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V Graphite : électrode négative

VI.2 Caractéristiques et propriétés

Les propriétés physico-chimiques de la SEI jouent un rôle majeur dans les caractéristiques de la batterie. Elle détermine la sécurité de la batterie, ses chargeabilités, la morphologie des dépôts de Li ainsi que les durées de vie calendaire et en cyclage.112

a ) Stabilité mécanique

Étant une couche adhérente au graphite, elle doit avoir des propriétés mécaniques similaires à ce dernier afin de suivre ses changements de volume et ainsi minimiser les contraintes substrat/couche mince. Notamment, elle doit être capable de suivre des variations de volume jusqu’à 10% lors des processus de lithiation/délithiation.5 Cette « respiration » du graphite est engendrée par les cycles d’insertion/désinsertion du lithium dans la structure, entre les feuillets de graphène.

b ) Intercalation du Li et co-intercalation

Le processus d’intercalation de Li est basé sur la perte du cortège de molécules de solvants par l’ion Li+ au moment de sa pénétration dans la SEI, puis son incorporation dans la structure du carbone sous sa forme désolvatée. En revanche, de la co-intercalation de molécules de solvants est possible, causant l’exfoliation de l’électrode. La destruction de la structure entraîne une grande quantité de capacité irréversible supplémentaire car de nombreux sites hôtes du Li sont perdus. La SEI, lorsqu’elle est bien constituée, peut radicalement réduire cet effet, voire l’empêcher. En effet, sous cette condition, la désolvatation s’effectue à la surface de la SEI et sur son épaisseur, si bien qu’une fois arrivé à l’interface SEI/graphite, le lithium est entièrement exempt d’espèces organiques, et il est alors le seul à pénétrer dans le graphite.

c ) Dégradation en cyclage

Il est très important de choisir les bons constituants de l’électrolyte (solvants, sels et additifs) afin de former une SEI mécaniquement et chimiquement stable, assurant une bonne durée de vie de la batterie. L’idéal est de formuler l’électrolyte avec au moins un précurseur de SEI qui peut réagir rapidement et former une protection du graphite dès les premières insertions de Li, à potentiels élevés dans la charge.112Ces choix sont d’autant plus importants que la SEI est le facteur majeur dans la dégradation des propriétés de la batterie LFP/Cgr.5 En effet, si les propriétés de la SEI ne sont pas bien contrôlées, celle-ci peut ne pas résister aux contraintes mécaniques et se fissurer, exposant de nouvelles surfaces fraîches de graphènes pour l’électrolyte qui réagit et forme à nouveau de la SEI. Chaque nouvelle formation de SEI réduit irréversiblement la quantité d’ions Li+ disponibles pour charger/décharger le matériau. La capacité de la batterie diminue alors au fil des cycles, jusqu’à atteindre l’obsolescence. La composition physico-chimique de la SEI est donc déterminante sur l’évolution des rétentions de capacités des batteries et donc sur leurs durées de vie. De plus, lors de charges/décharges à hauts régimes, les changements de volume du graphite sont plus sévères donc les batteries destinées à des applications de puissance doivent avoir une SEI encore plus stable mécaniquement.110

d ) Propriétés nécessaires

Finalement, les propriétés nécessaires à la SEI sont les suivantes : — résistivité électronique élevée,

— sélectivité et perméabilité élevées vis-à-vis des cations, — épaisseur de quelques nanomètres,

— haute résistance mécanique, tolérance aux contraintes de dilatation et de contraction (doit s’adapter aux variations de volume lors des insertions/désinsertions successives),

— insoluble dans l’électrolyte,

— stable sur une large gamme de températures et de potentiels,

— exempte de polluants pour assurer la meilleure durée de vie de la batterie et à plus fortes raisons pour des régimes élevés.

VI.3 Formation

La plage de potentiels dans laquelle se forme la SEI dépend non seulement du type de carbone de l’électrode négative, ses propriétés catalytiques de surface (teneur en cendres, type de plan cristallographique et rapport plan basal sur plan prismatique), la température mais surtout dépend surtout de la composition de l’électrolyte et de son constituant le plus réducteur (sauf le proton) ainsi que la densité de courant.112La SEI continue de se former tant que le potentiel est suffisamment réducteur et qu’elle n’a pas ses propriétés de barrière définitives.

a ) Mécanismes et réactions parasites

La croissance de la SEI est assurée par conduction et diffusion des électrons, et la diffusion du solvant (anions et additifs également), à travers son épaisseur jusqu’à l’interface SEI/électrolyte où ils réduisent les solvants et anions des sels. La couche est poreuse au début puis se remplit au fur et à mesure. De la capacité irréversible perdue au cours de sa formation peut ne pas avoir été utile à ce processus. Des produits peuvent se resolubiliser dans l’électrolyte et du Li solvaté peut se retrouver piéger dans le graphite. La figure 1.18 illustre les mécanismes qui ont lieu au cours de la formation de la SEI. Cependant, si les solvants et les anions sont trop stables, les solutions d’électrons solvatés peuvent migrer jusqu’à l’électrode positive et induire une auto-décharge élevée. Cependant, dans la plupart des électrolytes des batteries, la durée de vie des électrons solvatés est quasiment nulle. Finalement, les constituants de la SEI doivent être très peu solubles dans l’électrolyte qui doit comporter des précurseurs à potentiels rédox standards E° élevés et de forts courants d’échange i0 en réduction, afin de former la SEI le plus rapidement possible.

b ) Fissures et reconstruction

Des processus de fissure/réparation de la SEI peuvent avoir lieu en raison de dissolution pré-férentielle de l’électrode négative et de contraintes mécaniques. De nouvelles surfaces de graphite (ou de lithium métallique) se retrouvent alors vulnérables face à la réduction de l’électrolyte et de nouvelles couches de SEI se forment pour les protéger. Comme mentionné précédemment, ce mécanisme consomme du Li et des électrons pour produire irréversiblement les composés de la SEI.

Réaction indésirable Li+ solv Li+ solv Li+ solv Li+ solv

Produits solubles, réduction partielle

diffusion

Produits insolubles (Li2CO3)

SEI Précipitation

e

-e

-e- Anions des sels

Solvants Polymérisation

LiF, LiCl, Li2O

Réaction désirée

Figure 1.18 – Schéma des processus ayant lieu lors de la formation de la SEI sur électrode négative de carbone.113

Soto et al.114 ont étudié les mécanismes de polymérisation des solvants formant de la SEI et ont conclu que la conduction d’électron depuis l’électrode négative par effet tunnel n’est plus possible au-delà de 10 Å d’épaisseur de SEI. Néanmoins, cette polymérisation est aidée par des radicaux gé-nérés dans les premières étapes de formation et peut être prolongée. Ceux restant en solution dans les pores de l’électrode propagent la réaction en transférant les charges à leur environnement, une fois la nucléation de blocs de SEI commencée. Ce mécanisme a surtout lieu dans les micro-couches organiques de la SEI, plus poreuses que les couches non-organiques.

c ) Pollution : poursuite de formation

Dans les SEI fraîchement formées et dans les SEI polluées, la formation est facilitée à cause de la plus grande concentration de défauts dans la structure de la SEI. Dans le cas de la pollution, le phénomène de cross-talking (qui fait l’objet de la section VII) peut en être la cause et augmente l’épaisseur limite autorisant la conduction d’électrons par effet tunnel à cause d’espèces conductrices incorporées dans l’épaisseur de la SEI (espèces métalliques Mn à partir de l’électrode positive NMC et Fe à partir du LFP, par exemple).