• Aucun résultat trouvé

RAYONNEMENTS UV ET SES INDICATIONS

4. Carence en vitamine D

 Prévalence de l’hypovitaminose D chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent Chez l’adolescent

Des études menées dans différentes populations et sous différentes latitudes ont fait état d’un fréquent effondrement des taux sériques de 25-OH vitamine D, surtout en période hivernale, ainsi que d’une carence d’apport alimentaire, y compris dans des pays industrialisés. Ainsi, aux États-Unis, dans l’enquête NHANES III (Third National Health and Nutrition Examination Survey), 29 % des jeunes filles et 13 % des garçons âgés de 12 à 19 ans, avaient des taux sériques de 25-OH vitamine D inférieurs à 50 nmol/l en hiver [112], et dans une étude réalisée à Boston, 42 % des adolescents de 11 à 18 ans avaient des taux inférieurs à 50 nmol/l [113]. De même, il a été montré que plus d’un tiers des adolescentes âgées en moyenne de 12 ans et demi vivant dans des pays d’Europe du Nord (Danemark, Finlande, Irlande et Pologne) avaient pendant l’hiver des taux inférieurs à 25 nmol/l, et que chez presque toutes (93 %) ces taux étaient en dessous de 50 nmol/l [114]. Même dans des régions ensoleillées comme à Beyrouth, des taux inférieurs à 50 nmol/l ont été retrouvés chez 65 % des enfants âgés de 10 à 16 ans en hiver [115]. En France, des études réalisées chez

des apprentis jockeys âgés de 13 à 17 ans ont montré une nette variation des taux saisonniers, qui chutaient en moyenne de 58,5 nmol/l à la fin de l’été à 20,6 nmol/l à la fin de l’hiver [16], et 68 % à 72 % de ces adolescents avaient des taux inférieurs à 25 nmol/l à la fin de l’hiver en l’absence de supplémentation [117]. Plusieurs cas de rachitisme symptomatique chez des adolescents ont d’ailleurs été colligés ces dernières années, principalement dans le nord de la France et en région parisienne [118].

Chez l’enfant avant la puberté, les données sont moins nombreuses et plus contradictoires. Dans l’État américain de Georgie, (situé à 34 ° de latitude Nord), la moyenne des taux sériques de filles âgées de 4 à 8 ans était normale (93 nmol/l, les taux étant plus élevés chez les enfants blanches que chez les enfants noires) selon la distinction en usage aux États-Unis), et moins de 4 % d’entre elles avaient des taux inférieurs à 50 nmol/l [119]. Cependant, dans l’État du Maine (situé à 44 ° de latitude Nord), chez des filles âgées de 9 à 11 ans, 48 % avaient des taux inférieurs à 50 nmol/l [120]. En Nouvelle-Zélande (entre 35 ° et 46 ° de latitude Sud), 31 % des enfants âgés de 5 à 14 ans avaient des taux inférieurs à 37,5 nmol/l [121], mais en Australie, dans l’État de Tasmanie (situé à 42 ° de latitude Sud), moins de 10 % des enfants de 8 ans avaient des taux inférieurs à 50 nmol/l [122].

Chez le nourrisson et le nouveau-né, le risque de carence en vitamine D est bien connu, surtout en cas d’allaitement maternel exclusif, même dans les pays ensoleillés tels que la Grèce [123]. Les taux sérique de vitamine D chez le nourrisson reflètent les taux sériques maternels. Lorsque la mère n’est pas carencée en vitamine D, son enfant a des réserves suffisantes pour 8 à 12 semaines seulement [124]. Le lait maternel ne contient pas plus de 25 UI/l

(moins d’1 μg/l), ce qui justifie une supplémentation systématique chez le nourrisson allaité au sein jusqu’à ce qu’il reçoive un lait artificiel supplémenté en vitamine D en quantités suffisantes. Toutefois, en période d’allaitement, un apport supplémentaire de 4000 UI/j de vitamine D chez la mère permettrait des taux suffisants dans le lait maternel [125]. La carence en vitamine D chez les mères et les femmes en âge de procréer est probablement trop souvent méconnue [126]. Elle semble elle aussi fréquente, même dans des régions ensoleillées telles que les Émirats Arabes Unis [127], du fait du mode de vie à l’intérieur pour se protéger du soleil, du phototype plus élevé, et d’un apport alimentaire insuffisant en l’absence de supplémentation. Des études ont aussi attiré l’attention sur le risque l’hypovitaminose D comme conséquence des coutumes vestimentaires limitant l’exposition solaire dans les pays de faible ensoleillement [128].

 Prévention de la carence en vitamine D et exposition solaire chez l’enfant Chez le nourrisson, avant l’âge d’1 an, la supplémentation en vitamine D est systématique, soit sur prescription, soit dans le lait artificiel. Un groupe de travail australien et néo-zélandais considère que la prévention de la carence en vitamine D chez le nouveau-né devrait passer par un contrôle des taux sériques de vitamine D chez la mère au premier trimestre de la grossesse. En cas de carence avérée, elle devrait être traitée par 3000 à 5000 UI de vitamine D par jour jusqu’à obtention de taux d’au moins 50 nmol/l [129] La supplémentation systématique des femmes enceintes en vitamine D est controversée selon les pays [124,130]. Aucune recommandation ne conseille une majoration de l’exposition solaire chez le nourrisson. Compte tenu du risque à long terme de l’exposition solaire précoce dans l’enfance sur les cancers de la peau, la

recommandation de ne pas exposer au soleil les enfants de moins d’1 an ne fait l’objet d’aucune controverse.

Chez l’enfant et l’adolescent, la carence en vitamine D est comme on l’a vu largement répandue. Quel est le meilleur moyen de la prévenir ? Puisque les apports alimentaires naturels sont pauvres et que la photosynthèse cutanée représente la principale source naturelle de vitamine D, l’intérêt d’une exposition solaire modérée a été suggéré. En effet, les recommandations australiennes et néo-zélandaises sur les apports en vitamine D considèrent que si l’enfant n’a pas de facteurs de risque (pigmentation cutanée, maladie chronique) et peut pratiquer une activité régulière en plein air, la supplémentation alimentaire en vitamine D ne doit pas être systématique [124], préférant donc implicitement dans ce cas une exposition solaire modérée à un apport alimentaire.

Chez les enfants particulièrement à risque d’hypovitaminose D du fait de leur degré de pigmentation cutanée, la photosynthèse naturelle est déjà limitée. Il est probable que l’augmentation de la durée d’exposition solaire soit peu efficace puisqu’il existe une limite physiologique à la photosynthèse de vitamine D. En outre, l’exposition solaire sur de grandes surfaces cutanées pendant l’hiver sous des latitudes élevées comme en Europe du Nord est souvent limitée même lors d’activités de plein air, en raison de la nécessité d’une protection vestimentaire contre le froid et les intempéries [131].

Enfin, certains enfants ne peuvent s’exposer au soleil car ils présentent une contre-indication du fait d’une dermatose photosensible. Toutefois, dans le xeroderma pigmentosum, il a été montré que la supplémentation orale en vitamine D était efficace pour compenser les effets de l’éviction solaire [132].

Par conséquent les recommandations de l’American Academy of Pediatrics s’appuient sur la compensation alimentaire en vitamine D pour prévenir et corriger les carences chez ces enfants à risque, et non sur l’exposition solaire [133].

D’autre part, la fréquence de la carence en vitamine D et ses risques réels ou supposés devraient-ils faire modifier les conseils actuels sur l’exposition solaire et ses risques ?

Les recommandations actuelles de certains pays tels que la Grande-Bretagne ont pu être considérées comme trop limitatives et ont été accusées d’avoir un effet préjudiciable sur la santé en induisant ou en majorant une carence en vitamine D [131]. Le problème réside plutôt dans le fait que lorsqu’un message de prévention est trop général et non nuancé, il peut être pertinent pour certaines personnes et totalement inadapté pour d’autres, avec par conséquent le risque de ne pas être suivi. C’est pourquoi les recommandations les plus récentes insistent plus sur les dangers d’une exposition brève et intense sans remettre en cause les bienfaits d’une exposition solaire modérée et contrôlée. Ainsi, les recommandation australiennes et néo-zélandaises de 2005 sur les risques et bénéfices de l’exposition solaire insistent bien sur la nécessité de prendre en compte l’indice UV en n’appliquant une photoprotection stricte que lorsqu’il est égal à 3 ou plus, et sur le fait que certaines personnes ont un risque plus élevé de cancer de la peau et ont besoin d’une protection plus rigoureuse, alors que chez d’autres, le risque de carence en vitamine D est suffisamment important pour qu’elle soit recherchée et supplémentée si nécessaire [134, 135]. Ces conseils font donc largement appel à la responsabilité individuelle et incitent le public à faire la démarche de s’informer [136].

En conclusion, même si l’on pouvait définir la dose d’UV ayant le meilleur rapport bénéfice/risque entre la cancérogenèse et la synthèse de vitamine D, ce qui n’est pas le cas, il resterait nécessaire de tenir compte des particularités individuelles liées au mode de vie, au phototype, aux habitudes vestimentaires et alimentaires, au lieu de résidence, aux antécédents médicaux, etc. Il reste donc primordial pour le médecin, à côté des campagnes d’information, de toujours raisonner et agir à l’échelon individuel, en connaissant les situations à risque soit de cancer de la peau, soit de carence en vitamine D et en sachant les prévenir. En l’état actuel des connaissances, cette prévention s’effectue respectivement par la limitation de l’exposition solaire et par la supplémentation orale en vitamine D.

Documents relatifs