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II. Les nanofils biologiques et le besoin de conception d’une plateforme pour les caractériser

II.1. Intérêt des nanofils biologiques, cas particulier de la fibre amyloïde

I.1.2. Cas particuliers des fibres amyloïdes Het

Parmi l’ensemble des nanofils d’origine biologique nous avons décidé de concentrer notre étude sur la fibre amyloïde Het. Cette fibre a été choisie pour les raisons suivantes :

(i) La structure des fibres amyloïdes Het est connue avec précision grâce aux nombreuses données acquises dans le cadre d’études biologiques et notamment la résolution de la fibre en RMN du solide [WAS08]. Ceci permet la fabrication à façon par génie génétique comme on verra plus tard. La résolution par RMN permet aussi à une compréhension du comportement électrique.

(ii) La fibre amyloïde Het est biocompatible permettant d’envisager des applications de captation et de détection en lien avec des milieux biologiques.

(iii) La fabrication de ces fibres requiert moins d’étapes et donc de temps, est moins couteuse et nécessite beaucoup moins de moyens de production que la fabrication de nanofils en salle blanche. La modification des structures des fils protéiniques par génie génétique et donc la fabrication à façon est aussi une propriété très intéressante car elle permet par une modification mineure d’avoir des split technologiques différents.

(iv) La fabrication de ces fibres selon différentes conformations est maitrisée et répertoriée. On peut ainsi à partir du même matériau de base obtenir des objets aux morphologies différentes selon le pH que voient les fibres [MIZ11].

(v) La robustesse et la stabilité des fibres amyloïdes sont importantes comparativement à d’autres protéines [KNO11].

(vi) Une preuve de conduction électrique des fibres amyloïde a été mise en évidence et les dimensions des fibres sont en accord avec une utilisation comme interconnexions.

(vii) Un laboratoire du CEA Grenoble travaille actuellement sur ces fibres nous permettant d’avoir un approvisionnement quasi immédiat en protéines.

Dans cette partie nous voulons montrer à quel point l’utilisation des propriétés intrinsèques morphologiques et physico-chimiques de différents objets biologiques et notamment de la fibre amyloïde Het peuvent nous permettre de concevoir des solutions alternatives à certaines limitations de la microélectronique moderne. Pour commencer et bien poser les bases de notre réflexion commençons par une description de la fibre amyloïde Het.

La fibre amyloïde Het est un nanofil biologique de 5nm de diamètre et de 10µm de long formé par l’empilement de différents feuillets perpendiculaires à l’axe de la fibre [HOR11]. Les feuillets sont des protéines repliées sur elles-mêmes dans une conformation que l’on appelle feuillet β [ALT17]. Les feuillets sont liés les uns aux autres par des liaisons hydrogènes. La figure II.2 montre la structure des fibres Het-s (218-289) formée par l’association de plusieurs feuillets Beta résolue par RMN du solide [WAS08].

Figure II.2 STRUCTURE DES FIBRES HET-S (218-289) FORMEE PAR L’ASSOCIATION DE PLUSIEURS FEUILLETS BETA RESOLUE PAR RMN DU SOLIDE [ALT17]

De nombreuses protéines peuvent être à l’origine de la formation de fibres amyloïdes, dans notre cas nous nous intéressons à la protéine prion Het-s du champignon Podospora Anserina. Cette protéine prion existe sous trois formes quasi identiques. En comparant les 289 acides aminés qui composent les trois formes il a été prouvé que seuls les 71 derniers acides aminés du domaine codent la formation de fibres amyloïdes [BAL04]. Le fait d’avoir une structure résolue par RMN du solide peut paraitre anodin mais une connaissance aussi précise de la structure interne d’une protéine est en fait assez rare. Cette connaissance permet de pouvoir comprendre comment l’on pourrait modifier à façon la structure par génie génétique. Cela permet aussi de pouvoir appréhender différents scénari pour les mécanismes de transport électrique mis en jeu dans la structure.

La connaissance de la structure de la fibre amyloïde nous permet de la fabriquer artificiellement et à façon. La fabrication de nanofils protéiniques est réalisée par production de protéines recombinantes, elle se déroule en cinq grandes étapes. Cette technique de production est maitrisée depuis les années 80 notamment grâce à une forte demande de la production d’insuline synthétique [GUO84]. La première étape consiste à extraire le domaine Het-s (218-289) du champignon Podospora Anserina [BAL03]. Ce domaine contient l’information génétique responsable de la fabrication des protéines. Le domaine ainsi qu’une étiquette appelée « tag » sont ensuite introduits, par génie génétique, dans un ADN circulaire appelé plasmide. Ce plasmide est ensuite introduit dans la bactérie E. Coli. La bactérie une fois mise dans des conditions favorables de culture se reproduira par multiplication cellulaire. La troisième étape consiste donc à réaliser une culture cellulaire permettant d’accélérer la multiplication des bactéries hôtes. Après culture les bactéries sont

tuées, on obtient donc, un mélange de matière organique inutile pour nous et un grand nombre de plasmides contenant chacun la protéine prion Het-s(218-289) (notre unité de base de la fibre amyloïde). Après avoir isolé les protéines des autres constituants de la culture cellulaire on peut les mettre en solution. On effectue ensuite un tri des protéines d’intérêts par une étape de sélection chromatographique par affinité au nickel. En effet le tag ajouté aux 71 bases de la protéine Het-s a pour fonction de se fixer au nickel [SAB07]. On obtient donc dans un premier temps une multitude de protéines attachées à des atomes de nickel. Apres ajout d’un réactif permettant le détachement du tag, on récupère un ensemble de protéines qui sera stocké en solution à pH contrôlé. La dernière étape est la renaturation. Cette étape permet par ajustement du pH de déclencher la formation de fibres dans la conformation désirée. En effet selon l’acidité du milieu dans laquelle la protéine est introduite on obtiendra des fibres dans différentes conformations. La figure II.3 montre schématiquement les différentes étapes permettant la fabrication des fibres amyloïdes.

FIGURE II.3SCHEMA DES DIFFERENTES ETAPES PERMETTANT LA FABRICATION DES FIBRES AMYLOÏDES [CAR15]. C’est donc la dernière étape de fabrication, la renaturation, qui permet d’obtenir selon le besoin des fibres amyloïdes Het de différents types. On peut aussi en modifiant le domaine inséré dans la bactérie créer à façon différentes fibres amyloïdes Het. Bien qu’anodine cette modification peut permettre de changer complètement le comportement et la structure de la fibre amyloïde Het [ALT15]. On donne quelques structures de fibres synthétisées, les différentes conformations et les conditions d’obtention dans le tableau II.2 suivant [ALT15]. Il est par exemple possible de créer la fibre de protéine chimère Red-Het par l’assemblage de la protéine Het et d’une protéine de rubredoxine ce qui a pour but d’ajouter une fonction Redox à la fibre [HOR11]. Il existe toute une gamme de fibres amyloïdes différentes issues de protéines variées et ayant des fonctions aussi diverses que le contrôle de la transcription ou la synthèse de mélanine. Certaines fibres amyloïdes ont aussi une origine pathogène telles que les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson mais aussi le diabète. Plusieurs articles répertorient la diversité des fibres amyloïdes et notamment ceux de Knowles et Buehler et celui de Aguzzi et Rajendran [KNO11, AGU09]

Tableau II.2 CONDITION D’OBTENTION DES DIFFERENTS TYPES DE FIBRES DANS DIFFERENTES CONFORMATIONS

pH Morphologie Commentaire

Het-s (218-289)

<5 Fibre unitaire 6nm de diamètre 7 Fagot 100nm de diamètre Red Het

4,5 Fibre unitaire 8nm de diamètre Ajout d’un codon codant la rubredoxine avant l’introduction

dans le plasmide 7,5 Fagot 100nm de diamètre

Plusieurs équipes dont celles du CEA ont montré des preuves de conduction de la fibre amyloïde [ALT15, ALT17] mais les caractérisations électriques sont la plupart du temps des caractérisations préliminaires. La figure II.4 montre la mesure CV d’un film de nanofils de protéines Red-Het et les électrodes en carbone vitreux servant aux mesures.

FIGURE II.4 MESURE CV D’UN FILM DE NANOFILS DE PROTEINES RED-HET [ALT17].

Les connaissances électriques sur ce type de fibre ne sont donc pas assez complètes pour pouvoir les utiliser en co-intégration avec des objets silicium [ALT17]. Plusieurs hypothèses de conduction de la fibre ont été proposées sans pour l’instant pouvoir affirmer avec certitude laquelle est la bonne. Nous avons recensé plusieurs points devant être améliorés pour permettre de caractériser finement les fibres :

➢ Accroitre la qualité des supports de caractérisation. En effet les techniques de fabrication de dispositif de caractérisation manquent souvent de fiabilité et de reproductibilité. Cette variabilité pourrait masquer un effet capteur.

➢ Diminuer les dimensions des motifs de test. En réduisant les dimensions des motifs de caractérisation électrique nous pourrions mieux appréhender le type de transport mis en jeu dans les fibres. Des motifs micrométriques ou millimétriques ne peuvent mettre en évidence que les phénomènes de conduction globaux et non des phénomènes qui mettraient en jeu des conductions sur des distance très courtes.

➢ Diversifier les motifs de caractérisation. Les supports de caractérisations utilisés sont la plupart du temps simplement constitués de deux électrodes en vis-à-vis et ne permettent donc pas d’arriver à extraire des paramètres comme la résistance de contact indispensable pour savoir si les dits objets biologiques peuvent être utiles à l’intégration dans les composants électroniques.

Pour régler ces problèmes liés au manque de connaissance du comportement électrique des fibres amyloïdes mais aussi de beaucoup d’objets biologiques en général nous avons décidé de fabriquer une plateforme de caractérisation électrique biostable. La partie suivante servira donc à décrire les contraintes et objectifs liés à la conception de cette plateforme et le cahier des charges en découlant.

II.2. Définition d’une plateforme permettant la caractérisation des objets