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3.2 Le document classique

3.2.3 Caractéristiques qui se rattachent à la qualification du document 41

tique, même un texte au sens traditionnel (un imprimé, par exemple) peut ne pas

être nécessairement apprécié comme objet herméneutique susceptible de déclencher

l’interprétation. Aux yeux d’une personne qui n’a pas la compétence appropriée

pour l’interpréter, il peut équivaloir à une simple page de gribouillages, à des figures

graphiques sans sens précis, dans le meilleur cas pour un répertoire rempli de

carac-tères. Un document doit posséder ainsi des qualités reconnaissables par le lecteur :

ses propriétés formelles doivent laisser supposer au lecteur qu’il fait partie d’un

sys-tème (ce qui d’habitude est appelé subomption). À travers les opérations de mise

en parallèle qui établissent des filiations ou des oppositions, le lecteur aboutit, in

fine, à placer l’objet/espace interprété en relation avec d’autres objets/espaces, en

construisant ainsi des cohérences.

3.2.2.3 Le document dépend du budget temps du lecteur

Si la compétence de lecture se rattache, certes, aux propriétés physiques et

formelles de l’objet/espace perçu, elle reste, dans tous les cas, une notion

dépen-dante aussi des facteurs liés à la temporalité du lecteur. On a vu précédemment

cf.3.2.1.3 le problème de la temporalité de l’objet ; tandis qu’ici nous nous referons

plus proprement à un paramètre lié à la lecture. En effet, la disponibilité temporelle

du lecteur joue un rôle déterminant dans l’évaluation d’un objet/espace et dans

l’interprétation qui en suivra. Le budget temps – (cf. entre autres T. Beauvisage

[Bea04]) – est un élément essentiel pour considérer les objets/espaces à lire, car il

intervient activement dans le processus interprétatif. En tant que résultat d’une

stratégie de lecture, l’interprétation d’un espace est conditionnée par le temps qu’un

sujet consacre à sa lecture. Entre l’interprétation d’un paysage (a)perçu à travers

la fenêtre d’un train en pleine vitesse et celle du même espace lors d’une promenade

à pied, il y a certainement une grande différence. De même, lorsqu’un lecteur

dis-pose de quelques secondes pour apprécier un tableau, il ne perçoit et il n’interprète

certainement pas les mêmes choses que lorsqu’il lui consacre plusieurs mois d’étude.

Le sujet accorde un budget temps à l’acte de lecture qui déterminera et fixera des

contraintes à la stratégie interprétative adoptée. La qualification d’un objet/espace

dépend alors de cette temporalité du sujet qui engage une stratégie interprétative.

La perception et l’interprétation du document, dans un certain sens, même son

existence, dépendent de l’action d’un sujet interprétant, action invariablement

cir-conscrite par sa temporalité propre au sujet. Cette action consiste en l’engagement

d’un lecteur, manifesté à travers uneintention qui mobilise sacompétencede lecture

et requiert unedisponibilité temporaire (un budget temps). Ce qu’on pourra résumer

par :

Document = [lecture (intention & compétence & budget temps)]

3

3.2.3.1 Qualifier un objet en tant que document exige sa contextualisation

La compétence et l’intention de lecture s’acquièrent, se développent et se

man-ifestent immanquablement à l’intérieur d’une culture, d’une langue, d’une époque,

d’un espace géographiquement délimité, plus généralement d’une communauté qui

est, au fond, une communauté de pratiques interprétatives. Une lecture est

perti-nente dans un contexte temporel (de spécificités liées au moment de la lecture) et

spatial (qui se rattache à une communauté géographique) délimités. Tout

change-ment opéré et qui modifie les conditions de réception sociale (d’interprétation) d’un

objet herméneutique peut affecter profondément tant son statut de document que

son interprétation. Le contexte de l’acte de lecture est en réalité représenté par

les communautés interprétatives ; toute communauté interprétative est régie par

des normes. Les normes d’interprétation participent à la construction d’une

cer-taine perception qui se manifestera sous différentes formes expressives. Pour qu’un

sens soit rattaché à une expression, son interprétation doit être validée par une

norme en vigueur dans la communauté où a lieu l’expression. Les normes

inter-disent ou autorisent certaines interprétations ; ce faisant elles façonnent les

com-pétences et les intentions de lecture. Intervenant dans la perception, l’expression

et l’interprétation, les normes participent ainsi à la con-formation des structures

cognitives. Con-formation dans les deux sens du terme : d’une part la perception,

l’expression et l’interprétation deviennent conformes à la norme, d’autre part, les

normes participent à la modification des structures cognitives, en leur imprimant

une forme.

L’observation et l’analyse de la manière dont les groupes d’individus organisent

leur vie en communauté mène invariablement vers la même conclusion :

spontané-ment et probablespontané-ment par instinct de survie, l’homme a tendance à agir de manière

à éviter tout conflit, y compris interprétatif. Pour ce faire les individus qui

apparti-ennent à un même groupe élaborent, implicitement et/ou explicitement, des normes

censées réglementer la vie de leur communauté. Ces normes, communément mises

en oeuvre et mutuellement acceptées, participent à la construction d’une perception

et d’une compréhension commune du monde, enfin, de ce que cette communauté

considère comme monde.

Les expériences menées par Sherif au début du siècle dernier ont constitué un

véritable tournant pour l’étude du phénomène de normalisation. Suivies par celles

d’Asch en 1952 dans [Doi78], ces observations ont mis en relief l’importance capitale

exercée par l’influence collective pour la constitution des normes. Ce phénomène

se manifeste aux trois niveaux qui nous occupent : la perception, l’expression et

l’interprétation. En plaçant un stimulus visuel dépourvu de cadre de référence,

Sherif

14

a démontré que, même si sa perception se structure d’abord

individuelle-ment, elle est toujours cadrée par une normativité ambiante et elle finit

invari-14Sherif s’est servi de l’effet autocinétique qui apparaît quand un stimulus visuel est dépourvu de cadre de référence : il suffit pour cela de placer dans l’obscurité totale une source lumineuse, l’effet est immédiat, elle semble se mouvoir de façon plus ou moins ordonnée dans différentes directions.

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ablement par se soumettre à l’opinion collective. À travers l’interaction entre les

membres d’un groupe, une influence réciproque s’exerce, tant localement que

glob-alement, et pousse chaque individu à accepter des compromis dans ses propres

esti-mations. Fondée sur une illusion (un point lumineux fixe), l’expérience montre qu’en

présence d’une situation privée de repères considérés comme critères d’évaluation,

l’individu a tendance à se fier aux avis des autres. Se trouvant ainsi confronté, à

une perception commune pour le groupe auquel il appartient, l’individu ne semble

avoir qu’un seul recours : aligner son opinion à celle du groupe en vue d’éviter le

conflit. Il cherche à établir un code commun qui a comme résultat un alignement

de l’interprétation en s’appuyant sur le seul contexte de référence dont il dispose –

les estimation des autres, comme résultat d’un récalibrage de l’interprétation.

Ce qui surprend dans cette expérience, c’est que, paradoxalement, rien n’oblige

l’individu à s’accorder aux autres. Cette attitude s’explique néanmoins par le fait

qu’il agit en vue d’éviter un conflit potentiel généré par le désaccord fondamental

entre « sa » perception et celle du groupe, majoritaire et donc dominante. Selon

Sherif, l’ensemble des sujets renoncerait ainsi aux opinions qui s’écarteraient de

la norme pour trouver avec ses partenaires une entente, une vision commune et

partagée de la situation. Il s’agit donc de parvenir à un compromis où les différences

individuelles sont réglées par une attitude qu’on pourrait appeler moyenne.

Ce phénomène de normalisation ne semble pas principalement lié à un besoin de

certitude où de vérité, mais au fait que, pour éviter le conflit, une situation identique

pour tous les membres d’une communauté doit être vécue de manière identique, ou,

au moins qu’elle ne provoque pas de contradiction. À la longue, on ne fait plus la

différence entre ce que l’on perçoit et ce que l’on voit, tant notre interprétation est

alignée à celle collective. L’élaboration d’une vérité collective, testée, expérimentée

et validée par l’ensemble des membres d’une communauté fonctionne comme référent

pour tous, comme un point d’ancrage interprétatif. En deux mots, la norme

interpré-tative à laquelle les individus se référeront et se tiendront fonctionne comme un pivot

autour duquel s’articule la vie de la communauté. Cette « vérité » collective sera

assimilée, d’une certaine manière, à la notion d’intersubjectivité. Dans ce sens, la

communauté d’interprétation exerce un rôle de médiateur, car elle devient l’unique

cadre de référence qui oriente la perception, l’expression et l’interprétation d’une

manière tantôt suggestive, tantôt prescriptive, tantôt même carrément autoritaire à

travers ses normes.

Émergeant toujours à l’intérieur d’une communauté déterminée, les normes

im-posent un mode d’appréhension du monde, ayant pour principal référent de la

réalité, l’opinion collective. Les normes sont élaborées par négociation tacite

en-tre les membres de la communauté en situation apparentée ou identique. Il s’agit

des phénomènes macroscopiques ; aucun n’a un authentique pouvoir sur l’autre.

Ainsi une norme consisterait en une « méthode » permettant à un groupe

déter-miné d’exercer un autocontrôle en vue d’éviter un éventuel conflit. Si la norme est

élaborée et établie collectivement elle est, par la suite, acquise par l’individu,

appro-priée, en quelque sorte intériorisée, incorporée. Ainsi, on peut dire que ce n’est pas

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la nature du stimulus qui rend compte d’une perception, d’une expression et d’une

interprétation ni même celle qui détermine l’action qui s’en suit : ce qui statue, au

fond, semble être plutôt l’influence exercée par des facteurs qui se rattachent à la

communauté d’interprétation et de pratiques ; c’est cette dernière qui normalise et

configure la perception en la calquant sur l’opinion collective. Nous verrons dans

la suite, dans le cas qui nous concerne particulièrement dans ce travail, comment

les normes explicites se traduisent ensuite en genres et agissent selon le principe

d’évitement du conflit d’interprétation. (cf. aussi [Ric69])

Cependant, la qualification d’un objet herméneutique en tant que document

requiert son positionnement à la fois au sein d’une communauté d’interprétation(s)

mais aussi à l’intérieur d’une société de textes [Kan99]. En effet, l’interprétation

d’un document n’est pas un acte individuel mais un acte collectif, un document

n’étant jamais document pour/d’un individu, mais pour/d’une communauté. Si

la contextualisation d’un document suppose le fait de le placer en relation avec les

normes d’interprétation d’une communauté, elle suppose également de l’installer, par

subomption, au sein d’une société de textes. La qualité d’être placé dans une relation

organisée et significative avec d’autres documents autorise aussi l’interprétation et

sa qualification en tant que document.

3.2.3.2 Un document accomplit une fonction de témoignage

L’étymologie du mot document renvoie au latin documentum, dérivé du verbe

docere, qui signifie enseigner. Son origine réfèrerait d’une certaine manière à quelque

chose qui, à la fois, véhicule un enseignement et est en mesure de l’apporter. En

latin, les mots suffixés en - entum renvoient essentiellement à des objets, à des

outils. On aurait pu ainsi déduire que le document est un objet/outil pouvant servir

dans un processus d’enseignement. Une dimension quasi didactique se détache de

cette propriété et confère au document le statut d’objet porteur d’une information

digne d’être retenue en vue de son éventuelle réutilisation ou re-transmission. En

tant qu’outil, il peut êtreconvoqué rétrospectivement par une communauté dans des

processus d’enseignement, servant comme témoignage, comme preuve.

Par sa qualité de preuve, le document est susceptible de mettre en mouvement

différents régimes d’action : la sanction (juridique), la conservation (patrimoniale),

la conviction (religieuse, philosophique, politique etc.). Pourtant, il a fallu attendre

le XVIIIème siècle pour que le sens judiciaire du terme soit précisé [GF08]. À cette

époque, le document est passé du statut d’objet qui enseigne à celui d’objet qui

renseigne, pouvant ainsi être mobilisé en tant que pièce à conviction en cas de litige.

Au XIXème siècle, la notion de document est élargie comme preuve dans d’autres

domaines : preuve scientifique, preuve d’un titre, etc., étant cependant réduite aux

seuls objets écrits. Par document, on comprend déjà, à cette époque, une « base

de connaissances », fixée temporairement et susceptible d’être utilisée pour

consul-tation, étude ou preuve. En 1951, Suzanne Briet publie un manifeste sur la nature

de la documentation qui commence par l’affirmation : un document est une preuve

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à l’appui d’un fait [Bri51]. Elle confie ainsi aux documents un rôle central d’outil

universel de validation. On constate de cette manière que les normes qui régissent

les différentes communautés aboutissent souvent à une formalisation et à une

stan-dardisation des dispositifs d’administration de la preuve qui les qualifie comme

doc-uments. Une preuve constitue néanmoins un élément d’un processus d’établissement

de la vérité, l’impératif de vérité saisit pourtant les sociétés de manière différenciée.

Au terme de vérité nous préférons celui de conformité, cela au sens d’acceptable

et valide dans un contexte déterminé et surtout respectant les normes. L’idée de

témoignage est souvent associée à une idée de vérité ; cependant, dans une tradition

herméneutique le terme principal n’est pas la vérité et aucun ordre d’objectivation.

Les enjeux sont surtout autour des procédures de construction de sens et de sa

validation, de son acception, bref, de sa conformité par rapport à une intelligence

collective. En tant que preuve, le document se doit d’être durable et authentique

pour permettre la justification d’une théorie, d’une étude, bref, d’une lecture. Ainsi,

en plus de renseigner, le document est reconnu comme étant digne de foi par ses

utilisateurs, c’est-à-dire authentique. Il acquiert de l’autorité : il est preuve, il a une

valeur de témoignage. Valeur intersubjective, l’authenticité circonscrit le document

dans une société de documents, car il peut servir de pivot pour un processus de

qualification d’autres documents (dans un registre juridique, scientifique, médical

etc.). Pour résumer, cette autorité du document ne se fonde donc pas sur le « vrai »

mais sur le « conforme », c’est la valeur ajoutée d’un égard à la norme et non pas

d’une filiation par rapport à la réalité.

3.2.3.3 Le document est trace sans être mémoire

Porteur de normes sociales et organisationnelles, par sa contextualisation, le

document se positionne autant comme support que comme trace d’une action.

L’interprétation d’un document (r)enseigne sur l’activité dont il est issu ; il est

souvent associé au concept de mémoire. Cependant, même si la trace et la mémoire

se retrouvent dans le même projet, les concepts ne sont pas interchangeables. La

métaphore a toujours ses limites, son emploi a occasionné, au fil du temps, des

extrapolations qui ont conduit à des confusions.

Le point commun entre la mémoire et la trace est le fait d’être indissociables

d’un processus d’organisation. Cependant, la mémoire humaine est le résultat d’une

évolution historique qui finit par situer sur un axe temporel deux conduites

ob-servables, séparées par un intervalle temporel d’une durée variable, tandis que la

trace est l’enregistrement ponctuel d’un fait. Les actions ne sont pas gravées,

im-primées sur/dans la mémoire de la même manière qu’une trace l’est sur un support.

Si la trace se doit d’être figée, stabilisée, en vue de son exploitation, la mémoire

s’apparente plus à un programme d’action. La mémoire, telle que nous la

com-prenons, n’est pas un support (un espace d’enregistrement) mais, en empruntant

un concept propre à la technologie numérique, on dirait qu’elle accomplit plutôt le

rôle d’un processus qui permet à une action d’être répétable. Sans être un

réser-3

voir statique, la mémoire a une dimension dynamique, son rôle étant de favoriser

l’adaptation à un milieu [O’R08]. La mémoire est ainsi le propre du sujet, tandis

que la trace s’attache au domaine de l’objet. La mémoire renvoie aux unités de

temps alors que la trace entretient une relation intime avec l’idée de spatialité. Une

trace est toujours inscrite sur un support, elle est mesurable en unités d’espace. Si la

trace permet de retrouver un objet herméneutique doté de permanence, la mémoire

permet un renouvellement de la pensée par l’action de se rapporter en arrière sur

un axe temporel.

Une conséquence immédiate de l’emploi de la métaphore (trace = mémoire)

surgit avec l’utilisation des nouvelles technologies. Cette mise en parallèle de la

mémoire humaine et de la surface d’enregistrement est une source d’amalgame, voire

même de raccourcis dangereux

15

. En employant et en banalisant cette métaphore,

la surface d’enregistrement contenue dans une machine a fini par être assimilée à

la mémoire même, si son unité de mesure est l’octet. Considérer les octets comme

unités de mesure de lamémoireserait comme si l’on considérait que la toile est l’unité

de mesure de la peinture alors qu’il ne s’agit que d’un espace d’enregistrement. La

mémoire ne peut pas s’externaliser, car elle est une action, on peut cependant garder

la trace de cette action à travers l’externalisation. Le document est donc une trace

conservant un contenu ; cependant il n’est pas une mémoire externalisée. Il est

le témoignage spatialisé et ponctuel d’un fait situé sur l’axe du temps. Il est à la

fois le support qui permet la restitution et la transmission d’une expression, et la

trace de celle-ci. À partir de la trace qu’il constitue, le document donne lieu à une

interprétation.

3.2.3.4 Le document – traçabilité

L’authenticité de la trace est établie par une approche généalogique, à travers son

suivi rétrospectif, appelée traçabilité. [Mil09] La traçabilité imprime au document

une temporalité qui est extérieure à la temporalité de l’objet et à celle du sujet, dont

on parlait antérieurement ; elle circonscrit le document dans la temporalité d’une

communauté déterminée. L’un des vecteurs de l’authenticité du document vient du

fait qu’il est perçu et on dira même vécu comme une histoire acceptée et partagée par

une communauté. Car, dans une certaine mesure, ce qui permet son interprétation

c’est le fait de pouvoir le situer à la fois dans l’histoire d’une communauté mais

aussi, comme nous le verrons plus loin, à l’intérieur d’une société de documents ;

d’identifier en quelque sorte son « cycle de vie ».

À ce niveau de notre réflexion, le document peut être défini comme la trace

matérielle et le témoignage vérifiable d’un fait interprété et qualifié à travers sa

contextualisation par une communauté d’interprétation.

Document = [qualification (contextualisation & témoignage & traçabilité)]

15Il est révélateur dans ce sens le fait que les mots « amour » et « haine » en ASCII représentent 35 bits.

3

Figure 3.2: le document classique

Réunissant les résultats correspondant aux trois niveaux d’analyse ci-dessous, le

document devient :

Document = [perception (délimitation & stabilisation & persistance)] + [lecture

(intention & compétence & budget temps)] + [qualification (contextualisation &

témoignage & traçabilité)]

La perception qui nourrit la lecture exige une délimitation, une stabilisation et

une persistance des propriétés formelles de l’espace/objet observé ; la lecture se

construit immanquablement à travers une intentionnalité et une compétence

circon-scrites par la temporalité du sujet ; tandis que la qualification d’un espace/objet

en tant que document requiert sa contextualisation à l’intérieur d’une communauté

d’interprétation et d’une société de textes à travers laquelle constituant une trace,

il accomplit une fonction de témoignage.

En imaginant le patrimoine documentaire « classique » comme un flux de

doc-uments, composé par des gouttes à consistance sémiotique multiforme et plurielle,

comme dans l’image suivante, on peut remarquer qu’on a volontairement placé le

lecteur à l’extérieur de ce flux, qu’il consulte par ailleurs. La taille des gouttes

3

(des documents) est en réalité fixée par la production éditoriale, voire même par

l’organisation propre de l’archivage.

En arpentant les couloirs ou les étagères des bibliothèques, des archives ou des

librairies, le lecteur effectue son choix parmi des documents « pré-délimités » et,

dans une certaine mesure il est contraint de tenir compte de cette pré-délimitation.

Nous verrons, plus loin, que, dans le cas du DN, le rapport que le lecteur entretient

avec le flux documentaire se trouvant en ligne se modifie radicalement.