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Carnet de route « sur la piste des zaouïas »

classique et l’apport de l’ethnologie post-moderne

2. Carnet de route « sur la piste des zaouïas »

En m’appuyant sur mon travail de terrain, je voudrais montrer que la sorcellerie non seulement existe aujourd’hui dans la campagne française, mais qu’elle constitue un dispositif symbolique (i.e. autre chose et plus qu’un ensemble de propositions fausses) produisant des effets thérapeutiques spécifiques, et dont la prodigieuse efficacité explique sans doute qu’elle subsiste dans les zones rurales malgré l’autorité des thérapies savantes. (Favret-Saada, 1991, 160).

Paraphrasant l’ethnologue pondérant les affirmations de Mair, Evans-Pritchard, Douglas, Marwick, Thomas, relatifs à l’e xt inction de la sorcellerie en Europe, nous confirmons une semblable intention, à cette différence pourtant, qu’exorcisme et possession sont omniprésents au Maroc, et que de ce fait, il n’y a pas besoin de prospecter beaucoup pour en constater l’évidence. Ce qu’il nous intéresse donc de décrire dans « premières enquêtes » relève plutôt de l’éclectisme des exorcismes et adorcismes et de la particularité spectaculaire de l’un d’eux, « les trois feux », qui nous a fortement interpellés, au point d’en constituer l’énigme à résoudre dans ce travail de thèse. Si le descriptif du carnet de route nous livre un large éventail de zaouïa, la refle xion relative aux observations faites sur le terrain n’en est pas moins présente. Comme nous l’avons relevé en nous référant à maintes reprises à Stoller, la pensée critique, ici en immersion, s’articule à travers un lagage adapté à la plasticité des expériences.

Le tribunal des djunûn à Bouya Omar

Dans une enceinte de champs cultivés, avec de vigoureux oliviers qui s'ancrent dans une terre rouge, la zaouïa étale ses masures hétéroclites que surplombe le dôme blanc lessive du marabout. Ce n'est pas vraiment beau et l'angle de vue sous lequel on arrive ne laisse pas à son avantage le village de Bouya Omar. Car c'est presque un village, cette zaouïa, avec ses échoppes grignotées par la lèpre et le vert de gris, son bistrot débonnaire pourvu en tout et pour tout de trois tables en fer blanc, autour desquelles achèvent de se dépenailler quelques fauteuils d'osier fauve, ses ruelles pisseuses, où des tâches suspectes auréolent les murs de pierre giclés à la chaux.

Dans la voiture, ma femme et moi-même, avons revêtu la djellaba pour faire plus autochtone. On n'a pas oublié que nous ne sommes pas musulmans et qu'elle est une femme blanche ; qu'en principe, ces deux catégories sont exclues de l'enceinte sacrée. Les portières ne sont pas encore ouvertes que les curieux, déjà nombreux, s'assemblent autour de notre taxi.

Beaucoup ont de fortes chaînes cadenassées leur liant les pieds et marchent à pas de canard en expectorant de puissants rots. Des sourires béats aussi qui doivent concerner des affaires bien lointaines, comme étrangers aux visages douloureux qui

les portent et des corps maladroits aux mouvements saccadés, obéissant aux impulsions souterraines qui ne leur appartiennent plus.

Un ancêtre se pousse au premier rang. Crâne lustré et œil fou. L'autre est éteint sous sa paupière close. Celui qui demeure, a la consistance d'un blanc d'œuf et résolument, avec ce qui lui reste de prunelle, une pointe de pistache, se perd dans l'immensité du ciel. Appuyé sur un bambou, il clopine pieds nus dans un veston gris rapiécé, qui lui tombe sur les genoux. Il me demande dans un français rocailleux qui ricoche comme une grêle de cailloux sur une tôle ondulée, quel est le djinn qui me possède ?

Mal à l'aise, parce qu'au fond de moi-même j'aimerais bien le savoir, je lui retourne très lâchement la question.

"Faut croire si tu veux guérir !" Il a dit cela en se plantant l'index dans son nez crochu, décochant un ricanement pointu qui m'atteint comme une flèche.

Un peu à l'écart, quelques jeunes à mauvaise mine. Des toxicomanes. Ceux-là, je les connais bien puisque je les soigne depuis vingt ans.

Nous franchissons le porche et pénétrons dans une cour intérieure bordée d'arcades ; à notre droite, pêle-mêle dans un enclos obscur aux vapeurs acidulées, moutons et chèvres attendent l'holocauste. Nous prenons sur la gauche, emboîtant le pas de quelques pèlerins et malades qui se dirigent vers la Qoubba (mausolée). Au fond du couloir, dans une niche minuscule, une femme très jeune attachée à un anneau scellé dans le mur : elle a des yeux de biche et un grand voile couleur lilas lui recouvre tout le corps. Elle semble subir un interrogatoire sévère, ponctué de longs silences, durant lesquels son visage se détend jusqu'à la rendre très belle, et des râles affreux charriant d'incompréhensibles mots. Jurons, invectives, insultes, comment savoir ce qui se dit dans un tel charabia ?

Pourtant sa voix n'est manifestement pas la sienne et quelqu'un d'autre parle en elle. Dans ces moments, sa figure se déforme et l'on devine les résistances du djinn à approuver la sentence !

Impressionnant ! Le tribunal du saint n'a pas la tâche facile. Le mausolée ferme la cour au nord ; on y pénètre comme des voleurs. Le tombeau du saint, autour duquel tournent en vrac possédés et pèlerins se trouve au centre de la salle, sous la châsse recouverte de satin vert. L'espace est sobre, orné d'élégantes calligraphies, un peu nos ex-voto "arabisés", et de quelques bouquets de fleurs. Un flot de lumière coule par la porte ouverte et vient rosir toute la pièce. J'aperçois alors, accrochés à une lucarne grillagée donnant sur la cour, des cadenas destinés "à nouer l'intention du saint". Une grosse chaîne aussi, enroulée sur une peau de mouton et placée sur le rebord recouvert d'un tissu vert.

Une vingtaine de personnes occupe les lieux. Deux femmes et trois hommes, inlassablement, tournent autour du tombeau, en invoquant le saint avec des voix

bizarres et des yeux éperdus, d'autres sont couchés contre les parois du sanctuaire et dialoguent avec des instances invisibles.

Debout, très droit devant le tombeau, le chrif ! Il tient dans ses mains toute une quincaillerie de chaînettes et lorsqu’Ali se présente devant lui, il lui en passe une autour du cou et le pousse dans la ronde. Ali accuse le coup et semble moins fier qu'auparavant. Il commence à tourniquer avec les autres et j'observe, au fil des tours, la transformation rapide de son regard vacillant dans la transe. Le chrif s'apprête à nous passer les chaînes au cou et à nous envoyer rejoindre les autres lorsque soudain, déstabilisé, il prend conscience de notre état d'incroyants. Comme il s'adresse à moi en jargon inconnu, je traduis mentalement ceci : "mais vous n'êtes pas musulmans et celle-ci, en plus, est une femme blanche !" Je joue à l'idiot, ce que je n'ai pas trop de peine à faire, étant tout de même un peu secoué par les évènements, puis désigne Ali en le nommant. Le chrif arrête son carrousel extatique, duquel notre guide émerge avec peine et l'interroge sur nos identités. Ali bafouille qu'on est "un chouia" musulman et qu'on s'intéresse beaucoup au coran. Ce qui n'est pas un mensonge ! Le chrif nous prie de sortir et nous accompagne dans un local attenant d'où, par une petite fenêtre grillagée, nous avons vue sur le marabout. Il s'en retourne à ses offices dans le sanctuaire puis, vient coller son nez à la lucarne où nous avons le nôtre, tout pareil… comme au confessionnal. Il prend les mains d'Ali à travers les barreaux, semble lui tâter le pouls, éructe quelques invocations en passant une chaîne/cadenas sur son front, puis crache un petit jet de salive dans sa direction. Il fait de même pour Denyse et moi-même et déclare:

"Ali et la dame sont malades (n'oublions pas qu'ici la maladie est la djinnopathie ou confusion mentale liée à la présence d’un génie) et doivent sacrifier un chevreau noir avant la fin du ramadan". Ali blêmit et transpire. Denyse, je la connais, apparemment rien ne l'émeut et surtout pas ce genre de sorcellerie, auquel elle oppose un cartésianisme de bon aloi pour dissiper la vexation et mieux digérer l'insulte ! Moi, j'ai le sourire tranquille et suffisant de l'homme équilibré ; sur ces entrefaites nous remercions le chrif avec quelques dirhams et je sors dans la cour avec mes deux lascars atteints de confusion mentale ! Ali est troublé. Le coup du chevreau noir, il ne l'a pas avalé. Je pense : "l'atavisme tout de même, il y croit malgré lui !"

Dans la rue principale, l'ambiance est soudain plus légère : les malades dans le marabout n'étaient vraisemblablement pas des figurants et les scènes de possession avaient leur dose d'authenticité qui prenaient aux tripes les plus endurcis! Comme on cherche à comprendre, on cherche des témoins. Le premier que l'on interroge se déclare guéri. Touché par la magie, (une histoire de femmes, sur laquelle il reste circonspect !) il est arrivé à Bouya Omar il y a 15 ans, après avoir tout perdu : boulot, argent, parents, raison. Sa famille l'a donc placé ici où, régulièrement, il suit le programme prescrit par les chorfa. Il désire maintenant retourner dans le monde, mais il attend son frère qui est en traitement ! Et surtout le "Huk m" de Bouya Omar. "Le huk m ?" Ali lui demande de préciser.

"C'est la sentence du saint, qui confirmera que je suis guéri et que je peux partir !" "Mais comment sauras-tu ?"

"Par un rêve ou celui d'un autre malade !"

Denyse parle longuement avec un patient qui a vécu durant de longues années en Italie. L'intéressé s'avoue djinnopathe et porte des chaînes à ses pieds. Lui, n'est pas guéri, mais il prétend pourtant qu'il va un peu mieux. Ca fait plus de 10 ans qu'il se trouve à Bouya Omar. Ses parents ont aussi connu des problèmes similaires.

Ali a une longue conversation avec un toxico qui confirme qu'ils sont plusieurs ici, mais que la thérapie peine avec eux, le trafic à l'intérieur du village allant bon train et l'accès facile au produit, réduisant à néant tous les autres efforts.

Il mentionne les trois conditions nécessaires pour réaliser la guérison :

- Y croire,

- Ne prendre aucune drogue ni aucun médicament,

- Allah seul peut guérir, s’il le veut !

C'est un marocain qui a vécu en France qui m'aborde avec l'accent parisien ! Il avait un poste important dans les affaires et menait la grande vie. Je lui demande des précisions. Il me parle des nuits qui n'en finissaient plus et de "l'alcool qu'il buvait beaucoup". Tellement, et c'est ainsi que je l'interprète, qu'il a "pété les plombs" dans une crise de delirium tremens.

Pour m'expliquer sa détresse, il me donne une belle image. Sa raison a craqué comme une bibliothèque qui s'écroule : tous les rayons, tous les livres, tous les fichiers sont bouleversés et il est ici depuis 17 ans, à essayer de remonter cette bibliothèque ! Il retrousse ses manches et me montre ses bras couverts d'inscriptions, de hiéroglyphes, de mots inachevés, de fragments de phrases et parfois, soulignée, une sentence géniale qui lui sert de fil d'Ariane pour remonter aux sources de son esprit.

La conversation tourne au dialogue splendide mais son regard est en prison ; derrière une vitre embuée, inatteignable, lointain, perdu à lui-même : ce qui produit, compte tenu de son œil bleu d'outre mer, une langoureuse tristesse sans objet !

A-t-il assisté à la hadra du moqraj, ce rite où le chrif avale l'eau bouillante à même la bouilloire encore sur le feu ?

Bien sûr qu'il a assisté… mais il n'y va plus, trop affairé par la reconstitution de sa bibliothèque.

"Mais l'eau, est-elle vraiment brûlante et le chrif s'en tire-t-il à chaque coup indemne ?"

Il s'est tellement habitué au miracle qu'il n'y prête plus attention. Pour lui, le chrif avale sa flotte, mortelle pour tout homme normalement constitué, comme lui lape son verre d'eau.

Et le rituel du serpent (as simm), et celui du four (al farran) ?

A plusieurs occasions, il a vu un chrif croquer un serpent, mais moins fréquemment que l'eau de "la bouilloire" et une fois un autre entrer dans le four !

Il me demande très poliment quelques dirhams pour un paquet de cigarettes et me lance en partant :

"Tous les jours il y a le rite de la bouilloire, tu peux venir demain, si tu veux !"

La logothérapie spirituelle à Sidi Ahmed Erguibi

Plein désert. Celui-ci a les allures de la veille. Torturé ! Piqué de bornes, zébré de traces vagabondes, inhospitalier au possible. Le mari des trois femmes nous accompagne pour nous montrer la piste, jusqu'à la zaouïa de Sidi Ahmed Erguibi. Pour la première fois nous apercevons deux gazelles qui déboulent à fond de train devant nous et disparaissent bientôt à l'horizon dans les replis du terrain.

A midi : quelque chose qui confine au mirage ; à plusieurs jours de marche de tous lieux habités, le marabout, la mosquée avec la flèche du minaret, la zaouïa blanche incrustée au milieu du vide, comme un décor de western que plus rien ne contient. Le bruit du moteur a été entendu ; à l'entrée de la zaouïa un petit homme nous attend. Puis un très grand qui sort du bâtiment, nous salue, et très civilement nous prie d'entrer. Immense pièce dont le plafond soutenu par 16 colonnes s'élève à cinq mètres de hauteur ; tout autour, des "bancs" muraux avec des coussins dodus et coloriés, une bibliothèque dans un angle près de la fenêtre, et une mosaïque de tapis de prière recouvrant le sol. Après Bouya Omar c'est le grand luxe !

On se déchausse, puis nous prenons position autour d'une petite table bientôt chargée de tous les délices de l'oasis : puisque c'est ramadan, seuls Denyse et moi-même avons droit aux dattes, au miel et au petit lait.

Le géant est jeune mais ça n'empêche pas que sa tête a déjà le look de l'imam accompli. Il nous apprend dans un français boiteux, qu'il descend d'une lignée de marabouts débutant au XVème siècle, que son père qui n'est pas là aujourd'hui en est l'illustre représentant, que lui-même, appelé par Allah, suit ses traces avec ferveur et

dévotion. Je lui explique le but de notre visite : comprendre ce qu'ils entendent par "maladies spirituelles", en observer les techniques de guérison, lui raconte aussi notre passage à la zaouïa de Bouya Omar.

Il n'a pas l'air effarouché et reçoit mon message avec un gentil sourire qui semble bien augurer pour la suite.

Tout d'abord il me confirme la nature de la clientèle ; les pèlerins qui s'aventurent jusqu'ici sont pour beaucoup des djinnopathes ou des personnes touchées par la magie. Il établit une différenciation précise entre les deux catégories. Dans le premier cas il s'agit d'une influence subtile, d'un être vivant invisible investissant le malade de son énergie négative. Les djunûn sont mâle et femelle ; en tous points leur vie se calque sur celle de l'humain, (Inn) à cette différence qu'elle se situe dans une autre dimension. L'homme, par maladresse, affaiblissement, erreurs de comportement ou oublis, ouvre des portes par lesquelles le djinn s'engouffre et vient occuper son âme. Pour la magie c'est un peu différent. Dans ce second cas il faut le concours d'un sorcier qui, en collaboration avec le djinn, "manipule le tissu relationnel" de l'individu. Pour ce faire, le maître de magie noire a besoin de "travailler" sur plusieurs éléments pour accomplir l'envoûtement :

- des fragments d'ongles ou des cheveux de la victime, - le nom de l'intéressé,

- celui de sa mère,

- les formules du sorcier.

Il est ouvert et ne cache rien. Je lui parle de mon boulot, de mes intentions, émets l'hypothèse suivante que je discute âprement avec lui : à savoir que nos toxicomanies contemporaines pourraient faire partie d'une troisième catégorie de patients, auxquels le genre de thérapie spirituelle pratiquée dans les zaouïas, conviendrait peut-être. A-t-il reçu des toxicomanes à Sidi Ahmed Erguibi ?

A sa connaissance, non, me dit-il ! Mais c'est possible. La drogue est partout !

Le marabout est songeur…. Il voit, dit-il, les dangers qui menacent aujourd'hui l'Islam et n'ignore pas que le Maroc connaît une inflation rapide de cette peste. Il est très radical. Pour lui il y a "drogue" lorsqu'il y a brisure, réclusion, enfermement de la pensée ; il rappelle que l'homme est l'harmonie du corps, du cœur et de l'esprit, que lorsque celui-ci s'enk yste dans la seule dimension matérielle de son être, il perd son nom. Il rajoute cette jolie phrase que : « l’œil du divin s’est fermé dans le cœur du dément ».

"Pour l'Islam", continue-t-il, "le système des valeurs est inscrit dans le Coran ; celui qui néglige les sourates et oublie les hadiths a perdu les valeurs. Pourquoi les hommes

du Livre (c'est ainsi qu'il appelle les Chrétiens) ne seraient-ils pas soumis aux mêmes exigences dictées par leur Prophète ?"

*

"Mais que faites-vous avec les malades ? Comment les soignez-vous ?"

Notre hôte relève que jadis, avant l'arrivée des landrovers, les possédés venaient à pied jusqu'ici. Le "Ziara" (pèlerinage) faisait partie intégrante de la thérapie. Durant l'interminable marche, la foi s'exaltait et lorsque le malade frappait à la porte de la zaouïa, quelque chose s'était passé qui facilitait notre intervention. Aujourd'hui, c'est différent !

Le chrif nous précise avec maints détails le cérémonial d'accueil du patient, en général accompagné de quelques parents. Pour l'établissement du diagnostic je constate que l'on prend les choses au sérieux et que la nosographie traditionnelle pour désigner les différentes possessions, n'a rien à envier, en complexité, à la terminologie de la psychiatrie moderne. Le possédé, dans sa relation au djinn, a donc le triste "choix" d'être madrub (frappé par un djinn), maskun (possédé par le djinn). Chaque catégorie a ses degrés d'intensité. Dans la première le malade peut être "muchar", "matruch" ou "mamali". Dans la seconde : "mascut", "mak hlu" ou "miryah" Le chrif précise qu'il nous cite les appellations les plus répandues, mais qu'il y en a beaucoup d'autres. Chacune de ses djinnopathies implique, bien sûr, une thérapeutique et un pronostic différenciés. Si le malade ne peut être catalogué dans aucune des catégories admises à Sri’ Erguibi, on le renvoie !

Le rituel de l'exorcisme débute par l'absorption d'un bol d'eau, puis le chrif déclenche la crise par imposition des mains (Sulpice Sevère l'affirmait déjà, à l'époque : la main et les doigts sont les organes privilégiés dans la puissance thaumaturgique). A cet instant le djinn se rebiffe et se manifeste dans la voix transformée du patient. L'officiant place les premières estocades avec quelques passages tirés des sourates ou des hadiths. Comme il connaît par cœur la musique, sa dialectique est rapide et incisive, et ne laisse aucun répit au djinn qu'il essaie de déstabiliser. Dès qu'il trouve la faille il enfonce le clou (ici la formule) sans pitié. A chaque requête du djinn qui lui demande "du temps", il oppose un nouveau verset coranique, acculant peu à peu l'esprit à capituler.

Réquisitoire terrible où différemment à la transe judiciaire de Bouya Omar, le chrif somme le djinn de quitter sur-le-champ et sans conditions l'âme du malade.

Une dame de Layoune vient juste de repartir, nous dit-il. Quand elle est arrivée, il y a