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CHAPITRE 4 : DEUX ESPACES DE FAIBLE DENSITE, LE PERIGORD VERT ET LE RURAL

2. Caracteristiques du Perigord Vert et du Rural Galway

Une présentation parallèle était nécessaire pour exposer simultanément les différents éléments de contexte des deux terrains qui vont être confrontés. Au risque de fractionner cette progression en face à face, mais pour pouvoir donner une image précise et nuancée de chacun des terrains, ils vont maintenant être décrits successivement, de manière plus approfondie. Dans chaque cas, la description reprend les éléments de l’évolution démographique, historique, pour donner à voir la réalité à laquelle les jeunes sont confrontés.

2.1. Le Périgord Vert

Le Périgord Vert est situé dans le Nord du département de la Dordogne, un des départements les plus âgés de France. Il se situe dans une région identifiée dans « zone de faibles densités » (Bontron, Mathieu, 1977), connaissant comme 41 % des cantons de celle-ci, la configuration démographique la plus défavorable : lorsque le solde migratoire et le bilan naturel sont négatifs. Aujourd’hui, le Périgord Vert enregistre une quasi stagnation de sa population depuis 1990. Le solde migratoire (cf. carte ci-après) compense un fort déficit naturel.

Figure 12 : Carte du solde migratoire du Périgord Vert (1990 – 1999)

Source : INSEE (1990 ; 1999).

Avec 82 717 habitants, le Périgord Vert est une des zones les moins peuplées du département de la Dordogne. La densité moyenne y est de 25 habitants/km2, alors qu’elle atteint 43 habitants/km2 pour l’ensemble du département. Comme il est possible de le lire sur la carte ci-dessous, la majorité des communes du Périgord Vert a moins de 20 habitants/km2 et un quart des communes a entre 20 et 40 habitants/km2. Ce sont presque 70 % des habitants qui vivent dans des communes faiblement peuplées, en dessous de 40 habitants/km2. Les zones boisées sont nombreuses et l’agriculture est prégnante. Il est courant de rencontrer des habitants qui viennent du Nordde la France ou d’Angleterre. Le Périgord Vert, où les moins

de 25 ans représentent 22 % de la population, fait l’objet de politiques de développement depuis dix ans grâce aux financements Leader, avec une attention particulière sur les jeunes. Malgré ses nombreux atouts, le Périgord Vert reste dans l’ombre des hauts-lieux touristiques du département (Sarlat, Bergerac et Périgueux). S’il est marqué par diverses activités (tourisme, agriculture, gastronomie…), il peine à se donner une identité propre.

Figure 13 : Carte de la densité de population du Périgord Vert (1999)

Source : INSEE (1999).

La DATAR et l’INSEE (1999) décrivent un territoire qui présente une situation toute en contraste. Se côtoient des espaces où l’éloignement aux équipements et aux services s’accentue ; des espaces où la situation semble s’être stabilisée ; des espaces, enfin, où la situation s’est améliorée. La situation du Nord Est du département (La Coquille, Jumilhac,

Lanouaille, Excideuil) semble être la plus critique. En 1999, 70 % des 171 communes du territoire étudié avaient moins de 500 habitants et 67 % de sa population vivent en milieu rural isolé. De plus, les pôles urbains les moins éloignés, Périgueux, Limoges et Angoulême, sont distants de plus de 30 kilomètres.

Figure 14 : Carte des communes de plus de 500 habitants du Périgord Vert (1999)

Source : INSEE (1999).

Seulement le quart des habitants du département a moins de 25 ans et près d’un jeune sur trois réside dans une commune rurale isolée, selon l’Observatoire Régional de la Santé d’Aquitaine (2000). Le Périgord Vert est un des territoires les plus touchés par la baisse du nombre des jeunes ; les cantons se situant sur l’axe Nord Ouest / Sud Est, allant de Bussière-

Badil à Hautefort ont un pourcentage de jeunes qui avoisine les 22 %. Le taux descend à 20 % dans le canton de Saint-Pardoux la Rivière, un des cantons les plus vieillissants de la zone. Le canton de Mareuil a connu en l’espace de deux recensements une baisse du nombre des jeunes de 23 %. En 2001, on recense en outre dans le Périgord Vert 453 demandeurs d’emploi âgés de moins de 25 ans inscrits à l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi), soit 19 % de l’effectif total des inscrits. Ce taux est inférieur à ceux du département (19,6 %), de l’Aquitaine (19,4 %) ou de la France (19,3 %). Toutefois, le territoire présente des contrastes : six cantons sur les quinze connaissent un chômage des jeunes supérieur à 20 % ; ce taux dépasse même 26 % dans le Verteillacois. Le chômage des jeunes filles, selon les chiffres de l’Insee, touche 58 % des demandeurs d’emploi de la même catégorie d’âge. Ce taux s’élève jusqu’à 69 % sur le canton d’Excideuil et 70 % sur celui de Bussière-Badil. C’est aussi un public majoritairement féminin que rencontrent les conseillers des missions locales (2001). L’attente d’un premier emploi et la précarité des réponses poussent des jeunes à partir vers des bassins d’emploi plus « offrants ».

Divers organismes notent une implantation de familles en difficultés (chômage notamment) ayant pour conséquence l’apparition de « poches » de pauvreté. Dans une étude91

initiée par le Syndicat Mixte Intercommunal d’Etudes et d’Aménagement du Pays Nontronnais, il est indiqué que le chômage local est en partie dû à la venue de familles extérieures. Une étude sur les bénéficiaires du RMI souligne en 2001 le cas de jeunes qui, partis quelques années de leur département de naissance, reviennent après leurs études. Situés dans des zones d’attente où se mêlent chômage, stages, contrats aidés, intérim, contrats à durée déterminée, temps partiel, les jeunes entrent désormais dans la vie active sous le signe de la précarité.

2.2. Le Rural Galway

Le comté de Galway fait partie des zones du pays qui ont été peuplées avant la famine (1845-1850), et qui ont été des foyers de l’émigration. Après avoir été un des lieux de concentration de la population irlandaise, ce comté était au début du XXème siècle l’un des moins peuplé du pays. Depuis lors, les densités de population ont toujours été faibles.

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Figure 15 : Graphique de l'évolution de la population de Galway (Comté et ville), de 1841 à 2005 0 50000 100000 150000 200000 250000 300000 350000 400000 450000 500000 1841 1851 1861 1871 1881 1891 1901 1911 1926 1936 1946 1951 1956 1961 1966 1971 1979 1981 1986 1991 1996 2002 Années P o p u latio n

Source : CSO-Database Direct (2005).

La faiblesse des densités est une configuration héritée, à tel point qu’elle en est une caractéristique particulière. Ce sont le faible peuplement, la dispersion et l’éloignement entre les habitations que les Irlandais décrivent pour évoquer l’Ouest du pays et le Comté de Galway. Par exemple, l’office du tourisme irlandais fait sa promotion et sa publicité en mettant en avant ces éléments : les cottages isolés, les champs de tourbes, les lacs, les paysages dits sauvages, etc. De fait, pendant ces décennies cette zone a été atteinte par l’émigration. Ce n’est qu’en 1973, date de l’entrée de l’Irlande dans l’Union Européenne, que les pertes de population ont été stoppées et que l’économie s’est ouverte aux investissements extérieurs. Durant cette période, la partie rurale du Comté de Galway et la ville de Galway connaissent une forte expansion de l’activité industrielle. En contre point à ces réussites, la désaffection de l’activité agricole touche le Rural Galway et les petites exploitations caractéristiques de l’Ouest irlandais. Les années 1980 marquent le début d’une transformation profonde des campagnes de l’Ouest du pays qui sont de moins en moins des espaces de production agricole. Les densités de population sont toujours faibles et l’Ouest reste en marge. Le qualificatif de disadvantaged est accolé par les universitaires à ces régions car elles restent éloignées, peu peuplées et difficilement accessibles depuis Dublin. Entre 1986 et 1991,

les soldes migratoires s’inversent et sont positifs dans le Comté autour de la ville de Galway. En revanche, sa partie rurale perd de la population.

Figure 16 : Carte du solde migratoire du Rural Galway (1996 – 2002)

Source : CSO (1996 ; 2002).

Dans les années 2000, le solde migratoire est positif et la densité plus forte. Entre 1996 et 2002, la population dans le Comté croît de 8,8 %, la moyenne nationale étant de 8 %. Comme cela est mis en évidence sur la carte ci-dessus, la partie rurale du Comté qui gagne de la population est celle située à la périphérie de la ville de Galway et autour des villes locales

de Clifden, Tuam, Gort, Athenry, ainsi que Loughrea et Ballinasloe dans une moindre mesure. Les Deds perdant le plus de population sont les espaces ruraux du Sud et du Nord Est du Comté. Ainsi, certaines parties périphériques du Comté, telles que Glenamaddy et Portumna perdent encore de la population. Les mouvements de population dans le Comté entre les années 1980 et les années 2000 se traduisent par une croissance démographique autour de la ville de Galway, par une attirance pour les espaces ruraux éloignés des bassins d’emplois, par l’émergence de petites villes et des zones qui perdent de la population au Nord Est et au Sud de la partie rurale du Comté. L’Ouest du pays a toujours les densités les plus faibles, mais la ville de Galway et sa périphérie correspondent à un nouveau pôle attractif et dynamique dans le pays.

L’organisation de l’espace reste donc globalement caractérisée par l’étendue, l’éloignement, le peuplement lâche. Concernant les densités de population (cf. carte ci dessous), la moyenne est de 40 habitants/km2, avec 87 % des Deds ayant moins de 40 habitants/km2 et plus de la moitié (56 %) des Deds comptant moins de 20 habitants /km2.

Figure 17 : Carte de la densité de population du Rural Galway (2002)

Source : CSO (2002).

Les densités les plus faibles sont enregistrées sur la côte Ouest de Comté, qui bien que très touristiques, fait encore partie des espaces les plus « disadvantaged » (Jackson, Haase, 1996). A la périphérie du Comté se trouvent aussi des densités très basses. Ces données traduisent les changements de l’économie à l’échelle nationale (ouverture, entrepreneurs étrangers, politiques de développement industriel).

Selon J.-P. Marchand (1992) qui a établi une typologie des régions irlandaises, le Comté de Galway se trouve à cheval sur plusieurs types d’espaces. Le comté de Galway associe un centre urbain dynamique et en pleine croissance économique à un arrière pays éloigné de l’influence des autres centres urbains du pays. Avec 209 077 habitants, dont

120 101 dans sa partie rurale, le Comté est l’un des plus peuplé du pays et compte 15,4 % de sa population vivant dans des villes de plus de 1 500 habitants, 21 % vivant dans des villes de plus de 500 habitants, comme précisé plus haut. Le Rural Galway est donc relativement polarisé sur la ville de Galway et se structure autour des villes principales qui le jalonnent : Clifden, Tuam, Loughrea et Ballinasloe (cf. carte suivante).

Figure 18 : Cartes des Deds du Rural Galway de plus de 500 habitants (2002)

Source : CSO (2002).

Le Rural Galway est cependant composé de deux entités bien distinctes, notamment du point de vue paysager : la frange Ouest du Connemara, célèbre, touristique et très attractive pour des visiteurs occasionnels ainsi que la partie Est du Comté moins bien connue, moins visitée par les touristes et encore très agricole.

Sur le plan socio-économique, le secteur public procure encore de nombreux emplois dans les zones les plus périphériques du Comté de Galway alors que la contribution du secteur privé est plus marquée près de la ville de Galway. Au niveau national, les petits agriculteurs constituent 0,7 % de la population active. Dans le Comté, ce chiffre s’élève à 1,6 %. En outre, 80 % des agriculteurs ont un deuxième emploi. Le nombre de travailleurs manuels et d’artisans y est plus important que dans le reste du pays. Par rapport à la moyenne nationale (11,1 %), le Comté de Galway a un nombre signifiant de personnes âgées de plus de 65 ans (12,8 %). De nombreuses personnes vivent de leurs pensions de retraite. Le Comté de Galway compte dans sa population la troisième plus grande proportion de travellers92 du pays. Ils représentent 0,6 % de la population nationale. Ce chiffre double dans le Comté de Galway où ils représentent 1,4 % de la population. Les jeunes travellers - qui vivent dans les villes - font partie de l’échantillon enquêté. Il y a, en outre, une grande proportion de personnes ayant quitté l’école avant 15 ans, même si ce phénomène s’est estompé ces cinq dernières années. Par ailleurs, une étude du Comté de Galway (Irwin, 2005) met par exemple en évidence que près de 17 % des foyers n’ont toujours pas de chauffage central.

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Ce chapitre avait un objectif double, présenter comment la comparaison est mise en œuvre dans cette réflexion et présenter les deux terrains d’étude. L’approche comparative est pour nous une manière de mettre en perspective la faible densité de population et les espaces qu’elle caractérise. La comparaison renvoie ici à une éthique : « en pratiquant la comparaison internationale, il s’agit moins de montrer […] que ‘tout se vaut’ mais bien plutôt que l’on gagne à éclairer les faits sociaux à la lumière de leur singularité et déterminants multiples pour pouvoir, le cas échéant, peser sur leur transformation » (Lallement, Spurk, 2003 : 9).

Chacun des deux terrains ayant été présenté et resitué dans son contexte national, nous allons expliquer dans le chapitre suivant le déroulement et les méthodes choisies pour mener l’enquête de terrain.

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Les Travellers sont un groupe minoritaire propre à l’Irlande. Ils ont des pratiques culturelles disticntes telles que le marriage jeune, le désir de vivre sur un mode itinérant, une tradition de travail indépendant, etc. Ils ont aussi un langage propre à leur groupe. Pour plus de détails, voir McCann et al., 1995.

Photographie 1 : Le village de Saint Raphaël (Périgord Vert, Février 2006)

Photographie : Mélanie Gambino

Photographie 2 : Vue sur le Périgord Vert (Avril 2007)

Photographie 3: L'abbaye de Brantôme (Périgord Vert, Juin 2006)

Photographie : Audrey

Photographie 4: La rue principale de Clifden (Rural Galway, Juillet 2004)

Photographie 5 : La route nationale entre Clifden et Galway (Rural Galway, Novembre 2004)

Photographie : Mélanie Gambino

Photographie 6 : Un champ de tourbe (Rural Galway, Février 2007)

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