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CHAPITRE 4 MÉTHODOLOGIE

4.6 ANALYSE DES DONNÉES

L’analyse interprétative descriptive implique une analyse continue des données tout au long du processus de recherche. Les limitations inhérentes au contexte de maîtrise impliquent cependant certains sacrifices, mais l’essence du processus a été respectée. L’analyse des données s’est faite en trois « flux concourants d’activités » tels que proposés par Miles et Huberman (2003) et Miles, Huberman et Sandaña (2014), soit :

1) La condensation des données ;

2) La présentation des données et la mise en relation des thèmes ; 3) L’élaboration et la vérification des conclusions.

Dans la condensation des données, nous avons examiné celles-ci pour y repérer les extraits significatifs et les avons rassemblés en catégories ou « thèmes ». Les thèmes sont de courts énoncés qui résument « l’essentiel d’un propos ou d’un document » (Paillé et Mucchielli, 2010 : 164). Ces thèmes regroupent donc les concepts présents dans le discours des intervenants concernant la relation que les hommes en situation d’itinérance entretiennent avec les services de santé et les services sociaux. Ils illustrent donc l’essence de leur interprétation du phénomène. Selon Larivière et Corbière (2014), ce processus devrait se faire en relisant les transcriptions et en écoutant les enregistrements des entrevues entre chaque interview. Comme mentionné plus haut, le contexte de la maîtrise rend difficile de réaliser cette démarche à la lettre. Nous avons donc abordé la collecte de donnée en blocs d’entrevues, chaque bloc correspondant à l’ensemble des entrevues qui se sont déroulées avec les intervenants d’une des villes ciblées. Nous avons utilisé, comme recommandé par les mêmes auteurs, la rédaction de fiches synthèses entre chaque entrevue. Étant donné les contraintes de temps et de moyens, les fiches synthèses construites à l’intérieur des blocs d’entrevues (entre les entrevues d’un même bloc) l’ont été à partir de l’écoute des enregistrements uniquement. Cela nous a permis tout de même de « (nous) imprégner des données et de développer une vision globale du point de vue des

participants » (Larivière et Corbière, 2014 : 14). Une fois un bloc d’entrevues complété, nous disposions alors du temps nécessaire pour faire l’analyse complète des transcriptions d’entrevues avant le prochain bloc. Celle-ci a été réalisée à l’aide du logiciel d'analyse qualitative NVivo 12. Ce travail nous a permis de classer les idées en thèmes qui rendent compte du sens des propos et qui reflètent avec justesse l’essence des témoignages (Larivière et Corbière, 2014). L’ensemble des thèmes nous fournit donc une explication contextualisée du phénomène tel que perçu par les intervenants des ressources ciblées.

Les deux exemples suivants illustrent la manière dont cette démarche de classement a été effectuée. Les propos d’un intervenant qui mentionne que : « [les hommes] vont projeter des images autres que ce qu’ils sont en fait, images de durs et ils vont être moins transparents avec eux autres mêmes, avoir moins de connivence. » seront classés sous le grand thème de la masculinité, mais plus précisément dans le sous-thème : « Comportement de démonstration de la masculinité par un geste ». Dans une autre entrevue, toujours en lien avec la masculinité (grand thème), le verbatim suivant « [i]ls vont avoir un parler assez salé entre eux, mais ça va changer quand ils vont entrer en relation avec leur intervenante en suivi, ou peu importe. Là ça va être… ça m’a dérangé quand il parlait de ça, moi ça m’a fait penser à ma sœur, à ma mère ou… » sera classé dans le sous-thème : « Contexte situationnel permettant de contrevenir à la norme masculine ». Ces thèmes et sous-thèmes seront ensuite organisés, au fur et à mesure qu’ils apparaissent, dans une grille d’analyse (Larivière et Corbière, 2014).

La seconde partie de la phase de condensation telle qu’imaginée par Miles et

al. (2014), c’est-à-dire la construction d’un schéma structuré, unifié et représentatif des

liens existants entre les différents thèmes a été réfléchi une première fois lors des écoutes des enregistrements pendant les blocs d’entrevues. Mais c’est entre lesdits blocs que nous avons eu le temps de les approfondir davantage. Dans le but de favoriser la continuité dans le travail et de permettre un travail réflexif continu sur la recherche

effectuée, nous avons régulièrement rédigé des mémos dans lesquels nous avons documenté nos réflexions analytiques, une méthode suggérée par Larivière et Corbière (2014). Dans ceux-ci, étaient consignées nos hypothèses sur les liens qui sont potentiellement en train d’émerger entre les différents sous-thèmes et nos réflexions sur l’orientation potentielle à donner aux entrevues à venir, par exemple l’ajout de sous- questions ou l’exploration plus approfondie d’un concept. Notamment, relativement aux facteurs qui facilitaient ou qui rendaient la relation plus difficile entre les hommes sans-abri et les prestataires de services de santé et de services sociaux, de nouvelles déclinaisons des questions en lien avec ces facteurs sont apparues au fil des entrevues afin d’aider les intervenants à réfléchir à différents aspects. Au début, nous retrouvions l’accueil, le temps pris avec les hommes, le langage adapté, etc. Puis, se sont ajoutés l’environnement dans lequel se déroulent les rencontres, la capacité des intervenants à décoder certains non-dits fréquents chez les hommes, la capacité des intervenants d’accepter une certaine dose de colère lorsque les hommes ne connaissent pas d’autres manières de s’exprimer, etc.

La seconde activité, la présentation et la mise en relation des données sont, dans l’approche descriptive interprétative, l’étape qui permet de s’élever au-dessus de la simple description. L’objectif de cette étape est d’organiser les données de manière visuellement logique et ainsi mettre en évidence les liens entre les différents thèmes (Larivière et Corbière, 2014). Dans la présente recherche, elle s’est faite de manière progressive entre les blocs d’entrevues et à évoluer simultanément avec les réflexions de l’étudiant-chercheur tout en nourrissant ces dernières. Cette étape a permis de poser un regard global sur l’ensemble des thèmes obtenus suite à la condensation des données (Larivière et Corbière, 2014). Selon ce que nous jugions le plus à propos, nous avons organisé les données sous forme de schémas, tel que proposé par Miles et al. (2014). Il a été nécessaire d’effectuer cet exercice entre les blocs d’entrevues plutôt que pendant ces derniers puisque, comme l’indique Larivière et Corbière (2014 : 15), « [il s’agit] d’un exercice créatif, qui doit être réalisé avec rigueur, et qui peut nécessiter plusieurs itérations avant de trouver le format qui représenterait le mieux les relations et l’interprétation juste du phénomène ». Le temps limité pendant les blocs ne permettait

pas un travail convenable. Les schémas étaient contextuels (présenter dans quelles circonstances un thème à tendance à avoir une signification particulière ou un lien spécial avec un autre thème), ou encore explicatifs (Larivière et Corbière, 2014). Ces différentes méthodes ont permis de construire un sens autour de l’ensemble des thèmes, tel que mentionné par Miles et Huberman (2003). Cela a également permis la construction progressive d’une description interprétative représentative de la compréhension qu’ont les participants du phénomène.

La troisième activité implique l’élaboration et la vérification des conclusions de la recherche. Nous avons alors fait ressortir les principaux constats qui ont été effectués lors des deux premières étapes. Ces constats sont en réalité les phénomènes qui sont revenus le plus souvent dans les notes et les mémos lors de la relecture ainsi que les liens et les phénomènes réguliers observés lors de la mise en relation des données (Larivière et Corbière, 2014). Ces conclusions ont émergé au fur et à mesure du processus de recherche et la vérification s’est faite de manière continue tout au long de ce dernier. Afin de permettre une interprétation optimale des données obtenues lors de la recherche, nous avons appliqué certaines recommandations faites par Larivière et Corbière (2014), telles que se distancer du journal réflexif et effectuer des discussions occasionnelles avec le directeur de la maîtrise ou des collègues. Ces moyens ont permis d’obtenir la meilleure compréhension possible du sens du phénomène observé. Nous avons finalement porté une attention particulière à faire des retours réguliers sur les données dites « brutes » tout au long de la recherche, afin de s’assurer de rester imprégné du sens réel des données que nous interprétions.

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