remplacer un salarié bien déterminé effectivement absent. La jurisprudence admet toutefois le "remplacement en cascade" : un salarié en CDI va remplacer le salarié absent et sera lui-même remplacé par le salarié en CDD. Les juges du fond contrôleront la réalité du remplacement en cascade. Le salarié en CDD ne peut être embauché afin de remplacer plusieurs salariés absents de l'entreprise en même temps. À titre expérimental, onze secteurs d’activité sont cependant maintenant autorisés à le faire depuis un décret de 201977. Les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux,

ainsi que le commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, sont concernés, mais ce type de besoin n’a pas souvent été évoqué durant les entretiens. Seul le DRH d’un établissement de santé [CLINIC- AVI] a émis le souhait de pouvoir conclure un CDD de plusieurs mois pour remplacer plusieurs salariés absents à la suite. Si cette possibilité, actuellement illégale, pourrait effectivement être envisagée dans le cadre du remplacement de salariés en congé, elle ne serait pas possible pour remplacer des arrêts maladie, lesquels ne peuvent être anticipés. Il risquerait en effet d’y avoir, entre deux remplacements, une période pendant laquelle le salarié en CDD ne remplace personne et pourvoit donc un emploi correspondant à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Le CDD de remplacement est peut-être le moins sujet à la fraude dans son recours, le nom et la qualifica- tion du salarié remplacé devant figurer dans le contrat, facilitant ainsi le contrôle du juge. En outre, l’in- demnité de précarité est due.

77 D. n° 2019-1388 du 18 décembre 2019. Précisément, il autorise les entreprises à recourir au CDD de remplacement

2.1.2 CDD pour accroissement d’activité

Le recours au contrat court pour accroissement d’activité est mentionné dans les entretiens réalisés dans les trois secteurs, parfois à nouveau, avec confusion avec le CDD saisonnier, voire avec le CDD de rempla- cement (dans la mesure où, de fait, ces deux situations entraînent un accroissement d’activité). La distinc- tion est pourtant essentielle, le régime juridique de ces différents cas de recours n’étant pas uniforme, tout du moins dans le secteur privé. Dans la fonction publique, le régime juridique de ce cas de recours est le même que celui du contrat saisonnier, sauf concernant la durée du contrat. Ce cas de recours est utilisé dans le commerce, également dans les maisons d’enfants (CDD dits « de renforts », autorisés et financés par la tutelle) et un peu dans les collectivités territoriales.

Ce cas de recours recouvre plusieurs hypothèses, énoncées dans différents articles du Code du travail : - Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise78. Il s’agit d’une augmentation quantitative du vo-

lume de travail. Elle n'est pas nécessairement exceptionnelle et peut revenir chaque année, mais elle doit être temporaire. La Cour de cassation a précisé que l'employeur n'est pas obligé d'affecter le salarié em- bauché en CDD à un poste concerné par l'accroissement temporaire d'activité79.

- Réalisation de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité80.

- Commande exceptionnelle à l'exportation81.

- Exécution d'une tâche occasionnelle, précisément définie et non durable, ne relevant pas de l'activité normale de l'entreprise82. Il est nécessaire que l'activité confiée au salarié soit totalement distincte de celle

de l'entreprise (ex : mise en place d'un système informatique ou formation du personnel à l'utilisation de ce système).

L’accroissement temporaire d’activité est le recours qui offre le moins d’avantages à l’employeur : durée totale limitée, délai de carence entre deux contrats sur le même poste avec le même salarié ou un autre, versement d’une indemnité de précarité à l’issue du contrat. Il est vrai que c’est celui qui est le plus sus- ceptible de fraude, car le plus difficile à contrôler par les juges.

Dans la fonction publique, l’accroissement temporaire d’activité est spécifié depuis la loi de 201283, mais

il a toutefois été peu cité dans nos terrains. Tout au plus peut-on mentionner le cas d’un organisme de service public relevant du droit privé : « ici le surcroit d’activité dépend étroitement des réformes. Si l’allo- cation logement est réformée, il nous faut des gens en plus le temps de s’adapter, de transmettre correc- tement le service à l’usager, car c’est notre finalité. » (SECU-BRI)

2.1.3 CDD saisonnier

Utilisé dans les secteurs du commerce et de la fonction publique, le CDD saisonnier est certainement le cas de recours le plus difficile à définir. En outre, certains employeurs, notamment dans la santé, évoquent un usage « saisonnier » du CDD en période de vacances du personnel permanent, alors qu’il s’agit de rem- placement. C’est seulement dans la loi « Travail » du 8 août 2016 que le législateur en donne une définition

78 Art. L. 1242-2 c. trav.

79 Cass. soc. 18 févr. 2003, n° 01-404870. Le motif de recours mentionné dans le contrat de travail doit toutefois être

l'accroissement temporaire d'activité et en cas de litige, l'employeur devra rapporter la preuve de cet accroissement.

80 Art. L. 1242-8 c. trav. 81 Art. L. 1242-8 c. trav. 82 Art. L. 1242-5 c. trav.

pour le secteur privé, reprenant quasiment mot pour mot celle adoptée par la jurisprudence depuis de nombreuses années : emploi dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodi- cité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs84. Aucune activité

n'est, par principe, exclusive de la qualification d'emploi à caractère saisonnier, même si les secteurs les plus utilisateurs sont le tourisme, l’agriculture et l’agroalimentaire.

De cette définition ressortent deux conditions cumulatives :

1° le caractère saisonnier de l'activité ne doit pas dépendre du mode de gestion de l'entreprise, mais de contraintes naturelles, climatiques ou sociologiques. Il doit être indépendant de la volonté de l'employeur. Dès lors, si celui-ci décide de regrouper son activité sur une partie de l'année, mais que cela ne lui est pas imposé par les saisons ou les modes de vie collectifs, il ne pourra pas conclure de CDD saisonnier. La con- vention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire prévoit ainsi l’utilisation du CDD saisonnier : « Emplois à caractère saisonnier au sein des établissements situés dans les villes tou- ristiques ou thermales, ou dans les zones d'animation culturelle permanente ou d'affluence touristique ex- ceptionnelle »85. L’usage qui en est fait par ce secteur semble alors parfois davantage relever de choix de

gestion que des saisons ou des modes de vie collectifs. Ainsi de la « campagne du blanc », au mois de janvier. L’un des inspecteurs du travail interrogé reconnaît d’ailleurs que dans le commerce, le recours au CDD saisonnier est parfois illégal (IT5).

2° le contrat saisonnier doit correspondre à une activité saisonnière. Cette condition recouvre deux obli- gations : - l'activité de l'entreprise doit être soumise à des variations saisonnières, cycliques et limitées dans le temps ; - l'activité ne doit pas correspondre à la totalité de l'ouverture de l'entreprise. La conclusion chaque année d’un CDD saisonnier avec le même salarié est ainsi considérée comme établissant une rela- tion de travail à durée indéterminée lorsque le salarié a été embauché pendant toute la période d’ouver- ture d’une entreprise ayant une activité intermittente.

Strictement encadré par la loi, le recours au CDD saisonner présente de nombreux avantages pour l’em- ployeur : le contrat peut être conclu sans terme précis86 et prendra fin au moment de la réalisation de

l’objet pour lequel il a été conclu, les contrats peuvent se succéder sans délai de carence, l’indemnité de précarité n’est pas due et lorsque la durée du CDD est inférieure à 1 mois, un seul bulletin de salaire est émis, même si le contrat est exécuté sur deux mois civils87.

Les activités ouvrant droit au recours au CDD saisonnier revenant chaque année, des dispositifs ont été instaurés par la loi et les conventions collectives, afin d’assurer une certaine stabilité aux salariés. Ces- derniers bénéficient ainsi d’un droit à la reconduction, prévu soit par une clause conventionnelle, soit, à défaut, par la loi. Les conventions collectives peuvent en effet prévoir des clauses de reconduction pour la saison suivante, obligeant l’employeur à reprendre, sauf motif réel et sérieux, le salarié sur un emploi de même nature88. Aucune des conventions collectives applicables dans nos terrains ne contient de clause de

reconduction. À défaut, une des ordonnances de 2017 a posé des règles applicables dans les branches qui ne sont pas parvenues à un accord, permettant au salarié embauché en CDD saisonnier de bénéficier d’un droit à reconduction dès qu’il a effectué au moins deux mêmes saisons dans l’entreprise sur deux années

84 Art. L. 1242-2 c. trav. 85 Art. 6.3.1.

86 Il devra toutefois comporter une durée minimale.

87 Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, art. L. 1242-2.3° c. trav. Une

règle identique est prévue pour le CDD d’usage.

consécutives et si l’employeur dispose d’un emploi saisonnier à pourvoir, compatible avec sa qualifica- tion89. La clause de reconduction permet également la conclusion d’un CDD afin de permettre au salarié

de participer à une action de formation prévue au plan de développement des compétences de l’entre- prise.

Dans la fonction publique, le CDD peut être utilisé en cas d’accroissement saisonnier d’activité. Ce motif est fréquent sur les trois territoires, et même omniprésent pour la zone d’emploi de Briançon. Il concerne notamment les recrutements de la période estivale pour les activités liées à l’accueil des enfants pendant les vacances scolaires ou les emplois dans les structures de loisirs (piscine municipale) ou de tourisme.

2.1.4 CDD d’usage

Le CDD peut être conclu afin de pourvoir « des emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois »90. La jurisprudence soumet le recours au CDDU à deux

conditions. Tout d’abord, l’entreprise doit appartenir à l’un des secteurs définis par décret91 ou

convention. Nos trois secteurs ayant été choisis précisément parce qu’ils n’ont pas recours au CDDU, une seule entreprise de notre enquête y a recours, car soumise à la convention collective des personnels des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire, en application d’un accord de 2012 mettant en place le contrat d’intervention à durée déterminée dans l’animation commerciale92. Ensuite, tous les

emplois de ces secteurs n’étant pas temporaires, il faut que l’usage constant soit le non-recours au CDI pour l’emploi considéré. Dans l’entreprise enquêtée qui utilise le CDD d’usage, les fonctions supports du siège sont ainsi pourvues par des salariés en CDI, tandis que les salariés qui interviennent pour aménager des linéaires chez les clients, sont embauchés en CDD. L’une des contraintes invoquées par l’employeur est que ces clients sont situés dans toute la France, ce qui nécessiterait, avec des salariés en CDI, une très grande mobilité géographique et d’importants frais.

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