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CHAPITRE 5 RÉSULTATS

5.2 CARACTÉRISTIQUES DES HOMMES sans-abri

Avec les participants, nous avons d’abord cherché à brosser un portrait des hommes fréquentant leur ressource. Tous les intervenants ont mentionné qu’il était difficile de faire un portrait précis des hommes puisqu’ils étaient tous uniques, certains ont même fait part de leur peur de « généraliser » à outrance. Charles commence d’ailleurs son entretien en spécifiant qu’« en partant, ça n’existe pas un portrait type de la personne qui va fréquenter [ses] services ». Nous expliquant que, selon lui, le seul

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GROUPES D'ÂGE

RÉPARTITION DE L'ÂGE DES

RÉPONDANTS

point commun à presque tous les hommes qui visitent sa ressource est la comorbidité de différentes problématiques. Toutefois, sans que ces dernières soient universelles, il se dégage plusieurs tendances permettant de caractériser les hommes sans-abri.

Neuf intervenants sur dix ont souligné que les hommes itinérants vivaient avec des difficultés personnelles importantes. En plus des problématiques de consommation et de dépendance identifiées par plus de deux tiers des personnes interrogées (n=7), plusieurs ont évoqué un passé difficile lié à des problèmes de santé physique (n=4). En plus grand nombre (n=8), ils ont identifié que ces difficultés étaient associées à des problématiques de santé mentale et, à l’instar de ce que souligne cette intervenante, à un déficit de confiance en soi ou d’estime de soi : « [pour] un énorme pourcentage, estime de soi : zéro. C’est clair ! ». Selon près de la moitié des intervenants interrogés (n=4), les hommes sans-abri ont de la difficulté à développer des liens significatifs ou bien ils présentent une méfiance excessive envers les personnes qu’ils ne connaissent pas, même dans le contexte d’un organisme réputé leur venir en aide. « Ce sont des gens qui ne vont pas faire facilement confiance », nous rapporte Jean. Charles, qui va dans le même sens, ajoute que : « ce sont des gens qui ont été trahis toute leur vie ou bien souvent dès l’enfance ».

Ces difficultés ressenties à différentes étapes de l’existence de ces hommes ont des impacts importants sur leur capacité à s’adapter à la vie en société et à entretenir des rapports sociaux. À cet effet, Stacy mentionne que les personnes sans-abri qu’elle rencontre : « […] ont un passé très difficile, avec plusieurs traumas au niveau de […] l’enfance, de la vie adulte […] qui font en sorte que la création de lien est plus difficile ». Établissant un constat similaire, Pierre ajoute que les hommes qui fréquentent sa ressource « ont de la misère à identifier leurs forces [et que par conséquent] ils vont beaucoup se dévaloriser ».

Plus de la moitié (n=6) des participants ont souligné que les hommes itinérants vivaient avec des difficultés relationnelles et sociales importantes et que ces difficultés affectaient leur fonctionnement dans la société dans laquelle ils évoluent. Les intervenants ont, entre autres, identifié que les personnes sans-abri étaient marginalisées (n=4) ou encore isolées (n=4). Leur réseau social limité ou inexistant fait en sorte qu’il n’est pas aisé pour elles de prendre part à des activités de nature sociale et d’entretenir des relations significatives.

Le langage est différent, le langage de la rue, alors c’est difficile des fois pour eux […] On parle de réinsertion sociale, retourner sur le marché du travail, il y a des codes vestimentaires. Souvent c’est des gens… Ça peut même être juste allé voir un spectacle, ils vont se sentir mis à part. (Jean)

Dans leurs interactions avec leur environnement social, certains intervenants interrogés (n=3) ont soutenu que les hommes qu’ils fréquentent dans leurs services vivaient les conséquences des préjugés véhiculés à leur endroit. À ce sujet, Pierre a noté que ces derniers « se sentent différents, ils se sentent beaucoup jugés » et que ce ressenti influence parfois les décisions qu’ils prennent. Ils vont notamment choisir d’endurer une douleur ou un inconfort plutôt que d’aller à l’hôpital, de peur d’être jugés par le personnel soignant à l’accueil ou encore les médecins qu’ils vont voir en consultation. Plusieurs intervenants mentionnent que les hommes rapportent qu’ils reçoivent des traitements différents des autres en raison de leur statut de personne itinérante.

Ça arrive souvent qu’on réfère des résidents à l’urgence, puis ils reviennent bredouilles, parce que justement… "Ah! C’est un itinérant qui veut juste rester, qui veut juste avoir une place pour se réchauffer dans l’urgence." Ils sont pas pris au sérieux. (Jenny)

De manière unanime (n=10), les répondants s’entendent pour dire que les personnes sans-abri présentent toutes des forces, bien que celles-ci ne soient pas toujours reconnues ou mises en valeur. Parfois les hommes eux-mêmes ne perçoivent pas qu’ils ont un potentiel, car ils ont, au fil du temps, intégré le préjugé qui veut qu’ils n’en aient pas. Les intervenants mentionnent aussi que certains professionnels du

réseau de la santé et des services sociaux voyaient principalement les difficultés vécues par les hommes itinérants et leurs vulnérabilités et concentraient leur intervention sur ces points, sans reconnaître les forces de ceux-ci dans la relation d’aide. Stacy rapportait que : « [les professionnels] les voient [comme] l’espèce de cliché du

parasite sur l’aide sociale qui fait juste boire et qui a fait ce choix de vie-là ». La force

la plus fréquemment mentionnée est la résilience (n=7). Les intervenants ont souvent insisté sur la capacité des hommes sans-abri à passer au travers d’épreuves difficiles et de poursuivre leur parcours avec l’espoir d’améliorer leur sort :

Il y a toujours quelque chose à travailler et le fait qu’ils s’accrochent à ça et qu’ils continuent à vouloir faire un travail sur eux, malgré qu’ils aient été déçus par la vie, malgré qu’ils se soient pétés la gueule.  (Gabrielle)

Quelques-uns ont également souligné que les difficultés intenses et répétées vécues par les hommes qui fréquentent leurs ressources seraient, selon eux, venues à bout de l’endurance de nombreuses personnes non itinérantes. Plusieurs répondants voient donc la persévérance des hommes sans-abri (n=4) comme une force qu’ils associent à leur résilience : « ils sont vraiment persévérants, malgré que, c’est plate,

on les revoit souvent, [mais] ils continuent et ils ne lâchent jamais… Même s’ils sont dans le cycle [de l’itinérance], ils continuent toujours de donner l’effort qu’ils peuvent » (Jenny). Ces forces ont souvent été jumelées à d’autres, telles que la

débrouillardise (n=3) et plus rarement l’autonomie et la créativité (n=1), cette dernière était illustrée par l’intervenante comme la capacité des hommes sans abris de tirer le maximum du peu de ressources dont ils disposent. L’ensemble de ces forces sont généralement utilisées par les intervenants pour décrire les techniques et les stratégies d’adaptation utilisées par les hommes sans-abri pour surmonter les difficultés et les problématiques rencontrées. Par exemple, les intervenants associent l’autonomie et la débrouillardise à la manière dont les hommes parviennent à intégrer de nouveaux milieux, de nouveaux groupes, etc. Les caractéristiques de résilience et de persévérance sont quant à elles associées à la capacité de certains hommes d’encaisser les échecs et les refus, et ce, tout en maintenant une volonté de changer et d’améliorer leur situation.

5.3 PROBLÉMATIQUES OBSERVÉES CHEZ LES HOMMES SANS-ABRI PAR LES

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