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Chapitre 2 : Le cadre théorique et la recension des écrits

2.4 Les caractéristiques des enseignants débutants en relation avec la gestion de classe

La problématique a bien démontré que l’aspect disciplinaire de la classe était une difficulté inhérente aux premiers pas en enseignement. On a vu également que les conditions d’entrée dans la profession augmentaient le niveau de cette difficulté. Dans cette section, certaines explications quant à l’origine de ces difficultés seront avancées.

Des recherches antérieures ont mis en évidence des éléments semblables concernant les aspects les plus problématiques de la gestion de classe pour les enseignants débutants. Une des principales études portant sur les perceptions des difficultés des enseignants au primaire et au secondaire est celle de

Veenman (1984; 1987). Après avoir recensé des recherches provenant de différents pays sur plusieurs années, il arrive à ce constat : les problèmes des enseignants débutants sont similaires et universels de même qu’ils concordent avec les perceptions des directions d’école. Parmi les difficultés qu’il a inventoriées par ordre d’importance : l’indiscipline, le manque de motivation des élèves et les différences individuelles entre les élèves. Ces éléments semblent être des dénominateurs communs pour un grand nombre d’enseignants débutants, et ce, encore aujourd’hui. Selon une autre source, travailler auprès d’élèves en difficulté et devoir les motiver sont des préoccupations les plus rapportées par les nouveaux enseignants (Heck et Blaine, 1989). Le manque de respect entre les élèves, l’indifférence envers l’école, le manque d’attention et le bavardage sont d’autres difficultés fréquemment énoncées par les nouveaux enseignants (Greenlee et Ogletree, 1993).

Par ailleurs, lorsque les enseignants débutants sont confrontés aux réalités d’une classe, ils sont égocentriques, centrés sur la tâche (Nault, 1995). Ils sont trop préoccupés par l’immédiat de leur pratique (Desgagné, 1995). Étant centrés sur eux- mêmes, il s’avère laborieux pour les enseignants débutants de bien saisir une situation problématique dans son ensemble. Ils accordent trop d’importance au contenu et au matériel didactique plutôt que de recourir à des stratégies de gestion de classe (Chouinard, 1999).

L’insuffisance de connaissances en gestion de classe

Parmi les origines des difficultés en gestion de classe des enseignants débutants, nous verrons les principales, soit le manque de connaissances procédurales et les représentations inefficaces de la gestion de classe (Chouinard, 1999). L’ignorance de l’enseignant de certaines connaissances procédurales et des bases

théoriques en gestion de classe peut causer des difficultés comportementales chez les élèves. Par exemple, un lien a été établi entre la mobilité de l’enseignant, la supervision du groupe dans la salle de classe et la manifestation de comportements perturbateurs. L’observation d’enseignants débutants a permis de constater qu’ils passaient 75 % de leur temps en avant de la classe. On leur a demandé de se mouvoir partout dans le local durant le cours et les problèmes de comportement ont diminué de moitié (Fifer, 1986). De façon générale, les enseignants en début de carrière n’ont pas encore développé de routines ou d’approches systématiques de gestion de classe (Pearce et Loyd, 1987). Par exemple, ils savent comment élaborer des règles et des procédures. Le problème est qu’ils négligent de les renforcer (Lasley, Lasley et Ward, 1989). Ou encore, la présentation des règles se résume à installer des affiches au mur plutôt que de faire pratiquer les élèves. Aussi, la gestion inadéquate des transitions est l’une des causes de mauvaise gestion du temps (Arlin, 1979). En ne prenant pas soin de gérer adéquatement les transitions, soit le passage d’une activité à une autre, les risques de perte de contrôle de la classe et de perte de temps d’apprentissage sont plus grands. Au contraire, une bonne gestion de classe permet de sauver du temps et de maximiser l’apprentissage (Chouinard, 1999). Parce qu’ils ne savent pas comment utiliser de simples techniques pour maintenir l’ordre en classe, ils emploient des mesures punitives (Charles, 1997). Ils ont tendance à utiliser exclusivement la récompense et la punition plutôt que des stratégies mettant en valeur les activités d’apprentissage (Chouinard, 1999). Ainsi, pour survivre et avoir le contrôle de la classe, ils iront jusqu’à recourir à des pratiques mettant en péril le climat d’apprentissage (Martin et Baldwin, 1996). Ils ont tendance à être plus réactifs face aux élèves allant même jusqu’à les considérer comme des ennemis. D’ailleurs, tant que les nouveaux enseignants n’auront pas réalisé que les réactions comportementales des élèves ne sont pas contre eux, ils ne seront pas en bonne position pour réagir adéquatement (Gibbons et Jones, 1994). En effet, selon une étude réalisée à partir d’observations d’enseignants débutants ayant vécu des débuts de carrière plutôt faciles, ceux-ci réussissaient à établir des contacts positifs avec les élèves qu’ils considéraient « maniables ». De plus, grâce

à leur enthousiasme, ils ont pu s’investir davantage dans leur tâche (Mukamurera, 1998).

La représentation de la gestion de classe

En plus du manque de connaissances, les nombreuses difficultés rencontrées en gestion de classe par les enseignants débutants sont en partie dues à des représentations inadéquates des élèves et de l’enseignement (Chouinard, 1999; Lamarre, 2004). Il faut défaire certaines croyances telle celle que la gestion de classe est une question de « gros bon sens », que quelques conseils et un peu d’expérience suffisent à surmonter les situations problématiques. Ou encore, un bon cours, bien planifié suffit à lui seul à évacuer les problèmes en gestion de classe. Au contraire, une bonne planification de cours ne suffit pas : « les meilleurs manuels scolaires ne font pas nécessairement les bons enseignants » (Fijalkow et Nault, 2002, p. 235). De plus, selon la même source, il faut dépasser l’idée que la gestion de classe est un don, qu’il y a de bons et de mauvais gestionnaires de classe.

La manière dont les enseignants se représentent la gestion de classe, c’est-à-dire leurs conceptions, les affecte au cours de leur formation universitaire et pendant leur insertion professionnelle. Par exemple, les étudiants pensent que les cours leur apprennent peu de choses et ils terminent leurs études en disant n’avoir rien appris. Pour eux, la personnalité l’emporte sur les connaissances et les habiletés : « on l’a ou on ne l’a pas », pensent-ils. Comme la planification des enseignants est influencée par leurs représentations, ces enseignants n’auront pas tendance à planifier un système cohérent de gestion de classe au cours de leurs premières expériences d’enseignement (Chouinard, 1999; Martineau et collab., 1999). Par conséquent, sans planification, il est impossible d’éviter les difficultés. Dès lors, la porte est ouverte à des problèmes plus

graves qui peuvent sembler insurmontables à l’enseignant qui ne connaît pas, ou ne maîtrise pas, les stratégies pertinentes pour y faire face. Ces conditions font naître un sentiment d’impuissance ou d’incompétence chez les jeunes enseignants.

Or, pour créer un climat de classe qui favorise l’apprentissage, les enseignants doivent travailler très fort à partir de ces trois éléments de base : la planification d’un système permettant d’établir et de maintenir l’ordre et la discipline en classe avant le début de l’année scolaire, la mise en application du système dès le début de l’année, le maintenir et le gérer tout au long de l’année (Emmer, Evertson, Sanford et Worsham, 1994). Il en sera question dans la prochaine section en s’attardant à l’établissement et au maintien de l’ordre et de la discipline en classe.