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III. Les disparités génomiques inter-souche

1. Caractéristiques génomiques de Bordetella pertussis

Ces différences protéomiques ne sont pas suffisantes pour expliquer la spécificité d’hôte de Bordetella pertussis et adaptation à la pression vaccinale. L’apparition du séquençage à haut débit a permis d’étudier en profondeur les différences génomiques parmi le genre Bordetellae pour identifier des facteurs spécifiques au pathogène (Parkhill et al., 2003).

i. Comparaison des génomes des Bordetellae

Bordetella pertussis aurait évolué indépendamment de Bordetella parapertussis à partir d’un ancêtre commun se rapprochant d’une ancienne Bordetella bronchiseptica (Diavatopoulos et al., 2005). Une comparaison des trois génomes respectifs des souches modèles a pu montrer que les génomes de Bordetella pertussis et de Bordetella parapertussis sont réduits en comparaison du génome de Bordetella bronchiseptica (Tableau 1). La diminution de la taille du génome a conduit à une perte de gènes et s’accompagne d’une augmentation du nombre de pseudogènes. Cependant, les autres caractéristiques du génome restent similaires entre ces sous-espèces : le nombre d’ARN ribosomiques, le nombre d’ARN de transfert, le pourcentage en Guanine / Cytosine, le pourcentage de portions codantes du génome et la taille moyenne de ces loci restent pratiquement inchangés.

L’une des plus grandes différences réside en l’apparition d’éléments génétiques mobiles en grand nombre , appelés séquences d’insertions (IS) (Parkhill et al., 2003),

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chez Bordetella pertussis et Bordetella parapertussis. Le génome de Bordetella parapertussis transporte 22 IS1001 et 90 IS1002, alors que le génome de Bordetella pertussis transporte 6 IS1002, 17 IS1663 et 238 IS481. Les IS481 peuvent être encore retrouvées chez certaines souches de Bordetella bronchiseptica de classe IV, alors que les IS1001 et IS1002 sont principalement retrouvées chez quelques souches de classe I (Diavatopoulos et al., 2005). Ce trait renforce le fait que Bordetella pertussis serait issue d’une lignée de Bordetella bronchiseptica qui aurait évoluée indépendamment d’une autre lignée ayant elle évoluée en Bordetella parapertussis. L’acquisition des IS serait responsable de remaniements génomiques majeurs observés chez le pathogène humain (Figure 10) (Parkhill et al., 2003). Le génome de Bordetella pertussis présente de grandes similarités avec celui de Bordetella bronchiseptica, mais l’organisation génomique est très différente contrairement à celle de Bordetella parapertussis.

ii. Avantages des séquences d’insertion IS481

Les IS481 seraient responsables de la diminution de la taille du génome de Bordetella pertussis, qui serait elle-même corrélée avec la spécificité d’hôte chez les Bordetellae (Cummings et al., 2004). Les différences génomiques affectent principalement les locus codant pour des protéines de surfaces et des antigènes, dont l’antigène-O et la fimbriae, également liée à la spécificité d’hôte chez les Bordetellae (Burns et al., 1993; Cummings et al., 2004; Linz et al., 2016; Preston et al., 1999). La réduction de la taille du génome favorisée par l’acquisition des IS est un événement majeur ayant contribué à l’évolution de Bordetella pertussis et à sa spécificité d’hôte (Siguier et al., 2014).

Outre le fait d’être impliqué dans l’évolution du pathogène, les IS481 sont responsables de remaniements génétiques majeurs responsables de grandes diversités génomiques entre les souches de Bordetella pertussis (Weigand et al., 2017).

Tableau 1: Comparaison des caractéristiques génomiques de Bordetella pertussis,

Bordetella parapertussis et Bordetella bronchiseptica. Tableau de Parkhill et al., 2003

Tableau 2: Comparaison des caractéristiques génomiques de Bordetella pertussis, Bordetella parapertussis et Bordetella bronchiseptica. Tableau de Parkhill et al., 2003

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L’organisation génomique est changée principalement par des événements de double recombinaison homologue et par l’activation des IS. Le génome du pathogène varie très peu en terme de contenu entre les souches, cependant l’ordre des gènes et l’organisation génomique influe directement sur l’expression de gènes, et notamment de gènes de virulence (Brinig et al., 2006). Des variations d’expression de gènes de virulence ont pu être observées entre différentes souches cliniques et vaccinales malgré la présence des loci génétiques chez toutes ces souches. De plus, l’expression des gènes de virulence des souches cliniques peut être altérée après quelques cultures en laboratoire. Par exemple, les gènes fhaB, prn, cyaC et fim3 sont exprimés différemment chez la souche Bpe280 après uniquement 12 passages sur boite de pétri, en condition Bvg+ et Bvg- (Figure 11) (Brinig et al., 2006).

Ces remaniements génomiques seraient corrélés à la pression vaccinale exercée sur les souches circulantes du pathogène (Xu et al., 2015). La variation de l’ordre des gènes confèrerait un avantage sélectif potentiel agissant sur l’expression des gènes de virulence (Brinig et al., 2006). les antigènes présents dans le vaccin acellulaire seraient Figure 10: Alignement des séquences génomiques respectives de Bordetella pertussis, Bordetella bronchiseptica et Bordetella parapertussis.

En gris sont représentés les brins positifs (Haut) et négatifs (Bas) de chaque sous-espèce. Les similarités génomiques en rouge ont été détectées par BLASTN. Les triangles noirs représentent les éléments génétiques mobiles et les carrés roses les prophages. Figure de Parkhill et al., 2003

Figure 9: Alignement des séquences génomiques respectives de Bordetella pertussis, Bordetella bronchiseptica et Bordetella parapertussis.

En gris sont représentés les brins positifs (Haut) et négatifs (Bas) de chaque sous-espèce. Les similarités génomiques en rouge ont été détectées par BLASTN. Les triangles noirs représentent les éléments génétiques mobiles et les carrés roses les prophages. Figure de Parkhill et al., 2003

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inactivés par les IS481 de Bordetella pertussis soit directement par insertion dans la séquence du gène, soit indirectement par remaniement du chromosome (Martin et al., 2015; Weigand et al., 2018; Williams et al., 2016).

Figure 11: Variation d'expression de gènes après 12 passages sur milieu de culture de la

souche Bpe280 observée par puces à ADN

Chaque colonne représente un réplica de culture en condition Bvg+ (Haut) et Bvg- (Bas). L’expression des gènes a été représentée par une carte thermique en Log2 par comparaison avec la souche Tohama I, modèle de laboratoire. Figure de Brinig et al., 2006

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